Rencontre

Arc en ciel de fantaisie et de couleur dans ce sombre endroit, Luline attendait avec une certaine appréhension sa rencontre avec Opale. Quelle serait sa nouvelle propriétaire, à quoi ressemblait-elle? Etait-elle gentille, cruelle? Et surtout: était-elle au courant de son histoire? Les questions tourbillonaient dans la tête fantasque de la créature qui s'évadait dans ces plaines où fleurissaient sans cesses de nouvelles interrogations. Elle n'avait que ça à faire de toute façon dans cet endroit sordide. Et puis quelle idée de l'enfermer dans une cage! Comme si elle était folle dangereuse... Elle détestait qu'on la regarde comme un animal dans un zoo. Pourtant c'était ainsi qu'était nommé cette salle. Et la petite Fée n'était qu'une curiosité parmi tant d'autres.

Recroquevillée elle cherchait une quelconque source d'apaisement. Inconsciemment, elle se mit à chantonner, de cette voix cristalline et aigue qui correspondait si bien à son apparence fragile. S'évadant sur les ailes châtoyantes de la musique, la mélodie l'emportait loin de ces murs noirs, de cette sinistre prison. Elle était de nouveau libre, entourée de multitudes de minuscules fées jouant à travers les rayons de la lune se réflétant dans leurs ailes diaphanes. Sa prison était devenue une clairière caressée d'une lumière diapahane et le béton recouvert de la ténébreuse peinture une forêt mystérieuse.

[ Réservé: Opale Wang ]

Assise dans son bureau, Opale s'énèrve. L'énervement est son lot quotidien en ces longues journées où elle reste enfermée dans les locaux Arnaiths. Des factures. Une montagne de factures s'entasse devant elle. Vivement que les Arnaiths trouvent un comptable, les maths n'ont jamais été le point fort de la jeune femme. De plus, elle n'a pas le coeur à faire la comptabilité. Depuis huit mois, elle n'a plus le coeur à rien.

De rage, elle envoya valdinguer son stylo à l'autre bout de la pièce. Le fin tube de plastique se fendit en deux au contact du mur blanc. Opale soupira et se leva pour s'approcher de la fenêtre. Le front collé sur la vitre froide, elle regardait le ciel d'un air morose. Il lui manquait, Algol...Huit mois, huit mois déjà qu'elle avait vu Catelyn le battre dans cette ruelle. Et jamais elle n'avait osé demander à sa superieur ce qu'il était advenu de lui après ce combat. Il fallait qu'elle lui demande ! Oui, il fallait qu'elle sache. Elle voulait le revoir, ne serait-ce qu'une fois.

Trois coups vifs frappés à sa porte. Un homme petit et trapu apparu dans l'encadrement. Opale ne se rappelait pas l'avoir déjà vu. Ah si ! Il s'occupait du Zoo, là où était retenues les créatures. L'homme lui parla alors d'une certaine Luline. L'Adjointe arnaith fronça les sourcils. Ca y est cela lui revenait: Luline était la créature qu'elle avait décidé d'adopter. Suivant l'homme, elle se dirigea vers la cage de la jeune hybride.

Vetue comme à l'habitude d'un pull blanc et d'un jean bleu, Opale penetra dans la cage et appuyée contre le mur, elle fixait Luline. Elle était assez rigolote avec toutes ses couleurs. Cela lui arracha même un faible sourire qui s'apparentait plus à un faible mouvement de lèvres. Un long moment de silence s'en suivit. Que lui dire ? La seule créature qu'elle avait cotoyé d'aussi pret était Algol et...Non, non. Il fallait qu'elle le chasse de son esprit, une petite heure au moins. Opale plongea son regard autrefois étincelant dans celui de sa créature et lui annonça, d'une voix cassante.

"Lève toi ! Tu va venir vivre chez moi maintenant."

Elle savait bien qu'elle venait d'être désagrèable et cela lui importait peu. Elle n'était pas là pour faire des sentiments.

Luline fut soudain tirée de sa rêverie par une voix qui semblait résonner de partout et nul part à la fois dans ce décor somptueux. Alors qu'elle levait la tête, elle aperçut une jeune femme, belle mais apparemment énervée. Tirée de sa rêverie, tout s'effaça et la réalité insidieuse reprit sa place dans le psychisme de la jouvencelle, qui avait bien souvent tendance à s'envoler, main dans la main avec son imagination fertile.

Ainsi c'était elle sa nouvelle maîtresse? La dévorant des yeux, elle détaillait le visage agréable qui la fixait. Une jeune femme qui n'atteignait pas des sommets au niveau de la taille, mais tant mieux: Luline n'aimait pas se dévisser le cou pour observer les gens. Se rappelant les paroles qui avaient résonnées dans sa tête, elle se leva soudain, l'air un peu ailleurs, voire même ahuri. S'excusant d'un sourire innocent et légèrement gêné, elle s'inclina devant sa nouvelle souveraine puis ajouta d'une petite voix à peine plus audible que le murmure limpide d'un ruisseau.

"Fort bien madame... si je pouvais juste récupérer mes affaires..."

Abandonner ses vêtements, mais surtout toutes ses partitions lui aurait sûrement déchiré le coeur! Surtout que la jeune femme à qui elle avait affaire n'avait pas l'air commode et nullement décidée à devenir agréable. Alors elle préfèrerait occuper une partie de son temps dans le chant et la danse, ses arts favoris. Avec un peu de chance même, Opale partagerait sa passion, et elles pourraient aller aux spectacles, dans des musées, se ballader... Ou tout du moins elle la laisserait continuer ses activités.

Que le futur était effrayant! Elle ne savait aucunement à quoi s'attendre... Au moins, il y avait une sorte de stabilité, d'assurance avec ses 'parents'. Ou plutôt c'est ce qu'elle croyait avant que surviennent tous ces incidents. Pourquoi donc les hommes étaient-ils si rigides, enfermés dans cette morale bien plus résistante que les barreaux de n'importe quelle prison? Si ils savaient ce qu'ils perdaient...

Enfin, patiente, debout et exposée au regard d'Opale, elle attendait de connaître les volontés de celle-ci, si elle voulait bien lui adresser la parole. Après tout, elle était un être civilisé quoiqu'en pensent certains Arnaiths, et pouvait tout à fait soutenir une conversation!

Opale eut un rictus. Au moins, Luline était obeissante. Elle se decolla du mur et dût tendre l'oreille afin d'entendre la requete de sa créature. Ses affaires ? Sans un mot, la jeune femme sortit de la cage, la laissant ouverte. Elle ne craignait pas que Luline s'échappe, de toute façon elle n'irait pas bien loin. Les locaux étaient hermetiquement fermés et aucune créature ne pouvait en sortir sans être accompagnée d'un humain. Enfin, elle trouva le responsable.

"Apporte lui ses affaires ! Dépeche toi, j'ai pas que ça à faire."

Autoritaire,le mot qui la caracterisait le mieux. Opale n'avait pas toujours été comme ça et les Arnaiths le savaient bien. Avant, elle ne venait jamais aux locaux maintenant elle y passe ses journées. Elle retourna dans la cage où Luline l'attendait. L'Adjointe arnaith croisa ses bras au niveau de sa poitrine et fixa la jeune créature.

"Tu t'appelles Luline, c'est bien ça ? Tu viens d'où ?"

Contrairement aux apparences, Opale s'interressait un tant soit peu à cette créature. Plus parce qu'elle allait l'heberger sous son toit que par simple curiosité. De temps à autre, l'Arnaith jeta des coups d'oeil dans le couloir pour voir si l'homme daignait enfin apporter les affaires demandées par Opale. La jeune femme soupira: Comme elle le lui avait dit, elle avait autre chose à faire. Les factures des Arnaiths n'allaient pas se mettre à jour toutes seules.

Son coeur fit un bond dans sa poitrine quand Opale ordonna à l'homme de ramener les affaires de la créature. Secrètement reconnaissante à la jeune femme, son espoir d'un bonheur futur reprenait de l'ampleur. Elle jeta un coup d'oeil à l'homme qui obéissait comme un serviteur à la gradé qui avait le don de savoir se faire obéir et même respecter apparemment! D'ailleurs c'était un point à retenir à l'avenir: mieux valait qu'elle ne fasse défaut à sa nouvelle maîtresse.

Reprenant un peu confiance en elle face aux question d'Opale, Luline était heureuse que celle-ci s'intéresse à elle. Non pas tant à cause de son narcissisme qui n'était pas des moindres, mais surtout car cela détendait l'atmosphère. Le silence eût instauré le malaise dans cette pièce qui n'invitait nullement à la fête ou autres réjouissances. Elle s'empressa de répondre aux interrogations de la jeune femme.

"C'est exact, je me prénomme Luline. J'ai toujours vécu à Paris, dans un appartement du faubourg Saint Germain."

Le faubourg avait tout d'abord été le "quartier général" de l'aristocratieque décrivait Balzac dans maint romans avant de devenir celui des intellectuels tels que Sartre. Quoiqu'il en soit, il n'avait rien perdu de sa richesse, de sa magnificence, de son opulence. Seuls les privilégiés ou les personnes aux revenus un tant soit peu considérables pouvaient se permettre de tels logements. Habituée au luxe, Luline espérait qu'elle ne se retrouverait pas dans un taudis ou une cité mal famée. Il lui faudrait un certain temps d'adaptation pour cette nouvelle vie, certainement très différente de celle qu'elle avait connu jusque lors...

Opale écarquilla les yeux quand Lulin évoqua le lieu où elle habitait. Le faubourg Saint Germain, c'était plutot un beau voir même un très beau quartier. Enfin, il n'avait rien à voir avec la rue où résidait l'Adjointe arnaith: Sombre, déserte et les quelques lampadaires sencés l'éclairer étaient tous hors service. Elle eut un rictus, cela allait la changer. D'autant plus que la pièce qui allait desormais lui servir de chambre -il était hors de question qu'une créature vive en cage dans son salon- était une petite pièce mansardée qui fut jadis un grenier. Pas très grand en somme. La jeune femme avait bien un chambre d'ami qui aurait pu servir de pièce à Luline mais non, Opale voulait garder cette pièce libre. Une deuxième chambre pouvait toujours être utile.

"Le Faubourg Saint Germain. Tes anciens maîtres étaient donc des personnes aisées ?"

Aisées ou alors ayant heritées du logement d'un quelconque aileul. L'homme responsable du Zoo posa les affaires de Luline sur le sol de la cage et donna un collier à Opale. La jeune femme detestait ce genre d'objet mais bon, il n'y avait pas d'autre alternative que celle ci. Jetant un regard aux bagages, elle le ramena sur Luline.

"Verifie qu'il ne te manque rien et approche que je te mette ton collier."

L'Adjointe arnaith tournait et retournait la lanière de cuir ornée d'un boitier dans ses mains. Elle avait demander à ce que le collier ne soit pas un de ses horribles instruments à pointes métalliques. Même si elle était plutot froide avec sa créature, Opale ne voulait non plus lui faire endurer le supplice de sentir du metal lui lacerer la chair du cou. Luline aurait déjà bien assez à faire qu'à supporter le caractère de sa propriètaire.

Observant Opale, elle nota le rictus de celle-ci, même si elle ne savait à quoi l'attribuer. En tout les cas elle connaissait un minimum l'ancien quartier dans lequel vivait Luline apparemment. Acquiesçant suite aux paroles de sa maîtresse, la créature lui fournit une maigre réponse

"Effectivement, ils roulaient sur l'or en quelque sorte... ainsi que toute la société qu'ils côtoyaient. Malheureusement pour leur famille, je viens de réduire leurs revenus de moitié"

Laissant échapper quelques éclats de rires en repensant au cadavre à moitié dévoré de Johann, elle se souvenait avec un certain amusement de la scène: la cervelle à moitié mangée, le ventre grand ouvert, le cadavre eviscéré, un chapelet de boyaux pour la prière de ce rustre qui avait osé l'attaquer... Mais après tout, tant pis pour eux, ils l'avaient bien cherché. Et puis quelle idée de se farcir la tête de principes qui se rapprochaient plus de préjugés que d'outils pour accéder au bonheur!

Rappelée soudain à la situation présente par Opale, elle prit quelques maigres instants pour voir ce que Magdalena avait mis dans ses bagages... et fut ravie de constater qu'il y avait tout ce à quoi elle tenait. Remerciant en silence sa 'mère', qui était restée généreuse et bonne malgré le malheur qui s'abattait sur elle, elle fixa ensuite l'adjointe Arnaith qui s'amusait à retourner un collier entre ses doigts.

*Dieu que ce machin est laid! Et puis c'est quoi ce boitier qu'il y a? Si ça se trouve elle va me torturer avec! Quoiqu'en fait ça pourrait être bien...*

Adressant un grand sourire à Opale, elle refoula les quelques fugitives visions de ses fantasmes sado-masochistes pour s'approcher en quelques pas qui auraient pu s'apparenter à de la danse. Relevant sa chevelure aux teintes pour le moins inhabituelles, elle laissa son cou de cygne à la merci de sa nouvelle maîtresse. D'ailleurs ce mot désignait parfois l'amante... peut-être que la magnifique jeune femme accepterait d'être la sienne! Légèrement angoissée tout de même à l'idée d'éventuels effets négatifs de la part de ce morceau de cuir, elle se prépara psychologiquement à recevoir un hypothétique choc ou déferlement de souffrance.

Durant le temps que Luline avait mis à regarder dans ses affaires, Opale s'était rappuyée contre le mur les bras croisés sous sa poitrine. De temps à autres, la jeune femme lachait un soupir. Que de temps perdu à attendre que sa créature soit enfn prête ! Mais c'est la suite de cette entrevue qui angoissait l'Adjointe. Avoir une créature impliquait forcément qu'elle allait devoir rentrer chez elle. Dans quel état allait elle retrouver sa petite maison mitoyenne dans laquelle elle n'avait pas mis les pieds depuis huit mois maintenant ? La poussière devait avoir prit possession des lieux et l'odeur de renfermé avoir remplacé celle si caracteristique du gâteau à la pomme qu'Opale aimait tant. Plongée dans ses pensées, elle n'avait pas remarquer que Luline aussi revâssait. Seul le bruit des pas de l'homme responsable du service tirèrent la jeune femme de sa rêverie.

"Bon Luline, tu te depêche !"

Elle eut à peine terminé sa phrase que la jeune hybride s'approchait déjà, soulevant sa lourde chevelure pour dévoiler son cou et l'exposer à la morsure du cuir rugueux n'ayant jamais servi. Opale passa alors la lanière noire autour du cou de Luline et l'attacha sans trop le serrer. Voyant la moue qu'avait arboré la créature en decouvrant le collier, la jeune femme ajouta dans un leger sourire.

"Ce machin me déplait autant qu'à toi mais je crains que nous n'ayont ni l'une ni l'autre le choix."

Elle fit alors retomber les cheveux de Luline sur ses épaules, cachant ainsi le boitier du collier. Très laid boitier, il fallait l'avouer. Opale fit le tour de sa créature et se planta devant elle dardant son regard noir dans celui de Luline.

"Même si tu vis avec un collier, je ne t'enfermerais pas dans un cage et le champs de sécurité ne sera pas activé. Autrement dit tu pourras te balader où bon te semble dans ma maison et même en ville si cela te chante."

L'Adjointe fit quelques pas vers la porte de la cage et se retourna vers sa créature.

"Cependant ne t'avises pas de sortir sans mon accord. Je ne voudrais pas avoir à payer les dégats causés par ma créature. Voila qui est dit. Je voulais que cela soit clair entre nous."

La jeune femme se tut un instant avant de reprendre.

"Bon allez viens, je vais te montrer où tu vas habiter désormais."

Enregistrant les informations données par sa nouvelle propriétaire, Luline était heureuse de voir que celle-ci semblait être une personne bonne et généreuse au fond. Mais sans doute un passé terrible l'avait-il rendu méfiante et distante vis-à-vis des autres. Du moins elle n'avait pas l'air particulièrement sadique envers les créatures. La preuve: elle répugnait à lui mettre ce collier. Elle attendit que sa maîtresse lui eût fourni ses indications et directives pour répondre:

"Merci, vous êtes bien généreuse. J'espère ne pas vous décevoir..."

Songeant que ce ras-du-cou était tout à fait déplacé avec sa garde-robe actuelle, elle imagina quels vêtements pourraient aller avec. sm? Non, c'était bien trop vulgaire. Gothique? humm...non plus. Ah, mais voilà la solution: des habits de musiciens de Visual Kei. ils avaient souvent un look totalement déjantés, et l'on trouvait dans certaines de leur panoplie des accessoires en cuir. Toute contente d'avoir eu cette idée, elle prit la résolution de se confectionner une deuxième série de costumes.

Puis, aterrissant de nouveau, elle prit ses valises et rejoignit la jeune femme, prête à affronter ou savourer cet avenir qui s'ouvrait à elle. Son coeur s'accélérant quelque peu face aux divers émois l'habitant en cet instant, elle était en même temps impatiente de découvrir son nouveau logis et craintive. Mais après tout, elle verrait bien une fois sur place! Et puis peut-être pourrait-elle faire plus ample connaissance avec Opale pendant le voyage...

Opale eut un vague sourire et sortit de la cage accompagnée de sa créature. C'était la première créature qu'elle adoptait. Elle ne savait rien d'elle à part qu'elle s'appellait Luline et que ses anciens maîtres résidaient au Faubourg St Germain. Son humeur morose ne l'avait toujours pas quittée et dehors le solei avait laissé sa place à la pluie. La pluie. Opale la detestait ! Elle comptait rentrer à pied mais changea ses plans et fit signe à Luline dans le hall. La jeune femme s'approcha de l'acceuil et demanda, ou plutot ordonna, au secretaire de les reconduire chez elle. Prit au dépourvu, celui ci quitta son bureau et prit ses clés de voiture.

"Viens. Il va nous ramener chez moi."

Opale passa à côté de Luline et sortit des locaux en relevant le col de sa veste. Saleté de temps. Un fois dans la voiture, la jeune femme resta silencieuse. L'homme s'arreta alors devant une petite maison à la façade jaune pâle. Opale sortit du véhicule et dit à Luline.

"Voici ton nouveau chez toi !"

Elle avanca jusqu'a la porte et l'ouvrit, après huit mois d'absence.


[Suite: Maison d'Opale.]