A la terrasse d'un café

Opale avait toujours detesté ce genre d'endroit. Trop bondé, trop bruyant et empli de l'odeur acre de la fumée de cigarette. Enfin, c'était le lot de tout les cafés de la ville. Une pochette verte remplie de documents à la main, la jeune femme alla prendre place à une terrasse. Le soleil était au rendez vous et il faisait bon. Tout sourire, un serveur s'approcha et demanda à Opale ce qu'elle désirait.

"Un café bien serré s'il vous plait."

Acquiesant d'un signe de tête, le serveur partit en direction des cuisines. Opale en profitat pour sortir les factures et continuer içi son boulot. Le boulot, le boulot...Elle n'avait plus que ce mot en tête cette petit bonne femme. Il n'y avait que ça qui lui changeait les idées de toutes manières. Le serveur la tira de ses maths affolantes en lui apportant son café et l'addition. Encore des chiffres ! C'est pas possible, ils étaient partout ceux là ! Jetant la somme necessaire dans la main que lui tendait le jeune homme, l'Arnaith se remit à sa comptabilité. Décidement, il fallait vraiment qu'elle demande à Catelyn d'engager un comptable.

C'était une belle journée ensoleillée et chaude, une de ces journées qui vous rappelle que la vie peut être belle... Catleyn flanait, une fois n'est pas coutume, dans les rues de la capitale. Elle avait troqué sa combinaison de cuir contre une robe blanche aux motifs printaniers. Pour une fois, elle n'avait pas son arme fétichen juste un pistolet passé dans une jarretière et dissimulé par les volants de la robe. La robe arrivait un peu au dessus du genou. Elle portait des talons, élançant encore plus sa silhouette fine. Enfin, elle avait lâché ses cheveux qui ondulait paresseusement le long de son dos. Impossible de reconnaître la chef Arnaith dans cette jeune femme à l'apparence si anodine.

Elle passa devant un café, regardant machinalement les gens installés en terasse et s'arrêta en reconnaissant Opale. Ravie de la voir, elle s'approcha de sa table et remarqua qu'elle bossait. Catelyn sourit et lança à son adjointe :

- "Tu travailles trop Opale. Accorde-toi donc un break..."

Il n'y avait guère qu'avec elle que catleyn se montrait d'humeur légère. La plupart du temps, elle était froide et impassible.

- "Je peux m'asseoir?"

Les chiffres. Saleté de chiffres. Opale avait l'impression qu'ils se moquaient d'elle. Elle les entendait rire et scander à tue-tête qu'elle ne les auraient pas. La jeune femme les voyaient danser et virevolter devant ses prunelles brunes agrandies par l'énervement. Mais c'est qu'ils bougeaient en plus ! La virgule se deplacait, les six se retournaient pour devenir des neuf. Ces factures allaient la rendre folle. Devant elle s'empilaient quatre tasses de café vide. Le quotat de caféine recommandé par les médecins était déjà atteint et pourtant Opale ne s'arreterait surement pas en si bon chemin: Elle était devenue accro à la cafeine. Les gens assis autour d'elle la devisageait. Etait ce parce qu'elle se tenait la tête dans ses mains pour ne pas hurler ou parce que l'arme à feu qu'elle avait coincé dans sa ceinture était visible ? Surement les deux.

Tout à ces nombres danseurs et moqueurs, Opale ne vit pas une jeune femme s'approcher. Ou alors si elle l'avait vue sans vraiment la regarder. De toute façon, les femmes habillées en robe durant l'été étaient courantes à Paris si bien que l'Adjointe arnaith ne leur pretait pas attention. L'inconnue s'adressa à elle alors elle leva les yeux. Un vague sourire apparu sur ses lèvres. L'inconnue ne l'était pas, c'était Catelyn sa chef et amie. Elle debarassa un petit coin de table et fit une pile des factures éparpillées sur celle ci.

"Oui vas y assied toi, je t'en prit."

Opale eut un pâle rictus quand Catelyn lui fit remarquer qu'elle bossait de trop. Avalant la dernière gorgée de café de sa cinquième tasse du matin, elle haussa les sourcils.

"Et si je ne fait pas les comptes qui va s'en charger ? On a pas de comptable je te rappelle."

D'un geste rageur, elle remit toutes les feuilles chiffrées dans une pochette en papier vert et fourra le tout dans son sac. Le serveur revint prendre les cinq tasses vides et Opale en profita pour lui en commander une sixième.

Catelyn s'assit en face d'opale et la regarda, semblant la sonder. Puis, elle jeta un regard aux tasses vides et haussa un sourcil surpris à son amie.

- "Ca ne m'étonne pas que tu es une telle boule de nerf avec tout ce que tu ingurgites comme café..."

Le serveur vint débarasser et elle commanda une limonade alors qu'opale reprenait un café. Quand il fut partie, la jolie brune croisa ses jambes et posa ses coudes sur la table, la menton posé sur ses mains croisées.

- "Un comptable? Difficile à trouver une telle perle chez nous... La plupart préfèrent mater les créatures rebelles que les chiffres. En même temps, je les comprends."

Elle sourit et se rejeta légèrement en arrière, repoussant d'une main son opulente chevelure ébène. La jeune femme détestait la comptabilité et était bien heureuse que ce soit une autre qui s'en charge. Cependant, cela l'inquiétait de voir Opale dans cet état de nerf. Elle savait que son adjointe ne passait plus chez elle et vivait dans les locaux. Elle n'avait pour ainsi dire plus de vie privée.

- "Tu devrais lever le pied Opale. Si tu veux, je reprendrais la compta en attendant que tu te reposes un peu. Prends quelques jours de vacances... Jardine, bricole, déménage ta maison, mais par pitié : vis!"

La serveur revint avec leurs commandes et Catelyn paya l'addition, sans laisser à Opale le temps de broncher. Elle reprit d'une voix songeuse :

- "Ces évènements nous ont plus changé que nous le pensons non?"

Plus changée ? Ils avaient carrement inversés la personalité d'Opale. Elle qui était si souriante, qui ne passait jamais aux locaux elle y vivait maintenant. Enfin si on peut appeler ca vivre, l'expression la plus juste serait "Attendre que le temps passe." Elle appuya sa tête contre sa main et porta le café brulant à ses lèvres.

"Le jardinage et le bricolage ne sont pas mes hobbies. Je deteste ça."

Elle haussa les sourcils aux paroles de Catelyn. C'est elle qui parlait de vivre alors qu'elles avaient arrachées la vie à des centaines de créatures et avaient mises les autres en cages. Ce n'est pas que le sort des créatures la préoccupait mais c'était un peu paradoxal. Elle reposa sa tasse et soupira.

"La compta ne me deranges pas plus que ça. Ca me change les idées de me prendre la tête avec ces chiffres. Et puis y'a rien d'autre à faire en ce moment il faut bien que je m'occupe."

L'Adjointe arnaith lui fit un petit sourire que ce voulait rassurant. C'est vrai qu'elle s'était enfermée dans le travail, pour ne pas dire qu'elle ne vivait plus que pour travailler. La jeune femme posa son regard sur les passants, les regardent marcher d'un air reveur.

Le jardinage et le bricolage ne sont pas mes hobbies. Je deteste ça.

Catelyn sourit.

- "Entre nous, moi aussi... A vrai dire, je m'ennuie quand je suis chez moi. La seule chose qui me distrait, c'est la lecture. Sinon, je n'ai pas vraiment de hobbies, comme on dit."

Elle soupira et but une gorgée de sa limonade glaçée. Elle pensait qu'avec Algol à domicile, sa solitude serait rompue, mais elle s'était terriblement trompée. Ils étaient deux étrangers sous un même toit, liés par un collier et un ancien statut commun. Elle en regrettait le félin plein de verves qu'elle avait combattue des mois auparavant. La captivité et la défaite l'avaient éteint, comme on souffle une bougie trop vive...

- "C'est vrai que c'est calme en ce moment..."

Elle suivit le regard d'Opale et regarda les gens se promener, insensibles à toute l'horreur qui s'était produite quelques mois auparavant. Elle le enviait. Elle enviait leur innocence et leur ignorance.

- "Ta maison ne te manque pas? Pourquoi n'y retrournes-tu plus? "

Catelyn adorait son chez elle : une grande maison, spacieuse, de style ancien, décorée avec goût et luxe mais sans être ostentatoire. En même temps, Opale n'avait pas les même moyens qu'elle. Il faudrait qu'elle se penche un peu sur les salaires de ses troupes...

Opale poussa un énième soupir. Elle s'attendait à ce que Catelyn lui pose cette question, elle la lui posait tout les matins en arrivant aux locaux quand elle s'apercevait que son Adjointe avait encore dormi sur le canapé qui tronait dans son bureau.

"Pourquoi ?"

Cette fois, Opale était bien trop enervée par la dose phénomenale de caféine qu'elle avait engloutie pour ne répondre que par un vague haussement d'épaule. Elle eut un sourire en coin et fixa sa chef dans les yeux.

"Ma maison me rappelle trop de souvenir. J'y était bien avant que je ne reçoive une lettre m'annoncant une réunion aux locaux. Reunion qui se solda par un véritable carnage ! Et encore, le mot massacre serait plus approprié !"

Son ton était froid, acerbe. Catelyn savait pourtant que son Adjointe était d'une nature plus pacifiste. Nature devenue assez "je m'en foutiste" quand au sort des créatures. Mais elle ne s'arreta pas en si bonne voie, quitte à ce qu'elle vide son sac autant qu'elle le fasse jusqu'au bout. Opale n'avait pas la langue dans sa poche.

"J'y retourne chez moi de temps à autre. Mais à chaque fois que je m'allonge entre mes draps, je revoit la scène de l'inhumation de tout les coros des créatures. C'était moi qui surveillait les opérations ce jour là ! Tu était où toi hein ? Tu n'as pas vu toutes ces créatures semblables à autant de pantins désarticulés être jetées sans menagement dans la fosse ! Tu crois qu'on peut se debarrasser aussi facilement d'une image comme celle là ?"

Opale regarda tout autour d'elle. Les personnes les entourant la regardait à présent.. Avec un soupir, elle avala son café et se massa le visage.

"Désolée de m'être emportée comme ça."

Opale se renversa en arrière et regarda le ciel. Son joli bleu contrastait avec le rouge du sang qui n'a que trop coulé dans les rues de cette ville.

Catelyn pensait qu'Opale allait encore changer de sujet, mais non. Elle répondit d'une voix acerbe. Trop de souvenirs... Opale était hantée par ce carnage... Comme Catelyn. Opale s'excusa et se tut. La chef des Arnaiths n'avait pas bronché devant cette explosion de rancoeur. Catelyn avala sa salive et répliqua calmement :

- "Cette guerre n'avait rien de glorieux et la bataille finale en est un fidèle reflet. Elle fut laide, sans gloire, terne, traîtresse. Mais c'était notre devoir... Quel est le but des Arnaiths? Eradiquer la menace des créatures libres et dangereuses. Ce que nous avons fait. Mais cela ne nous met pas à l'abri de notre conscience n'est-ce pas? Avons nous bien fait de faire cela? En avions nous le droit? Notre cause est-elle juste? Tant de questions qui nous harcèlent, sans jamais trouver de réponses satisfaisantes. La plupart des félins de la thianra étaient des brutes sanguinaires. Mais pas tous... N'est-ce pas?"

Evidemment, elle parlait d'Algol. Algol qui avait ébranlé les convictions des deux femmes. Algol qui était plutôt un pacifiste et qui avait tenté de calmer les arderus du bouillant Noah. Algol qui maintenant, croupissait dans sa cage chez Catelyn. Elle se demanda si Opale savait qu'il était chez sa chef...

Parler d'Algol, Catelyn venait de toucher le point sensible. Certes, elle ne devait pas le savoir. Le visage typé asiatique d'Opale s'assombrit alors qu'elle appuyait son front contre ses main pour regarder la surface lisse de la table.

"Tu as raison, ils n'étaient pas tous comme ça. Mais ça ne l'a pas empecher de finir comme les autres..."

La jeune femme releva la tête et fixa sa superieur. Sa colère était retombée laissant place à la lassitude qui l'assaillait tout les jours que Dieu fait. Elle passa sous silence le fait qu'elle était presente lors de leur combat et ses grandes prunelles sombres malgrè le soleil se posèrent sur la large cicatrice qui ornait son avant bras. Souvenir indelèbile inscrit dans sa chair. Elle fixa une nouvelle fois Catelyn.

"Et même si il n'est pas mort, où est il maintenant ?"

Opale eut un regard panoramique sur la rue qui s'étendait. La question que la tirallait depuis huit mois venait d'être posée mais elle était presque sûre que celle ci resterait sans réponse.

Les premières paroles d'Opale firent redresser la tête de Catelyn et attirèrent son attention. cela voulait-il dire qu'elle ignorait qu'Algol était chez sa chef? La réponse ne parvint pas à arriver. Ainsi, elle ne savait rien... Catelyn se mordit la lèvre et passa sa main gouche sur sa main droite, zébrée d'une cicatrice due à un coup de griffes d'Algol. Elle soupira et se passa une main sur le visage.

- "Ne te tracasse pas plus longtemps Opale. Il n'est pas mort, il est même en excellente santé physique..."

Elle hésita, mais elle en avait déjà trop dit.

- "Il est chez moi... Comme c'est moi qui l'ai battu, j'en ai fait ma créature..."

Elle eut un pâle sourire.

- "Mais je pense ne jamais réussir à en faire mon serviteur... Il est trop fier et trop blessé dans son orgeuil pour cela... et de plus, je ne tiens pas à le voir dans ce rôle... En fait, je ne sais pas trop quoi faire de lui..."

Le coeur d'Opale se mit à battre plus vite, elle sentait le sang taper dans ses tempes. Chez Catelyn ? Tout ce temps, il avait été si près, si près sans qu'elle ne le sache. La tasse qu'elle tenait entre ses mains glissa et s'écrasa sur le sol. Ses yeux, dans lesquels se refletaient maintenant une certaine surprise, fixaient la jeune femme.

"Chez toi ? En cage ?"

Durant un moment; l'Adjointe crut que Catelyn se fichait d'elle. Commencerait elle à virer paranoïaque ? Surement. D'abord les chiffres danseurs maintenant cette nouvelle pour le moins surprenante. Elle secoua la tête. Certes il était en cage mais au moins il était vivant et en bonne santé celon Catelyn. Elle se mordit la lèvre inferieure.

"Est-ce que...est-ce que je...pourrais le voir ?"

Opale savait qu'elle abusait de l'amitié de la jeune femme sur ce coup là mais elle ne pourrait pas continuer sans le voir en sachant qu'il vivait, même captif, sous le toit de sa superieur. Tant pis si celle ci devait avoir des soupçons, au poitn où elle en était Opale s'en fichait éperdument. Les minutes qui séparaient sa requête de la reponse de Catelyn lui semblèrent plus longues que ces huits mois. Ses prunelles noires étaient plongées dans celles de sa superieur, attendant avec impatience sa réponse.

Catelyn eut un mouvement de surprise quand opale laissa tomber sa tasse sous le coup de l'émotion. Sa requête l'étonna à peine. Elle se doutait bien qu'il y avait eu quelque chose entre ces deux-là. Restait à savoir quoi et de quel ordre... La jeune femme sourit :

- "Oui, il est chez moi, dans une cage. Non pas que cela me plaise particulièrement, mais il faut le temps nécessaire pour que je l'apprivoise."

Cela lui rappela l'histoire du petit prince et de son renard... Elle poussa un soupir nostalgique en se rappelant ce livre qu'elle n'avait pas lu depuis son enfance.

- "Il broie du noir et recommence seulement à parler et encore juste pour me provoquer. Quand je le laisse aller dans le jardin, il s'assoit près d'un arbre et regarde l'horizon. Je n'ose pas lui laisser de liberté de peur qu'il ne retrouve ses congénères..."

Il était clair que cette situation ne lui plaisait pas et lui pesait même.

- "Pourquoi tiens-tu tant à le revoir Opale? Que s'est-il passé entre vous?"

Catelyn pencha la tête, curieuse.

L'apprivoiser ? Hé bien Catelyn aurait du pain sur la planche. De plus, ce n'est pas en le laissant en cage qu'elle y arriverait. Elle se décida alors de tout lui raconter. Elle ne savait pas si Algol apprecierait mais c'était le meilleur moyen et surtout le seul qu'elle avait si elle voulait le revoir ne serait-ce que cinq minutes. Elle soupira et acquiesa d'un signe de tête.

"Ce qui s'est passé entre nous ? Tu te rapelles de Lalena qui bossait avec nous ?"

L'Adjointe se tut. Elle ne sevait pas par où commencer et surtout comment le dire en minimisant les choses. Elle regarda derrière elle et se pencha legerement en avant pour être sûre que personne à par Catelyn n'entende ce qu'elle allait dire.

"Un jour, je me promenait dans les égouts et Lalena est arrivée. Elle poursuivait une créature qui n'était autre qu'Algol. Elle voulait le tuer pour mettre une de ses griffes en collier ou je ne sais plus quoi. Alors moi en toute bonne Arnaith que je suis, j'ai aidé Algol à s'enfuir en distrayant Lalena du mieux que je pouvais. Donc il s'est sauvé mais il était bléssé."

Opale marqua une nouvelle pause, histoire que Catelyn assimile bien ce qu'elle venait de lui dire. Elle inspira et continua son récit.

"Je l'ai rattrapé et ramené chez moi pour le soigner et, aussi bizarre que cela puisse paraitre je me suis prise d'affection pour lui."

Elle se recolla au dossier de sa chaise et posa une seconde fois ses yeux dans le ciel. Dans un soupir, elle les reposa sur Catelyn.

"Ne lui dit pas ce que je viens de t'avouer, je te fait confiance. Mais laisse moi le voir, ne serait ce que cinq minutes, après je ne t'embeterais plus avec ça. Juste cinq minutes, s'il te plait..."

Catelyn se pencha elle aussi en avant pour écouter opale lui raconter ce qui s'était passé. C'est alors qu'elle éclata de rire, un éclat qui dura quelques minutes. Devant l'incompréhension de son adjointe, elle s'expliqua :

- "Excuse-moi, je ne voulais pas me moquer, mais il semble que ce diable d'Algol nous fasse le même effet!"

Légèrement calmée, elle but une nouvelle gorgée et déclara d'une voix amusée :

- "Figure-toi que je l'ai eu entre mes mains quelques semaines avant l'attaque. Je l'avais vaincu et il allait mourir. Mais, je n'ai pu me résoudre à le tuer. Je suis allée à l'hôpital-c'est qu'il frappe fort-et j'ai prévenu l'ambulance d'aller le chercher. Quand, je me suis réveillée, il était sanglé et drogué sur son lit d'hôpital. Il m'a demandé de le laisser partir... Ce que j'ai fais. Alors tu vois, je ne vais pas te blâmer pour ce que tu as fait."

Elle se tut et fit mine de réfléchir. Rien que pour faire plaisir à Opale, elle la laisserait le voir et plus de 5 minutes. Si elle s'était prise d'affection pour lui, la réciproque pouvait être vrai. Elle n'avait rien à perdre...

- "D'accord, je te laisserais le voir. Et autant de temps que tu le désires. Je pense que cela ne pourra être que bénéfique. Et si ça te fait plaisir, alors il n'y a pas d'hésitation à avoir."

Elle sourit et se cala contre son dossier, bras croisés.

Le visage d'Opale s'éclaira d'un grand sourire. Elle allait pouvoir le voir, lui parler et peut etre même le toucher qui sait. Elles n'auraient pas été dans un café, la jeune femme se serait jetée dans les bras de sa superieur. Son sourire ne la quittait plus, il allait le revoir. Elle n'avait plus que ça en tête.

"Merci Catelyn."

Elle ne savait pas comment la remercier alors elle avait opté pour ce petit mot, tout simple. La journée lui paraissait plus belle, le soleil brillait plus lui aussi et les factures n'étaient plus aussi importantes. Un doute l'assaillit alors qui lui fit perdre son sourire. Etait ce une si bonne idée que ça ? Il l'avait peut être oubliée, peut être ne pensait il plus à elle ? Elle secoua legerement la tête, elle n'en aurait le coeur net qu'en le voyant. Ses souvenirs la ramenait à cette journée au cirque, à l'hopital...Puis dans les égouts. Enfin, elle se revoyait chez elle avec lui, juste quelques semaines avant cette journée sanglante...

Le serveur revient chercher la tasse et le verre. Opale cligna des yeux pour chasser ses pensées et en profita pour lui commander un diabolo à la cerise. Elle adorait cette boisson et elle avait déjà bu trop de café pour aujourd'hui. Alors le serveur reparti dans les cuisines. Une question la tracassait encore, elle était stupide certes, mais Opale voulait savoir.

"Pourquoi tu ne m'a pas dit qu'il était chez toi ?"

Elle s'attendait à une réponse telle que "bah parce que tu ne me l'a pas demandé". Ce serait la réponse la plus logique. Le serveur revient avec la commande d'Opale. Celle ci commenca à siroter son verre en attendant que Catelyn reponde.

Le visage illuminé d'Opale conforta Catelyn dans sa décison. Cela leur ferait du bien à tous les deux. La question d'Opale la prit au dépourvu. Pourquoi ne lui avait-elle pas dit? Peut-être parce qu'elle n'était pas fier de ce qu'elle avait fait... Elle répondit en haussant les épaules :

- "Ben, tu ne m'as pas demandée ce que j'avais fait de lui après que je l'ai battue. Je n'était pas certaine que tu étais au courant ou non..."

Elle but à nouveau, cette fois plus longuement.

- "Maintenant, je suis fixée. Désolée de t'avoir laissé dans l'inquiétude durant ces longs mois... Si j'avais su que cela te préoccupait, je te l'aurais dit tout de suite."

Elle eut un petit sourire :

- "Pourquoi ne pas me l'avoir demandé avant? Tu n'as pas peur de moi quand même?"

Elle avait parlé d'un ton amusé et légèrement moqueur.

Opale hocha la tête de gauche à droite.

"Non, je n'ai pas peur mais..."

Elle se tut puis elle baissa la tête, peut etre que la jeune femme devrait savoir. Oui, c'était la moindre des choses. Elle lacha son verre et essuya nerveusement ses mains moites sur son pantalon. Toujours tête baissée, le visage caché par ses cheveux, Opale ajouta:

"J'étais là Catelyn. Je vous ai vu vous battre alors j'ai fermé les yeux, priant pour que cela soit un cauchemar... J'étais tapie dans l'ombre, le bras en sang. J'entendais les coups pleuvoir et s'abattrent sur vous...Je vous entendais tomber sur le sol trempé. Quand il est tombé pour ne pas se relever, je me suis enfuie en courant..."

Sa voix s'étouffa. Quel étrange sentiment...Mélange de souffrance et de soulagement. Elle souffrait de parler de ça, personne ne savait qu'elle avait été là. C'est ça qui la rongeait depuis huit mois et même si cela la soulageait d'en parler avec Catelyn cela continuerait encore de la hanter. Elle en était sûre.

"Alors si je ne te l'ai pas démandé c'était par crainte que tu m'avoue que tu l'avais tué...Je preferais me morfondre dans mon coin en m'imaginant qu'il était vivant et de vivre dans l'attente de le revoir plutôt que de me faire à l'idée que plus jamais je ne le verrais..."

Opale soupira et releva enfin la tête. Elle renfloua des larmes et eut un petit sourire.

"Merci de me l'avoir dit Catelyn, tu aurais pu très bien le garder pour toi."

Catelyn poussa un long soupir et se renversa sur sa chaise, rejetant sa tête vers le ciel :

- "Ah... C'était donc ça... Tu nous as vu nous battre, sans pouvoir intervenir, ni souhaiter la victoire d'aucun des deux..."

Elle ferma les yeux un moment. Puis, elle reprit la parole :

- "Je n'ai du ma victoire qu'à un instant de distraction de sa part, juste une fraction de secondes, mais c'était suffisant."

Elle rouvrit les yeux et plongea son regard ambre, dans celui d'onyx d'Opale :

- "De la façon dont tu parles, c'est plus que de l'affection que tu ressens pour lui... On dirait presque de l'amitié."

Elle la regardait avec intensité maintenant.

Opale ne put pas soutenir ce regard de braise et baissa une nouvelle fois la tête. De l'amitié ? Oui surement alors peut être même plus. Plus mais jusqu'ou ? Cela était confus dans l'esprit embrumé de caféine et d'émotions de la jeune femme. Elle lacha un profond soupir puis se décida enfin à relever la tête pour aller planter son regard sombre dans celui de Catelyn.

"Il connait une part de moi. Une part que personne içi ne connait, pas même les Arnaiths. Pas même toi Catelyn."

Et pourtant, hormis le docteur qui avait soigné Algol -vieil homme qui était décédé maintenant- et le félin mis à part, Catelyn était la mieux renseignée sur la vie de son adjointe. Renseignement bien morcelés certes car la jeune femme avait dit que ce qu'elle voulait au recruteur Arnaith. Un peu de mensonge qui n'en était pas vraiment et le tour avait été joué, Opale avait été enrolée dans l'organisation. Mais même Catelyn ne savait rien de rien de la mort de sa mère, de son demi frère félin ou encore que son beau père qui devait encore vivre à Paris. Elle savait seulement l'accident qui lui avait prit son père et puis c'était tout. L'Adjointe posa sa tête contre sa main et jouait avec la paille qui était dans son verre. La dernière phrase de son amie lui fit froncer les sourcils.

"Pourquoi tu dit ça ? Une amitié entre créature et humain t'étonne tant que ça ?"

Il y a un an, Opale n'aurait jamais tenu un tel propos. Il y a un an, elle cherchait elle aussi à les éliminer ou alors à les asservir. Elle aussi c'était mis en tête d'apprivoiser Algol mais cela avait été peine perdue. Enfin si, elle y était presque arrivée, mais au moment où elle s'était rendue compte que cela ne servait à rien d'apprivoiser des gens. Créature ou pas, il n'en restait pas moins un être vivant. On asservi pas les êtres vivants, voila ce qu'elle avait tiré des quelques jours qu'il avait passé chez elle. C'était d'ailleurs à cause de ces quelques jours qu'elle ne remettait plus les pieds chez elle, son canapé taché, les murs de sa cuisine encore blanchis par la farine lors d'une bataille l'opposant à Laïna -petite créature qui l'avait aidée à ramener le félin chez elle- Toutes les pièces de sa maison lui rappelaient ces quelques jours et s'en était trop pour Opale. Mais ça aussi Catelyn l'ignorait et Opale jugeait qu'elle lui en avait déjà trop dit alors elle se tint à sa première explication quand à la question de la jeune femme. Elle était plutot de nature mysterieuse Opale et si elle lui avait dit tout ce qu'elle voulait savoir, c'était pour le revoir. Juste pour le revoir.

Les paroles d'Opale firent mal à Catelyn. Ah, Algol savait plus de choses qu'elle sur son amie? Vraiment? C'est d'une voix plus froide et le visage fermé que Catelyn répondit :

- "Je vois... Ainsi, tu lui as révélé tes secrets... Tu préfères faire confiance à une créature qu'à moi? C'est bien ça?"

La jeune femme se leva brusquement. Son attitude était raide et tendue. Elle ne s'expliquait pas son comportement. Elle pensait qu'Opale était son amie, mais elle s'était trompée. Elle s'intéressait bien plus à Algol qu'à elle.

- "Tu as du regretter de nous voir nous battre alors? Et pour qui as-tu prié? Qui voulais-tu voir gagner?"

Un nouveau sentiment de trahison envahit la jeune femme et menaça de la submerger. Elle serra les poings, véhémente.

- "Une amitié entre créatures et humains? Non, je n'y crois pas, il y a trop de différences, de haine, d'incompréhension et de rancoeur pour cela! Le seul en qui j'avais plaçé mon amitié m'a dépouillé de ma vie et de tout ce que j'aimais. Mais est-ce seulement de l'amitié? Dis-moi Opale Wang, crois-tu que l'amour entre une créature et un humain soit possible?"

Catelyn savait le passé d'Algol, mais elle n'en parlerait pas à Opale. Comme elle ne dirait pas à Algol ce qu'elle savait de leur relation. Tous ces secrets entre ces deux-là commençaient à l'énerver! Pourquoi personne ne se souciait d'elle comme eux se souciaient l'un de l'autre? Elle se détoruna d'Opale et décida de s'en aller, essuyant une larme d'un main rageuse. En qui pouvait-elle avoir confiance? En personne... Elle ne pouvait se fier qu'à elle-même... Seule, comme toujours...

Opale la regarda parler en secouant la tête, elle essayait de parler mais Catelyn débitait tellement de choses à la seconde que la jeune femme ne pouvait pas en placer une. Elle se mordit la lèvre inferieure, elle avait été trop loin dans ses confessions. Comme toujours sa franchise lui avait attiré des problemes. Elle se leva à la suite de son amie, reversant sa chaise et lui couru après. Opale lui attrapa le poignet et la forca à se retourner.

"Tu veut vraiment le savoir ? Ok alors je vais te le dire !"

Un lourd silence s'en suivit. Elle avait mit six ans avant de reussir à en parler et là elle s'appretait à tout avouer sur un coup de tête. Mais son amitié avec Catelyn en dépendait. Opale ne tentait plus de retenir ses larmes qui avaient commencer à couler. Larmes liberatrices qu'elle se retenait de verser depuis huit longs mois. Elle planta son regard dans celui de Catelyn et se redressa de toute sa hauteur.

"Après la mort de mon père, ma mère s'est remariée. Mon beau père était quelqu'un d'alcoolique, de violent mais ma mère l'aimait alors je n'ai rien dit. A cette époque, j'étais passionée par les félins. Des posters et autres peluches envahissaient ma chambre. Puis ma mère tomba enceinte et elle accoucha d'une créature. Elle est morte en lui donnant la vie ! Alors les félins m'ont rebutée, j'ai arraché les posters et brulé les peluches puis je me suis enfuie, ruminant ma haine des créatures. Tout ce qu'il reste de ma famille est un demi frere hybride et un beau père rongé par l'alcool !"

Elle pleurait vraiment maintenant, elle fixait toujours Catelyn. Voila maintenant elle n'avait plus de secret et peut etre même plus d'amie.

"Tu voulais savoir alors maintenant tu sais ! Et en ce qu'il concerne l'amour entre créature et humain oui j'y crois. Tout être vivant mèrite d'être aimer !"

Catelyn sentit qu'on la saisissait rudement par le poignet et qu'on la forçait à se retourner. Elle fit donc face à une Opale en larmes qui décida de tout lui raconter. Catelyn eut honte de son éclat et voulu l'en empêcher mais trop tard. Elle ne voulait pas savoir, pas comme ça. Pas après avoir fait une crise digne d'une fillette pré-pubère. Mais elle écouta pourtant, soulagée malgré elle de constater que ses paroles n'avaient pas été faites en l'air et qu'Opale tenait à leur amitié.

Quand Opale eut fini, la jeune femme la prit dans ses bras, pour la consoler et pour se rassurer aussi. Elle pleurait aussi. Elles étaient debout, en pleine rue et en larmes. Drôle de tableau qu'offraient ces deux si jolies jeunes femmes. Catelyn murmura :

- "Je suis désolée de m'être comportée ainsi. Je suis impardonnable. Je me suis comportée comme une gamine capricieuse, pardon. Je ne voulais pas te forcer à me le dire en te laissant le choix entre tes secrets et notre amitié... Je ne l'aurais brisée pour rien au monde, tu m'es trop précieuse Opale. Tu es ma seule amie... Te perdre m'anéantirait..."

Elle releva un peu la tête et essuya ses joues couvertes de larmes.

- "Oui, tout le monde a le droit d'être aimé. Pardon pour mes paroles blessantes. Elles ne sont le fruit que d'une profonde rancoeur..."

Elle sourit, avant de rajouter.

- "Tu n'auras qu'à passer dimanche prochain. Je serais là... Veux-tu que je le dise à Algol ou que je lui laisse la surprise?"

Les paroles de Catelyn lui firent chaud au coeur. Elle aussi était sa seule amie et que pour rien au monde elle n'aurait voulu la perdre. Elle releva la tête et essuya ses larmes d'un revers de main. Opale eut un petit sourire.

"Non ne lui dit rien. Je veut lui faire la surprise. Si tu veut vraiment lui dire quelque chose, dit lui que vous aurez de la visite."

Oui, une surprise. Quand à savoir si elle serait bonne ou mauvaise, le doute planait encore dans l'esprit de la jeune femme. Elle entraina son amie au bar et ramassa la chaise qu'elle avait fait tomber en se relevant. L'Adjointe se remit alors assise et termina son verre. Ses joues portaient encore la marque des larmes qui y avaient coulées. Opale fixa Catelyn et fit un sourire qui étira ses lèvres, remontant ses pomettes humides.

"J'ai de la chance d'avoir une amie comme toi, Catelyn."

Les passants continuaient de passer, les heures de s'écouler et le monde de tourner. Mais l'humeur perpetuellement morose de l'Adjointe arnaith s'était envollée. Malgrè son debut trop banal, cette journée était vraiment une très très belle journée.

Catelyn acquiesça quand Opale parla de lui faire la surprise. Oui, cela allait être une sacrée surprise même. Elle fut émue quand la jeune femme lui avoua qu'elle avait de la chance d'avoir une amie comme elle. Elle rougit légèrement. Elle s'était replongée dans sa limonade après avoir suivi son adjointe à leur table. Tout était redevenu normal. Elle soupira d'aise. Soudain, elle se pencha vers Opale :

- "Oh et puis pourquoi attendre? Tu veux venir avec moi? J'ai quelques achats à faire et après je rentre. Si tu veux, tu peux le voir aujourd'hui. Qu'en dis-tu?"

C'est vrai ça! Pourquoi attendre quelques jours? catelyn n'avait rien de spécial à faire et avoait tout son temps. Et puis, cela changerait les idées de son adjointe et la changerait de ses chiffres. Elle se leva, prit son sac à main et attendit qu'opale la suive. Elle était presque certaine qu'elle dirait oui.

Le visage d'Opale s'éclaira de plus belle. Aujourd'hui, maintenant ! Elle qui le matin même ne voulait pas se lever. Jamais de sa vie, elle n'avait fini un diabolo aussi vite et elle posa un billet sur la table sans même savoir quelle était sa valeur. Elle se leva à son tour et prit son sac.

"Bien sur. J'arrive."

Elle se planta devant son amie et lui sourit. Oui vraiment cette journée était la plus belle, elle allait le revoir. Dans quelques heures elle serait avec lui, elle lui parlerait ! Durant huit mois, elle n'avait fait qu'imaginer ce qu'ils pourraient se dire. Opale passa son bras en dessous de celui de son amie et la regarda. Ses yeux bridés avaient regagner cette petite étincelle vivace qu'ils avaient perdus.

"Encore une fois: Merci."

La jeune femme se retenait pour ne pas embrasser Catelyn sur la joue. Elles auraient été seules, elles l'auraient fait mais elles s'étaient assez données en spectacle comme ça.