A l'aube

Il régnait dans la maison un silence de monastère. Tout baignait dans ce calme ouaté de l'aube que seuls les lève-tôt ou les insomniaques pouvaient apprécier.
Le Soleil, levé depuis quelques heures à peine, coulait ses rayons anémiques à travers les rideaux du salon, dessinant de vagues rectangles clairs sur le sol, comme des mares d'or pâle géométriques et fantomatiques. Rien ne bougeait, et l'on aurait pu croire ce lieu figé dans le temps si le tic-tac régulier et étourdissant d'une pendule murale ne venait imposer sa discipline, égrenant les secondes, les minutes et les heures comme autant de mantra répétitifs et étranges.
Dehors, il devait faire froid, aussi la tiédeur agréable qui imprégnait chaque centimètre carré de cette maison tentait d'imiter la réelle chaleur des foyers que l'on savait habités par une famille complète, heureuse et vivante.
Pourtant il y avait bien des habitants, ici, au nombre de deux. Mais pour l'instant, le calme omniprésent semblait indiquer que ces deux résidents étaient encore plongés dans leurs sommeils.

Dans le salon, sobrement meublé et n'ayant apparemment pas l'habitude d'accueillir des visiteurs, une petite forme blanche détonnait sur les tons sombres et boisés.
En effet, au pied d'un canapé en cuir était couché un petit enfant. Ou plus précisément, une jeune créature endormie qui ne devait pas avoir plus d'une dizaine d'années. Recroquevillé sur lui-même, la tempe reposant sur ses mains jointes, son visage poupin aux joues roses et aux lèvres entrouvertes était parfaitement détendu, et de temps à autre l'une de ses oreilles couleur crème frémissait légèrement, signe que le Chaton était plongé dans l'un de ses nombreux rêves sucrés et cotonneux, où le ciel avait autant de chance d'être rose à pois mauve que Wind Shift souriant et chaleureux. Ses cheveux blonds, qu'on n'avait sans doute pas jugés nécessaire à couper, ruisselaient librement sur ses épaules menues pour aller décrire sur le sol froid des arabesques d'or blanc, ne faisant de par leur longueur qu'accentuer la tendre androgynie de ce petit garçon.
Il était comme à son habitude vêtu d'une des vieilles chemises de son maître, blanche et bien sûr trop large pour lui, dont le col baillait largement sur ses épaules, noyait ses bras entièrement et parvenait amplement à le couvrir jusqu'aux genoux, voilant par la même occasion son short noir élimé et la naissance de sa queue préhensible, qui ondoyait paisiblement entre ses fines jambes repliées contre lui.

Voici le tableau qu'offrait donc le petit Casey. Il n'était guère plus de trois heures du matin, et bien qu'il soit assez matinal pour un enfant de son âge, il lui restait encore deux bonnes heures de sommeil devant lui. Le fait que cette blondinette de créature dorme à même le sol n'était pour lui-même pas une réelle contrainte ou signe de maltraitance: qu'avait-il aux yeux des enfants de plus exaltant que de pouvoir s'endormir dans des endroits étranges et propices aux rêves d'aventures de toute sorte? C'est un peu pour cela que Casey ne s'était jamais embarrassé d'un matelas ou d'une chambre, même chez son ancien propriétaire.

Casey émit un petit ronron dans son sommeil, et son oreille droite frissonna comme si on venait de la titiller avec un brin d'herbe. Ses lèvres remuèrent légèrement pour ne rien articuler de plus qu'un autre ronronnement délicat.
Dans ses songes enfantins, il évoquait aussi des souvenirs ténus et forts à la fois. La silhouette agréable d'une créature qui lui avait offert ce dont il était ivre, une douceur et une tendresse dont il n'aurait jamais voulut se passer. Monsieur Algol était donc attablé dans un jardin avec Wind Shift, seuls un joli service à thé et un vase rempli de marguerites pouvant entraver un combat éventuel entre les deux ennemis. Or dans le monde onirique de Casey, il n'y avait pas de place pour les réalités telles que l'étaient la colère ou la haine. Ici, les deux hommes interprétaient tout simplement les rôles du Lièvre de Mars et du Chapelier Fou…
Un sourire se dessina sur ses petites lèvres roses.

L’aube … Dieu qu’il détestait ce moment.
Alors, comme presque tous les matins, en se levant, il était de mauvaise humeur. Je souhaite ici expliquer quelque chose, Wind est certes toujours d’apparence maussade, mais il lui arrive (et oui), d’être le plus heureux des hommes. Mais, ce n’était pas le cas ce matin là.

Wind aimait dormir. Il aimait les mondes imaginaires qui peuplaient ses rêves. Il en connaissait chaque recoin, chaque âme vagabonde, tout n’était que fantaisie, et si jamais il lui arrivait un jour de croiser un éléphant rose en train de voler, cela ne l’aurait pas gêné. Il n’y avait rien de commun à la réalité et à Sa réalité. C’est pour cette raison, et uniquement celle là, qu’il adorait dormir. Le bonhomme était de ses gens qui rêvaient tous le temps et s’en souvenait a merveille. Le simple fait d’ouvrir les yeux, dans l’opacité de sa chambre, de distinguer a peine les rayons du soleil a travers les rideaux, le faisait haïr la journée qui allait se dérouler.
En posant les pieds se matin dans ses chaussons – car il détestait marché contre le sol froid -, la tête lourde et encore embrumé, il croyait voir dans chaque objets les prémices de sa désagréable journée. Peut être qu’avoir une photo de sa sœur sur sa table de chevet n’était peut être pas une bonne idée après tout. Se réveiller tous les jours en regardant le visage de l’être regretté, c’était souffrir tous les jours de ne pouvoir oublier. Mais lui ne voulait pas oublier. Une personne dirais je « normale » chercherait par tous les moyens à enterrer ce décès dans les sombres recoins de sa mémoire, de peur que cette tragédie familiale lui rappelle, d’une façon ou d’une autre, sa propre mort qui ne s’aurait tardé. Oh non, Wind n’était pas, si je puis dire, « normal ». Où peut être était-il masochiste ? Mais, lui, le vétérinaire, il voulait qu’a jamais, l’image de la sœur tant aimé reste graver dans son âme – si une âme il existait. Oui, c’était sûrement cela, du masochisme…

Avec la grâce et l’élégance caractéristique qui se dégageait de sa personne, comme ses pauvres campagnards qui à l’occasion de la kermesse du village revêtent leur plus beau costume, dans l’espoir de paraître plus sophistiqués, plus classieux, Wind se dégagea de son lit. Pour une fois, il ne promena pas directement sa carcasse à la salle de bain, mais pris le temps d’entrouvrir le rideau, jeter un regard sur Paris, qui se réveillait à peine, et ensuite seulement il vaqua à ses occupations habituelles.
C’était une petite routine quotidienne, celle qui s’installe au sein d’un couple, celle qui s’installe chez le célibataire endurci, celle qui rend la vie incroyablement … platonique.

Un bon petit séjour sous l’eau ne pouvait lui faire que du bien, une cigarette encore plus. ‘Clope au bec’, habillé de son habituel tenue de travail (car il devait travailler comme chaque jour), il descendit tranquillement les escaliers de sa petite maison. En y réfléchissant, il avait eu cette maison à un prix déraisonnable. Si il se souvenait bien de la scène, le promoteur immobilier avait eu tellement peur de lui qu’il n’avait cessé de baisser les prix. A chaque fois que ses yeux rencontraient ceux de Shift en vérité. Mais là était une autre histoire, qui lui arracha néanmoins un sourire, son sourire de « dément » comme le disait si bien ses infirmières.

Voila, il entrait dans le séjour. Quelques pas de plus, et il apercevait Casey. Cela faisait longtemps maintenant qu’il avait arrêté de le menacer de son arme tous les matins. Les mois avaient passés, et contre sa volonté, il avait prix l’habitude qu’une autre personne que lui se ballade dans la maison. C’était dangereux. Si quelqu’un liquidait Casey, prenait sa place et profitait de cette habitude pour lui régler son compte, il aurait beaucoup de chance de réussir. Non. C’était idiot de penser ça. La main qui toucha la crosse de son vieux beretta 92 suffit à le rassurer. Une arme a feu était un fabuleux instrument de pouvoir, pas parce qu’elle pouvait donner la mort, mais parce qu’elle donnait a n’importe qui la confiance qui lui manquait. Certes, à près la fontaine de confiance en soi, venait l’idée de contrôler la vie et la mort…. Même chez quelqu’un d’aussi insensible que Shift, cela marchait.

Casey était à ses pieds maintenant. C’était cruel, mais chaque matin, quand il le trouvait comme ça, il le réveillait avec un grand coup de pied dans le train. Après tout, pourquoi lui pourrait s’amuser dans son propre monde, alors que lui en avait été tiré par le son strident de son réveil ? Pas de régime de faveur pour les dormeurs, et surtout pas pour les créatures. Le coup de pied que lui donna Shift a ce moment, le petit l’avait mérité. Quel serviteur aurait dormi plus que son propre maître après tout ? Il aurait déjà due être réveillé depuis longtemps.

Pour contribuer à la colère matinale de Wind, l’absence de café fort et chaud était un très bon argument. Cela valut à Casey, qui se réveillait a peine un :

« Le café ! »

Puis, jugeant que Casey devait être réveillé, il s’assit sur le canapé, croisant ses jambes tranquillement.

« Tu n’iras pas chercher le journal. On le prendra en passant. »

Cela signifiait qu’il devait sortir, mais le bonhomme ne voulait pas expliquer ou ni pourquoi a Casey. C’était sa créature, elle devait obéir sans poser de question. Quoique cela fût compromis à en juger de la curiosité de la bête, il serait sans doute bientôt noyé sous une avalanche de questions du chaton. Dire que c’était juste pour une visite médicale, et qu’il devrait lui expliquer jusqu'à ce terme. Non, il n’avait pas envie …

« Et apporte moi un calmant ! Tout de suite ! »

Son bras était toujours douloureux, comme sa tête actuellement. L’aube, tout ça était la faute de l’aube, de ce maudit soleil qui allait se cacher de l’autre côté de la terre pour ensuite revenir. Si le soleil ne se levait pas, dormirait il a jamais ? Perdu la bas, loin de la capitale ? Un jour, lors d’une prière solitaire, il demanderait sa a Dieu. Enfin, maintenant, il voulait juste son café…

"Je perds mon temps à essayer de nous comprendre."
Wind Shift étira un de ses inimitables sourires, porta sa tasse de porcelaine rose à ses lèvres avant de répliquer:
"Si tu connaissais le Temps aussi bien que moi, tu ne parlerais pas de le perdre."
Algol haussa les épaules, ses longues oreilles de lièvre frémissant de frustration, et marmonna d'une voix détachée:
"Hum…Je pendrais bien encore un peu de..."

Le hurlement de Wind Shift, habilement additionné d'un coup de pied, eut tôt fait d'arracher le petit Casey de ses rêves à la reposante incohérence. La petite créature glapit, puis ouvrit soudainement ses yeux d'or comme des projecteurs sur la scène d'un crime, s'égarant un très bref instant, presque aveugles, sur le paysage morne du living, avant de se poser sur les deux jambes de son maître.
Encore étourdi par ce réveil auquel il ne s'habituerait pas de sitôt, il secoua énergiquement la tête, pour chasser les vapes caressantes de son sommeil si brusquement interrompu qui flottaient toujours dans son esprit.
Premier constat: Monsieur Shift ne portait pas du haut chapeau en solde. Dommage.
Deuxième constat: il ne rêvait plus. Zut. Et Monsieur Shift lui aussi était réveillé.
Troisième constat: "Le café!" martelait toujours son crâne dans un doux écho sans fin. Ce devait être son premier ordre de la journée!

Le Chaton se redressa bien vite en position assise, se frotta les yeux d'un revers de bras tandis que son maître s'installait dans le canapé. Cette fois bien réveillé, un immense sourire vint éclairer son visage poupin alors qu'il se levait d'un bond léger, comme s'il suffisait d'appuyer sur le bouton "on" pour que cet intenable chaton s'active pour toute une journée.
Casey claironna aussitôt d'un ton enjoué mais qui conservait une certaine mollesse due à son réveil soudain:

"Bonjour Monsieur!!!"

Cependant, la seconde phrase de son maître fit frémir les oreilles velues de Casey, qui afficha aussitôt une expression mêlant subtilement son naïf étonnement, son exaltation et son incontournable curiosité.
Il étira un grand sourire ravi, mais retint le flot de petites questions stupides qui caressait déjà ses lèvres pour tourner les talons et se diriger d'un pas dansant et guilleret vers la cuisine.
Comme pour mieux exprimer son indéfectible enthousiasme, il se mit à chantonner "Café-calmant-sortiiiiiiie! Café-calmant-sortiiiieuuuuh!", tout en décrivant des ronds invisibles sur sa trajectoire en imitant un avion, avec tous les bruitages que cela sous-entendait.

Une fois arrivé à bon port, le Chaton s'attela à sa tâche avec l'aisance que procurait l'habitude -sans cesser de fredonner les douces interjections de son maître-, et bientôt s'ajouta à ce concert matinal le doux crachotement de la cafetière.
Casey, pendant que le café gouttait tranquillement dans son ronron grave, rapprocha une chaise du plan de travail de la cuisine pour y grimper avec légèreté, et tendit sa petite main vers un petit placard, où Monsieur Shift plaçait des petites boîtes de bonbons blancs ou d'autres couleurs qu'il prenait beaucoup depuis qu'il s'était fait mal au bras. Casey repéra la boîte de calmant, et récupéra l'un des cachets pour le déposer avec précaution sur le plateau de service, où la tasse à café de son maître (en porcelaine désespérément blanche) reposait déjà. Il n'aimait pas l'odeur de ces bonbons -et leur goût était bien pire encore- aussi Monsieur Shift n'avait eut aucun besoin de lui préciser qu'il ne devait pas y toucher. Il se demandait juste en quoi elles pouvaient être utiles si elle n'avaient pas un goût de fraise, de framboises ou de cerises…
Descendant de son perchoir, le petit blond alla ouvrir la porte de frigidaire. Lorsque ses yeux dorés rencontrèrent la bouteille de lait, ils parurent pétiller d'un amour sans fin. Et ce fut dans les quelques petites minutes où la cafetière crachota sa suave boisson que Casey improvisa son propre petit déjeuné: L'inévitable grand verre de lait fut descendu avec une frimousse de bienheureux, auquel s'ajouta un seul biscuit sec.
A peine eut-il finit de rincer et ranger son verre que le café était prêt. Avec un grand sourire, et reprenant aussitôt sa chansonnette de la matinée, Casey versa le café noir et fumant dans la tasse, et dans son règne quasi despotique sur l'alimentation de son maître, y rajouta deux bons cubes de sucre. Le plateau bien préparé (il avait aussi pris soin d'ajouter une petite assiette garnie de biscuits), Casey revint d'un pas un peu plus prudent vers le salon en remuant pensivement les consignes de Monsieur Shift. Il sortait…mais où? Est-ce qu'il aurait le droit de l'accompagner, cette fois? Ce serait bien!
La tête déjà pleine d'espoir et d'anticipations complètement fantaisistes, qui s'extériorisaient par un large sourire fermement accroché à ses lèvres, le Chaton pénétra dans le living en s'exclamant aussi joyeusement que s'il proclamait l'ouverture d'un nouveau magasin de jouets au coin de la rue:

"C'est prêt Monsieuuuuur!!!!"

[ Oooo que j'aime pas mon message XD ]

Dès fois, souvent même, Shift se maudissait d’avoir eu un jour l’idée saugrenue de prendre sous son aile, ou plutôt sous la semelle de sa chaussure avec laquelle il lui martelait le dos tous les matins, une créature comme Casey. Ce jour là, il avait pensé que prendre une de ces bestioles jeunes serait quelques choses d’intéressant. Premièrement, Wind détestait faire le ménage, bien qu’il possédât, par ailleurs, un sens aigue de l’ordre. Deuxièmement, très inspiré par Pavlov et ses chiens, il voulait reproduire l’expérience du médecin russe sur des créatures.
Pourquoi ? Il ne le savait pas lui-même, après tous, c’était quelques choses d’immuable, le conditionnement. Mais, cela aurait été drôle... Certes, pour les arnaiths uniquement. Les créatures cobayes n’auraient sans doute pas appréciez le fait d’être manipulez par le simple son d’une clochette. Ni de souffrir de la faim dans le cas ou ils la ferraient sonner pour s’amuser.
Mais voila, Shift avait eu le malheur de se retrouvez avec un … truc … comme Casey. Allez savoir pourquoi, mais dès qu’il l’avait vu, un déclic c’était fait, et une idée stupide c’était imposé de suite à son esprit, il aurait été impossible de conditionner quelqu’un d’aussi … « inconditionable ».
Donc, il avait abandonné.

Mais peut être qu’il aurait du. Et puis cela lui aurait évité les maux de crâne qui venait le tarauder dès qu’il entendait et/ou voyait Casey. Surtout en début de matinée… Je vous l’ai déjà dit, Wind détestait cela, l’aube, l’excitation, la joie de vivre qui semblait flotter autours du chaton peut être. De quoi avait il rêvé pour être si heureux ce matin…. ?

Pfff … De toute façon, il ne voulait pas le savoir… Et c’était tant mieux pour lui. Le seul fait de parler d’Algol lui donnait de l’urticaire, alors si c’était pour apprendre que son esclave (c’était bien là le mot) rêvait d’eux deux prenant le thé … La joueuse n’aurait pas donner cher du pauvre petit Casey.

Un oiseau piailla dans la rue, une fenêtre devait être ouverte dans la maison. Oui, il sentait vaguement l’air frais venant de la rue et s’insinuant dans l’air enfumée de la maison. C’était rare qu’il laisse ouvrir une fenêtre chez lui avant, maintenant que sa consommation de cigarette avait triplé, il était obligé. L’appartement glauque, aussi chaleureux qu’une morgue, était alors aéré par une petite braise. En recrachant la fumée amère de sa cigarette, il se gratta sceptique le sourcil droit. Wind avait l’impression de ne jamais avoir connut l’été, ou que l’hiver était impérissable. Il regrettait le beau soleil de l’été assez souvent. Et puis l’été restait l’été, la saison ou tous les marmaux sont en vacances et courent dans la ville. Dieu qu’il n’aimait pas se lever en entendant les cris joyeux des enfants. Déjà que Casey l’énervait avec sa bonne humeur un tantinet soit peu communicative – mais ce n’était pas à lui qu’il la transmettait, soyez en sur -, les enfants qui jouaient tranquillement au ballon alors qu’il buvait son café, toujours aussi chaud, le mettait hors de lui. Et le comble de la colère arrivait lorsqu’un ballon envoyé trop haut osé foulait le sol de son jardin délabré. Il ne comptait plus le nombre qu’il avait rendu en piteux état. Comme excuse aux parents ; « Passé sous les dents de sa créature ».

En regardant Casey revenir, plateau en main, il pensa que celui si serait bien incapable de crever un ballon. Si jamais il arrivait à attraper une mouche, cela aurait été un miracle au final. Mouai … Il pensait drôlement ce matin.

« Humpf … »

L’étrange chaleur près de ses lèvres lui rappela d’écraser sa cigarette d’un geste sans âme. Il en venait à oublier parfois cette attitude désagréable. Quand avait il commencé d’ailleurs… Sa mémoire était floue … Si floue… On lui en avait offert … Un jour … Il y avait une vielle femme aux cheveux hirsutes qu’il rencontrait le matin comme le soir sur le chemin de l’université. Même en hiver, elle allait pieds nus à travers les rues… Oui, c’était elle. Elle errait toujours dans le même quartier ; on pouvait effectivement supposer qu’elle n’avait pas de famille. Quand il l’apercevait, il la saluait avec entrain, et après l’avoir dépassé réitérait des « au revoir, grand-mère ». Wind était encore à ce moment là un garçon plein d’entrain, même si son apparence n’avait rien de différent avec l’actuelle du vétérinaire. Cette vielle femme donc, quand Wind revint d’un séjour plutôt long dans le sud, fut celle qui accouru, car elle pensait qu’il était partit… C’était un peu un membre de sa famille… Ah, voila, la mémoire lui revenait maintenant. Elle lui avait un jour fait acheté un paquet de cigarette, et le lui avait fait goûter… Oui, il l’aimait bien la vielle. Mais un jour, il cessa de l’apercevoir dans la rue, peut être était elle tombé malade …
Arrivé là dans ses pensées, Wind ne put s’empêcher de sourire amèrement.

L’impression d’être observé le sortit de sa transe. La cigarette qu’il venait machinalement de rallumer avait déjà bien brûlé, et son café était tiède. Il avala quand même une gorgée amère, toujours pensée dans les réminiscences de son passé lointain. Il ne toucha a rien d’autre, d’ailleurs a quoi avait il pensé l’autre chat ? Cela lui valut un regard mortel …
Une demi heure après avoir posé les lèvres sur le bord de la tasse, il quittait tranquillement la table, laissant à Casey le soin de débarrasser.

« Tu te dépêchera, et tu a intérêt à passer des habits plus propres que ceux là. »

Certes, Wind savait que le garçon n’avait rien d’autre à se mettre, mais il jugeait qu’il pouvait quand même s’arranger un peu. Enfin, ce n’était peut être pas lui le mieux placé pour lui faire des remarques sur son style vestimentaire, Dieu seul savait si ces vestes de travail avait été lavée un jour. Vestes qu’il avait passé actuellement, et dont il ajustait les pans en marchant vers la porte de la maison. L’idée de sortit avec Casey ne le réjouissait pas plus que ça …

Tandis que Wind Shift prenait distraitement son petit déjeuner spartiate, Casey resta non loin à l'observer avec une infatigable attention. Dans un ronron sourd que l'on pouvait assimiler à un bâillement étranglé, il frotta son petit poing sur ses yeux et agita pensivement ses oreilles en pointes.
Son réveil pour le moins brutal lui avait fait oublier son rêve, dont il ne lui restait qu'une étrange impression de calme et d'une certaine étrangeté. L'impression que quelqu'un y avait été présent sans qu'il puisse en déterminer l'identité.
Le Chaton, ne sachant jamais tenir immobile à un même endroit bien longtemps, commença à danser d'un pied à un autre en fredonnant un petit air simple de comptine pour enfant. En général, les enfants d'une dizaine d'années n'y prêtaient plus aucune attention, plus centrés sur des jeux de "grands" dont ils pouvaient s'enorgueillir par la suite. Mais Casey, étant et demeurant ce qu'il était, conservait la mentalité d'un enfant d'environ cinq ans, avec la même naïveté, la même ignorance frôlant la stupidité, la même candeur. On pourrait même s'avancer sans trop de risque à ce qu'il en soit de même lorsqu'il aurait passé le cap des douze ans…Et à quinze ans, comment serait-il…?
Le petit blond, au bout d'un quart d'heure, se laissa sans plus de cérémonie tomber en position assise à même le sol, laissant sa queue préhensible onduler comme un serpent de sable à même le sol, et étendant ses petites jambes blanches devant lui, ses bras noyés dans ses larges manches échouant sur ses cuisses. Il contemplait en contre-plongé son maître, qui paraissait rêveur en trempant ses lèvres blêmes dans son café qui devait déjà être trop tiède. A quoi pouvait-il penser? Casey battit des cils, comme émerveillé par cette interrogation qui laissait libre cours à son étrange et si fertile imagination de gamin. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, personne ne venait voir Monsieur Shift. Pas de Mamie Shift, ni de Pépé Shift, pas de frères ou de sœurs, ni de Madame Shift. Non, personne de sa famille. Mais Casey était convaincu qu'il en avait une bien complète, comme l'image qu'il s'en faisait. Peut-être qu'un jour ils viendraient tous, qu'il pourrait faire leur connaissance!
Cette idée réjouit le Chaton, et il se mit même à pouffer légèrement en triturant machinalement l'ourlée d'une de ses manches.
Puis un bout d'un certain temps, son maître se leva tranquillement de table et s'éloigna, non sans lui adresser une phrase qui arracha un immense sourire exalté à la petite créature. Alors il pourrait vraiment venir avec lui pour cette sortie?!!!
Poussant une exclamation joyeuse proche d'un miaulement aigu, le chaton bondit sur ses jambes et s'attela avec un enthousiasme inégalé au débarras de la table, emportant le plateau jusqu'à la cuisine. L'assiette de biscuits fut rangée dans le frigidaire, et grimpant une nouvelle fois sur une chaise, Caseu retroussa ses manches et fit une rapide vaisselle en chantant gaiement une comptine.
Il était terriblement heureux à l'idée de pouvoir marcher dans les rues en compagnie de Wind Shift! Cela faisait quelques temps qu'il ne sortait plus, la maigre alimentation de son maître ne lui imposant pas des courses régulières au petit marché, et il souhaitait plus que tout prendre un peu l'air, surtout si c'était avec son maître bien-aimé!
Une fois que tout fut en ordre dans la cuisine, Casey s'aspergea le visage d'eau et se lava les mains pour une toilette sommaire qu'il n'aurait certainement pas le temps de prolonger, puis fila comme un éclair doré et blanc à travers les couloirs de la maison, ponctuant son passage de rires enthousiastes et d'onomatopées puériles.
Il s'arrêta devant un vieux et long miroir qui était accroché au mur dans un coin de la maison assez peu fréquenté par son propriétaire. Comme tous le reste du mobilier céans, Casey avait pris soin de l'astiquer tous les jours, et il put donc s'y observer avec attention, suivant à la lettre les indications de son maître.
Il se dévisagea longuement dans la glace, passa ses petites mains dans sa chevelure blonde qui lui arrivait maintenant au niveau des omoplates, déliant les quelques nœuds laissés par son sommeil, et laissant par coquetterie deux larges mèches couler sur sa clavicule de part et d'autre de sa gorge. Question vêtements, il ne pouvait pas arranger grand-chose. Il se contenta de lisser au possible la si ample chemise qu'il portait, et qui heureusement était exempte de toute tâche –chose surprenante si l'on considérait ses faits quotidiens.
Nouvelle traversée en fanfare de la maison, mais cette fois-ci, il s'approcha du vestibule pour y récupérer ses petites sandales qu'il eut vite fait de lasser à ses chevilles. Bon, il pouvait maintenant se considérer comme prêt pour cette petite ballade –dont il ignorait toujours le but, par ailleurs-, aussi se tourna-t-il avec un large sourire vers son Maître, avant de demander d'une voix exaltée:

"On va où Monsieur?!"

[ Hum. Par nécessité de faire un peu avancé le sujet, j’ai posté directement à l’hôpital. On imaginera ce qu’on voudra pour la réponse de Wind, qui certes, ne doit pas êtres des plus … enthousiaste]