Sempiternel crépuscule

La Seine... Elle avait toujours parue polluée et l'avait réellement été. A présent c'est l'eau qui semblait être un pollution parmi ce fleuve d'ordures. Entre alluvions et reflux d'égout se mêlaient cadavres et vies perdues. Certains se permettaient de dire que la Seine fille d'Hadès, était le chemin des Enfers. Mais toutes ces histoires d'intellectuels philosophes et dépravés n'effleuraient même pas l'esprit libre et encore innocent de Thimothé qui marchait seul le long de l'eau. Il traînait des pieds, envoyant de temps en temps balader un caillou égaré sous sa semelle, dans le fosser.
Le soleil se couchait dans son lit cotonneux et orangé, diffusant langoureusement entre immeubles et tours d'acier ses derniers faisceaux de lumière. Le carmin de son écrin rappellait à créatures et humains l'époque qui était la leur. Sanglante et anarchique, inégalitaire et aveugle de son passé.

Le chaton qui progressait sur la berge avait dû mal à comprendre toute la réalité du conflit qiu ravageait le monde. Personne n'avait jamais pris le temps de lui expliquer le pourquoi du comment. Il savait que les créatures étaient apparues quelques décennies auparavant et que l'Homme regrettait sa folie créatrice de vie. Créatrice de peine et d'esclavage surtout.

Un grondement sourd et effrayant raisonna. Le pauvre chat baissa ses oreilles en arrière de son crâne. Oh il n'avait pas peur non... Il constatait juste que son estomac était en colère. Voilà deux jours qu'il n'avait rien mangé. Il en avait tellement assez de faire la manche, de devoir quémander sa pitance. Il soupira bruyament et releva distraitement la tête, sans cesser de marcher.
Il remarqua seulement alors qu'il n'était pas seul au bord de la Seine. Non loin de lui, un individu à l'allure masculine se tenait assis sur un bloc de granit -qui avait atterri là par on ne sait quel phénomène- près de l'eau. Il fumait nonchalemment une cigarette et son regard était porté vers l'horizon.
Thimothé ralentit, soudain intimidé à l'idée de devoir passer à côté de cet inconnu. Ses jambes frêles se firent plus hésitantes et ses pas se saccadèrent. Faire demi-tour ou passer en ignorant la présence de cet être ? Habituellement, le jeune homme n'avait pas spécialement peur des autres personnes mais il sentait en cet individu une nature différente. Le charisme qui se dégageait de sa personne fit trembler le chaton qui baissa la tête, ses prunelles d'un bleu d'obsidienne toujours fixées sur le brun. Il resta là, à l'observer. Une profonde mélancolie émanait de son regard d'ambre... Les sourcils de la plus jeune des créatures présentes se tordèrent d'une expression de compassion. Il n'aimait pas voir les gens tristes...

Même si l'homme qui se tenait non loin de lui l'impressionnait à un point inimaginable, il prit son courage à deux mains et s'approcha un peu plus de lui... Car même en étant peureux, Thim restait quelqu'un d'extrêmement curieux et désireux d'aider ceux qui en avaient besoin. Dans le besoin simple d'une présence, rien de plus car il n'avait rien d'autre à offrir. Pas un sous, pas un toit. Juste lui.

Arrivé à deux pas du grand brun, il jeta un coup d'oeil au soleil couchant. C'était ça que l'étranger observait. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'il reportait ses yeux océan en direction du jeune homme.

"C'est joli... N'est-ce pas ?"

Une personne normalement constituée se serait sûrement demandée ce qu'un tel boulet venait rouler dans les parages... Pourtant le sourire du chaton était sincère. Se sentant un peu idiot d'accoster le brun de la sorte, il baissa ses joues rosies en direction du sol vaseux et parsemés de touffes d'herbes solitaires.



(Réservé)

Le soleil mourrait lentement derrières les hauts bâtiments de la cité, lente agonie à l'image de ce monde fané. L'air était chaud, comme ces belles soirée de printemps où les humains se congratule en famille, tellement heureux que ça en devenait écoeurant. Une telle paix dans l'air, un tel repos dans ce soleil couchant ..qui ne serait jamais accordé aux créatures comme Noah.

La fumée de sa cigarette s'évaporait doucement, volant au dessus de la Seine pour s'évanouir dans un néant inflexible. Balayé par le vent. Tout paraissait tellement irréelle, une soirée qui pour le regard de Noah était l'oeil de cyclone. L'instant de répis avant que le vent ne reprennent encore plus fort, encore plus violent. Et d'autant plus ardent, que l'on a goûté à la paix quelques minutes avant. On ne peux alors que seulement regretter d'être venu au monde avant d'être disloqué par la rage de l'élément. mais qu'importe. la tornade passe et derrière on reconstruit. Oui mais seulement ..on reconstruit sans vous.

La mort, ce soleil qui s'éteignait doucement, noir au dessus de la Seine immonde. En réalité il n'y avait qu'elle. Toujours à la fin. Noah était déjà mort deux fois. la première fois en même temps que Myrha et la seconde fois en tuant Cloud. Chaque meurtre, chaque souffrance était un pas dans la mort.
Pourquoi se battait-il contre tout ça ? Pour offrir une vie digne aux créatures. Tout les jours il risquait de ne plus jamais revoir le coucher de soleil juste pour sauver sa race. Décidément, l'impression d'être une sorte de messie déchu le suivait. Dommage, les messies étaient destiné à avoir un destin tragique. De toute façon le tigre ne se faisait aucune illusion, un an ..peut être 5. Pas plus avant qu'on n'arrive à le tuer.

Noah ferma les yeux quelques secondes, il repensait à tout ces choses futiles et importantes à la fois, c'était dans le coin qu'il avait croisé la route d'Algol, qu'il l'avait sortis de l'eau. c'était ici aussi que le tigre se demandait si il avait le droit de se jeter dans la Seine et de se laisser ..couler. C'était tellement facile de se noyer, il était tellement simple de ne plus bouger, en léthargie et de sombrer. Surtout que Noah ne doutait pas une seconde que tout les morts de sa main et lancés ici se précipiteraient à sa rencontre et l'empêcheraient de toute façon de remonter.

Les branches des arbres craquaient autour, bordant sinistrement les bords de Seine de leur branche amaigries, tordues. Un simple vent, rien de plus banal, qui faisait bouger ces bras végétales et qui dispersait la fumée de la cigarette de Noah.

Noah ouvrit les yeux juste à temps pour entendre une jeune voix s'adresser à lui.

« Au contraire ..c'est très laid. »

Noah jeta son mégot par terre, il continua doucement à se consumer avant d'atteindre le filtre et de s'éteindre.
Le tigre tourna la tête vers l'inconnu pour découvrir une jeune personne, androgyne d'ailleurs comme tout les jeunes enfants. Un large sourire était étalé sur ses lèvres avec l'innocence et la candeur que seul les enfants possèdent. Enfants qu'ils soient créatures ou humains. Et sur le coup, le tigre ne lui donna pas plus de 13 ans.

Noah lâcha lui aussi un vague sourire mais que les années avaient rendu acide, amer et loin d'être chaleureux.

« Que fais-tu seul ? »

Sortis de sa mélancolie contemplative, Noah s'intéressa à cette personne sortie d'on ne savait où. Il était tard, enfin tard pour des gens de bonnes familles et croiser quelqu'un qui n'était pas adulte était étonnant. Noah pivota sur son bloc de béton pour se retrouver face à la jeune créature.

« Tu n'as pas de maître ? »

C'était presque une question rituelle, d'habitude le tigre se contentait de jeter un oeil au cou de la créature pour voir si elle avait un collier mais parfois les jeunes, même esclave, étaient dépourvu de ce poids. Parcequ'ils étaient jeunes justement.

[Sorry c'est craignos =_=]

(Pourquoi craignos ? é.è Moi j'l'aime bien ton message)


Le sourire de l'adolescent régressa aussi rapidement qu'il s'était agrandi.
"Au contraire... C'est très laid."
Le silence tomba, la conversation se meuble du seul mugissement du vent. Et comme si cela est d'une grande importance, Thim fixe le mégot qui tombe, rebondit, puis se consume et s'éteint, coupant court au ruban de fumée qui s'en élevait jusqu'à présent.
Le chaton avait l'impression de s'être pris une grosse claque. Les pomettes colorées de rose, il jeta un coup d'oeil timide et coupable en coin, vers le soleil qui se mourrait dans son ciel de feu. C'était... Laid ? Il trouvait ça réellement joli lui pourtant, c'était même magique un coucher de soleil. Ce jeune homme avait-il perdu tout goût à la vie pour dire ainsi que c'était juste laid ? Il ne parlait pas de l'autoroute d'immondices qui fusait à leurs pieds, juste du ciel éclatant. Le soleil... En ce monde il n'y avait bien que cette entité qui, reine de la vie, était sûre de se lever à nouveau le lendemain. Qu'étaient-ils eux, pauvres mortels ?

Ca commençait bien tiens. Il se trouvait véritablement débile d'avoir dit ça. C'est vrai, c'était ridicule. Le brun semblait triste et lui, il lui parlait de jolies choses...
Relevant ses yeux d'un bleu sombre en direction du visage de l'inconnu, il vit que celui-ci lui souriait. Ou plutôt tentait de lui sourire convenablement... Il lui posa une question à laquelle il ne sut pas de suite quoi répondre. C'était vrai ça ?... Que faisait-il seul, sans personne ?

"Je... Je me promenais seulement..."

Les mains nerveuses jointes sur ses cuisses, il n'osait lâché ce regard d'or qui le toisait, ouvrant de grands yeux bleutés désireux de ne pas être rejetés.
L'étranger lui demanda s'il avait un maître. C'est à ce moment qu'il repéra le collier qui encerclait le cou du jeune homme. Si ce n'était pas son cas, en tout cas c'était celui de ce garçon.

"Non je n'ai pas..."

Sa voix s'éteignit avant que sa phrase ne soit terminée tandis que ses prunelles n'osaient toujours pas lâcher ce regard prenant. Puis reprit, comme absente.

"Non, je n'ai personne."

Il n'avait personne oui. Et ceci était une vérité générale. Il n'avait pas plus d'amis que de maître, et pas plus de logis que d'amis.
Timidement, il se permit d'ajouter:

"Je vois que ce n'est pas votre cas..."

Un frisson qui ressemblait plus à un tremblement de peur remonta du bout de sa queue jusqu'à la pointe de ses oreilles duveteuses. A chaque fois qu'il avait eu l'occasion de parler à des créatures esclavagisées, elles lui avaient bien fait comprendre qu'elles le détestaient. Le détestaient pour ce qu'il possédait et que elles n'avaient pas: la liberté.

"Ex...Excusez-moi vous ne voulez peut-être pas aborder le sujet..."

Encore une fois il se sentait le pire des idiots. S'insultant intérieurement, il avait fermé les yeux... Mais les rouvrit aussitôt, gêné, quand un grondement sourd se fit entendre pour la deuxième fois de la soirée. Il porta vivement un bras à son estomac, espérant que le bruit serait atténué, puis se détendit quand il cessa.

La liberté avait ses inconvénients. Surtout quand on était une créature, qu'on était trop jeune et trop à la rue pour pouvoir se trouver un emploi stable. Heureusement qu'il pouvait compter sur un ou deux humains charitables qui le logeaient et le blanchissaient quand le besoin se faisait vraiment sentir. Mais ce dernier recours était extrêmement rare. Thimothé avait horreur d'abuser de la générosité des gens et même si ces derniers lui avaient souvent proposé une aide longue durée, il s'était vu décliner l'offre.

La créature passa une main vers son manteau pour en sortir une autre cigarette émergeant d'un paquet chiffonné. Portant la clope à ses lèvres, il exhala une nouvelle bouffée de vapeur. Pas de réaction pendant que la jeune créature s'expliquait maladroitement. Pas de maître, une simple promenade et l'estomac qui grognait.
Noah leva les doigts vers son propres collier; souvenir amer de sa vie dans la même maison que cet humain cinglé. Décidément, même au dehors il fallait qu'il se rappelle d'Heiland. Secouant la tête, Noah se justifia.

« Avoir un collier ne veut pas forcément dire avoir un maître. »

C'était plus que discutable comme situation. Porter un collier était la preuve irréfutable que même si on ne souhaitait pas se soumettre, on avait un maître quelque part, un humain vous possédant aux yeux de la loi. Terrible pensée que toutes les créatures qui voient leur contrat de vente ne peuvent s'empêcher d'avoir à l'esprit. Comme une tenaille.

La jeune créature semblait gênée face à la présence de Noah. Peut être le regard du tigre, où peut être qu'il était impressionnant. A vrai dire Noah n'avait pas l'habitude de s'occuper personne plus jeunes que lui. Tout les gens qu'il avait croisé, qu'ils soient humains ou créatures, avaient son âge où étaient même plus vieux. Et le seul Arnaiths de 15 qu'il avait croisé avait eu le droit à un combat sanglant.

« Tu veux quelque chose à manger ? »

Comme d'habitude, si Noah pouvait se montrer comme un impitoyable salop face aux humains, ils ressemblait plus à une mère poule [j'adore cette expression] avec les créatures. Froid, distant quand même, mais attentionné.
Il était tellement facile d'aller acheter quelque chose à l'épicerie du coin, surtout quand on avait un collier, que laisser quelqu'un dans le besoin alors qu'on avait de l'argent en était presque criminel.
L'ancien chef de la Thianra fouilla dans ses poches, entre les paquets de clopes, les déchets en tout genre et quelques billets, il trouva un bout de pain proprement emballé dans un sachet plastique. La scène d'Heiland lui disant qu'il allait mourir de faim dehors et lui glissant cette nourriture dans la poche lui revint en mémoire.
La sortant, il le tendis un peu maladroitement à la petite créature.

« Je m'appelle Noah et toi ? »

Il était surtout curieux de savoir le genre de la jeune créature. Si c'était une fille ou un garçon. Tout plein de question en fait, connaître l'histoire d'une petite personne qui avant même d'être adulte se retrouvait à la rue, et qui avant même d'être adulte commençait à avoir faim. Ce genre de chose qui n'étaient pas justes, terriblement pas justes et qui faisaient que Noah trouvait les humains laids et égoïstes. Parce que c'était à cause d'eux.

Croisant les bras, toujours assis tranquillement sur son bloc, il observait l'inconnu. Il fallait que la Thianra renaisse et vite, très vite pour que de telles situations n'existent plus.

« Où vis tu ? Tu as une maison au moins ? »

Tandis que d'une voix mal assurée, il tentait de paraître le moins irrespectueux possible, Thimothé observait les gestes de l'inconnu. Ses prunelles finirent par se fixer sur le collier qui ceinturait le cou pâle du brun. Il ne comprenait pas trop pourquoi les humains avaient inventé un tel système. Esclave... Quel étrange mot. On forçait quelqu'un à faire des choses pour nous servir ?...
Thim était persuadé que s'il se mettait à apprécier quelqu'un très fort, lui rendre service deviendrait un plaisir. Alors pourquoi en arriver là ?
Le chaton ne réalisait pas qu'avoir été éduqué et aimé durant toute son enfance était réellement un privilège quand une paire d'oreilles vous sortait au sommet du crâne et une queue de félin en bas du dos. Tout ne se réglait pas avec de l'amour. Et puis toutes les créatures n'étaient pas aussi douces et affectueuses que lui, aussi innofensives que ce petit bout de chat qui était incapable de se montrer violent.

-Avoir un collier ne veut pas forcément dire avoir un maître.
Cette affirmation le sortit de ses réflexions et son regard devint plus lucide quand il le plongea à nouveau dans l'or irisé des prunelles de son interlocuteur. Donc en fait il avait un collier... Mais pas de maître ? Il resta perplexe quant à cette révélation et garda le silence.
De toute façon il n'eut guère le temps de se retourner les méninges que de nouveaux mots fusèrent des lèvres de la créature... Mots qui ne passèrent pas inaperçu à ses oreilles... Il lui proposait de manger quelque chose.
Une lueur d'envie se mit alors à étinceler au fond de ses yeux tandis que ses incisives venaient pincer sa lèvre inférieure. Toujours debout et poliment immobile face au tigre, il ne répondit pas. Pouvait-il se permettre ?
Ses paupières s'ouvrirent d'avantage face au petit paquet que lui tendit le jeune homme. Il avait tellement faim... Il se serait volontiers jeté sur la nourriture mais... Il n'osait pas trop en fait. Il jeta un dernier coup d'oeil au regard du brun, histoire de savoir s'il avait vraiment le droit de prendre ce qu'il lui tendait. Il n'y lut aucune hostilité, ni quoi que ce soit d'autre y ressemblant. Pourquoi y en aurait-il lu me direz-vous... Mais c'est à Thim qu'il fallait poser la question.
Il tendit un main pâle et tremblante, puis se saisit du sachet qu'il ramena contre lui et serra entre ses bras et ses frêles pectoraux. Il baissa son visage en direction du sol, rose de honte, et marmonna un timide merci. Dire qu'il devait mendier constamment, profiter de la bonté des autres...
L'inconnu se présenta. Ce prénom lui disait vaguement quelque chose mais rien de bien précis. En réalité, il avait déjà entendu parler du Chef de la Thianra, entre deux discutions écoutées à la sauvette. Certes depuis, il avait été déchu de son grade... Mais peu importait puisque Thim ne s'en souvenait plus. Aussi quand le prénom fut donné, il reporta son regard bleuté dans celui de l'hybride et répondit.

"Moi c'est Thimothé..."

Il portait sur ses épaules un long manteau un peu raboté qui lui descendait en dessous des genoux, et se terminait sur sa nuque en une large capuche assez utile en temps de pluie pour un chat qui comme bon nombre de ses compères avait un peu de mal à supporter l'eau.
Aux questions qui suivirent, le jeune homme soupira tristement.

"Non, je n'ai pas de maison... Je vis dans la rue. Je dors sur les toits ou sous les ponts, tout dépend de la météo..."

Qu'est-ce qu'il aurait pu donner juste pour avoir une maison, un chez soi, quelqu'un qui l'attend quelque part et qui pense à lui, quelqu'un dont il pourrait s'occuper et qui s'occuperait de lui.

"Et toi... Noah ?"

Il ne s'attardait pas sur son cas... Il ne voulait pas que le jeune homme le prenne en pitié ou en dégoût.
Et puis cette histoire de collier sans maître l'intriguait.

Pas de maître, pas d'amis et pas de maison. Et puis cette lueur dans le regard quand Noah lui avait tendu ce paquet. Une perspective de pouvoir manger. Même si extérieurement le tigre ne semblait pas vraiment préoccupé par le cas de la jeune créature intérieurement il se posait tout un tas de question. Quelle histoire y avait-il derrière derrière cette vie sans rien? Comment ce faisait-il que de gros ennuis n'étaient pas déjà arrivés en même temps qu'une vie à la rue ? Et surtout comment se faisait-il que les humains ne l'avaient pas capturer.

Noah avait du mal à concevoir qu'on pouvait vivre à la rue. Contrairement à ce que les Arnaiths pensaient, la plupart des membres de la Thianra ne vivaient pas dans la rue mais dans leur QG à l'époque. Après il y avait ceux qui n'avait ni la Thianra ni les humains pour leur offrir un toit.
La seule expérience de Noah vis à vis de ce genre de vie était passée en quelques semaines. Un soir il trouvait la machine abandonnée et fondait le mouvement des créatures libres.

Sortant de ses pensées, Noah ne releva qu'a ce moment là le nom de Thimothé. C'était donc un jeune homme face à lui. Vraiment que pouvait-il faire quand la nuit tombait? Des interrogations qui brûlaient les lèvres du tigre mais qu'il se retint de poser. La seule chose que le fait de côtoyer les humains lui avait appris, c'était un certain tact.
Noah tiqua à peine quand Thim lui retourna la question. Beau dialogue de personne qui n'aimait pas révéler leur vie et qui se renvoyait la balle.

« Il y a un humain qui me permet de vivre chez lui. »

Il aurait bien rajouter le terme, un immonde pervers bipolaire mais dans la conversation ça serait sûrement mal passé.
Continuant de fumer tranquillement sa cigarette, prétexte pour ne pas parler, il promenait son regard sur Thim. Le détaillant, le manteau usé qu'il portait était encore une preuve de son genre de vie. le tigre avait beau se dire de ne pas y prêter trop attention, il ne comprenait vraiment pas ce que l'on faisait tout seul à cet âge là. Ce serait même l'âge où il ne faut pas être seul.

Relâchant sa clope, l'en débarrassa de ses cendres avant de reprendre.

« Allez mange ! Si tu as faim te gène pas. Je dois avoir un peu d'argent, si tu veux je pourrais t'acheter d'autres choses. »

Pourtant en disant ça, il cherchait plein d'autre méthode pour l'aider. Pour pas que tout à l'heure il reparte en ayant juste jeté un bout de pain sur son chemin. Les endroits où on pouvait dormir en étant libre n'existait pas. Même les petites appartements demandaient d'avoir un maître. Les refuges n'acceptaient que les créatures trop battues par leur proprio mais ne laissait pas entrer celle sauvage. Qui pouvaient porter on ne sais quoi.

Et le rue, ou les ponts comme disait Thim n'étaient pas l'endroit idéal. Après Noah avait près de 40 euros dans les poches de son jean. Il s'en servait pas, les donner a quelqu'un serait plus utile que de les balancer dans la Seine. Et dernière solution ..

« Tu as entendu parler de la Thianra ? Bientôt elle pourra accueillir de nouveau des créatures et tu pourrais aller y vivre, non ? »

Un humain lui permettait de vivre chez lui. Ah d'accord, tout s'expliquait. Thim hocha la tête, prenant l'air de quelqu'un qui venait de comprendre ce qui lui était jusqu'alors obscur. Bah oui quoi, lui aussi parfois -rarement pour être plus juste- rencontrait un humain qui lui permettait de vivre chez lui un ou deux jours... Mais à bien y réfléchir, la question n'était pas résolue pour autant... Etrange tout de même, qu'il porte un collier pour vivre chez un simple humain qui lui accorde le logis. Apparemment ce logis n'était pas gratuit...
Noah fumait, encore et toujours. Ca lui conférait une certaine assurance qui intimidait quelque peu le chaton qui n'en avait guère. Même si le brun n'était pas beaucoup plus vieux que lui, c'était comme s'il parlait à une "grande personne" que lui n'était pas. Pas aux yeux des autres en tout cas.

-Allez mange ! Si tu as faim te gène pas.
La plus jeune des deux créatures baissa son regard qui tomba sur le sachet qu'elle serrait contre son torse. Son teint devint encore plus coloré mais il ne put résister à l'appel de ce fameux repas qui lui était offert. Il entreprit de désemballer la miche de pain quand Noah continua.
Deux grands yeux bleus se dirigèrent soudainement vers les siens. Thim secoua la tête et bégaya à moitié.

"Non je... Je ne peux pas accepter !... Déjà que tu... Que vous m'offrez à manger... Si en plus vous dépensez à nouveau de l'argent pour moi je..."

Je quoi ? Sûrement "je serais trop gêné" ou...
Ses prunelles dégringollèrent vers le sol où elles fixèrent une touffe d'herbe.

"Je n'aurai rien pour vous remercier ou vous rendre service à mon tour..."

De tu il était passé à vous. Peut-être parce qu'il ne pouvait s'empêcher de témoigner son respect au jeune homme qui lui faisait face.

Noah aborda alors le sujet. La Thianra. Sa création pour ainsi dire. Entendant parler de cette organisation secrète qui avait tant fait parler d'elle avant de périr, une des oreilles pointues du chat se dressa. Il s'approcha du rocher de ciment et batailla à moitié pour hisser son petit postérieur dessus. Bah quoi ? Il ne faisait pas le mètre quatre-vingt de Noah ! Une fois installé à côté de l'attirante créature, il sembla encore plus attirer par... Le bout de pain qu'il tenait entre ses doigts squelettiques et blancs. Non pas qu'il se fichait du jeune homme mais... L'eau qui lui montait à la bouche lui rappelait avec violence son état a jeun depuis presque deux jours. Il sortit la nourriture du sac et croqua à pleines dents dedans. Il entama alors un masticage lent et se jura d'en apprécier chaque miette, jusqu'à la toute dernière. Il avala au bout d'une bonne vingtaine de seconde et tourna son visage vers celui du chef déchu de la Thianra.

"Oui... J'en ai entendu parler. Mais vraiment très vaguement. C'est vrai qu'elle s'est faite décimer ?..."

Ses grands yeux se firent inquiets et tristes. Il n'aimait pas ces histoires de combats... De défaites... De morts.

"Tu connais bien la Thianra ? C'est vrai qu'elle est en train de se reformer ?"

La Thianra avait toujours été un sujet qui le fascinait... Et le terrorisait. Il marqua un temps de silence avant de détourner son regard et de le poser sur les derniers nuages roses violacés qui traînaient à l'horizon.

"Je... Oui pourquoi pas... Enfin..."

Les mains toutes deux crispées sur le bout de pain, il tourna à nouveau la tête vers Noah.

"Je ne sais pas..."

Deux pivoines fleurirent sur ses joues.

"Les... Les créatures me font toujours peur... Même si j'en suis une. Et puis je ne sais pas me battre... Et puis je... Je ne veux pas me battre."

Pourquoi ne voulait-il pas se battre ? Mais tout simplement parce qu'il était contre la guerre, contre le malheur et le sang... Exterminer la race humaine était numériquement impossible et il n'avait tout simplement rien contre eux.

"Enfin d'un côté je n'y connais rien moi, à la Thianra... Et toi ?"

Oh, même s'il sentait vibrer tout autour de lui le charisme flamboyant de son hôte, il était loin de s'imaginer que ce dernier était le créateur et chef temporairement sur la touche de la grande et unique Thianra.

[Escuse moi du temps de réponse, j'attendais d'avoir de l'inspi pour te répondre quelque chose de moins nul]

Le tigre haussa les épaules. Courageuse petite créature qui même vivant dans la rue se permettait de refuser poliment une invitation à une vie plus luxueuse, qui se permettait de ne pas se jeter sur une quelconque nourriture comme un rat affamé et qui trouvait encore le vivacité de rougir quand il disait quelque chose qui lui semblait embarrassant. Devant le visage confus de Thim, Noah ne pu s'empêcher de rire. Ce n'était pas un rire réel, juste une pale imitation du sourire rayonnant de la créature des rues mais c'était une preuve d'amusement quand même.

« Je ne cherche pas de remerciements. Je n'aime pas l'argent, je n'aime pas les cadeaux ou toutes les banalités du genre. Le simple faire de voir une créature libre bien nourrie et bien logée vaut tout les dérangements et tout les services du monde. »

Une phrase comme seul les héros invincibles en prononçaient dans les films. Le héros qui sauve le monde, qui sauve des vie et qui ne demande rien en échange, comme une fausse modestie. Mais chez le tigre s'était réel, malgré sa brutalité animale et sa perte d'humanité il n'avait que d'envie de voir sa race libre. Appuyé sur balcon qui surplombait le hall de l'ancienne Thianra, il exultait de voir passer en bas des créatures qui en ces lieux n'avaient pas à se soucier des humains. Et il avait ce sentiment de fierté quand il pensait que c'était lui qui les avaient mené à cette liberté pour certain ..et qu'il les avait mené à la mort pour tous. Le sourire du tigre s'effaça alors que Thim entreprenait la laborieuse escalade du bloc de béton ou Noah s'était tranquillement assis voila bien une heure plus tôt. Il le fixa sans mot dire en train de mastiquer consciencieusement son pauvre bout de pain. Tss les créatures devaient manger de la viande et pas du pain. Intérieurement Noah se promit que Thim finirait dans les locaux de la Thianra avec toute la nourriture désirée.

La jeune créature acheva le début de son maigre repas avant de déclencher une avalanche de questions à propos de la Thianra. Des questions innocentes, des paroles plus douloureuses. Le tigre reporta son regard devant lui, sur les pavés qui entouraient la Seine et qui faisaient les bords de ce fleuve décadent. Il reporta sa cigarette à ses lèvres pour en tirer une agréable gorgé de tabac avant d'en relâcher la fumée dans un tourbillon fantomatique. Il fallait répondre.. même si ce souvenir lui était douloureux. Cette impression d'être coupable. Il s'était cru fort, insensible, éternel et intouchable et il s'était pris un monumentale claque dans la gueule qui l'avait fait tomber lui et les autres bien plus bas que terre.

« Les créatures te font peur .. non ce sont les humains qu'il faut craindre comme la peste. Si tu ne veux et peux pas te battre contre eux, quelqu'un le fera à ta place. Ce sont les humains qui forcent le combat. Ils nous ont creé, ils nous ont pris pour l'évolution et maintenant ils veulent nous détruire. Ce sont eux qui n'ont pas d'âme. »

Noah avait entendu parler du retrait soudain de la peste rouge. Tout le monde y avait vu un signe divin. Terrible. Les christianistes disent que le Paradis n'existent pas pour les animaux, que ces êtres n'ont pas d'âme, qu'ils n'ont pas conscience de leurs actes et que seuls les humains méritent la vie après le froid. Les animaux, eux, disparaissent tout simplement.
Et après tout ce que les humains avaient fait, ils se permettait encore de sortir leur religion comme bouclier et de se barricader devant de faux semblants. Merde, ils étaient les fautifs, tous et ils devaient, tous, payer le prix fort. Une génération en Enfers, de quoi réjouir certain.

« Oui je connais la Thianra, j'en ai même fait partie quand elle existait encore. Oui elle a été lâchement décimée par ce que je n'ai pas fait attention. Tu sais c'est moi qui avait crée ce mouvement. »

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas pu dire ça. « Hey ! Regardez moi ! C'est moi qui ai créer la Thianra ! J'en suis le commencement mais sûrement pas la fin ». Au yeux du monde il était mort, personne n'avait du le pleurer. Tant mieux. Mais maintenant il fallait que ça cesse et rapidement. Il reporta son regard ambré dans les deux grand yeux bleus de l'innocente créature à côté de lui. Innocente oui, tellement coupée de toute la pourriture de ce monde.

« Il ne faut le dire à personne, mais tu sais la Thianra va bientôt renaître. Bientôt les créatures régneront et toi tu ne vivra plus dans la rue. Ta vie sera remplie de tout ce que tu veux ! »

Quelle belle vision idéaliste ..

« Cela ne te fais pas envie ? Qu'il n'y ai plus d'humain à Paris ? »

(Désolée du retard à mon tour)

Le Chef déchu se mit à rire face à Thimothé. Celui-ci lui jeta un regard interrogateur avant de sourire tendrement à son tour. Il avait réussi à le faire rire ! Même si, comme gravé aux traits parfaits du grand brun, son masque de mélancolie perdurait. Ses paroles héroïques semblèrent déconnecter le chaton de la réalité durant quelques instants. Presque brillantes comme deux étoiles, ses prunelles fixaient le visage du tigre. Il avait trouvé son héros.

Il lui posa alors sa cascade de questions et Noah marqua un petit temps de silence avant de lui répondre.
Thimothé restait immobile, son regard porté sur celui tourné vers le lointain du tigre. A deux mains il tenait le maigre morceau de pain près de son abdomen frêle. Les paroles du brun lui faisaient un peu peur et cela se reflétaient dans l'angle de ses oreilles, dans la courbure de ses sourcils... Elles le rendaient tristes aussi. Il n'avait rien contre les humains même s'il rendait compte petit à petit de la situation des créatures. Il avait grandi auprès d'une humaine, et à présent, à chaque fois qu'il allait très mal, il allait faire un petit séjour chez un humain. Oh biensur, c'était comme partout, il y avait des bons, et des méchants... C'était comme chez les créatures, il y avait des bons, et des méchants. Les créatures étaient en grande partie des humains... Et bien souvent, elles semblaient l'avoir oublié, tout comme certains humains, surtout les Arnaiths. Il avait peur, oui, très peur. Car au fond il savait que les personnes comme lui, humain ou créature, qui désiraient l'entente et la paix, finiraient tous par disparaître, éteints par la folie vengeresse ou haineuse de ceux qui désiraient l'extermination d'un des deux camps. Créatures et humains... Si peu de chose changeaient de l'un à l'autre...

Thimothé baissa ses yeux tristes sur sa misérable pitance et soupira tout doucement.

"On ne peut se battre contre ce que l'on est..."

Il avait murmuré ça tout bas pour lui même et espérait inconsciemment que Noah ne l'ait pas entendu.

Il releva son visage, étonné, quant son interlocateur lui avoua être le créateur de la Thianra. Il ne sut sur le coup quoi éprouvé. Admiration ou crainte, haine ou amour ? Fascination sûrement plus qu'autre chose.
Il se dit alors que ce devait être dur. D'être à la tête... D'un massacre total.
Noah reprit alors, sur le ton du secret. La Thianra se reconstruisait alors ?

Une vie remplit de tout ce qu'il voulait ? Il désirait tellement peu de chose. Tout ce qu'il voulait c'était de l'amour. Pouvait-on vivre d'amour dans un monde baigné de meurtriers et du sang de leurs victimes ? Et quand on les interrogeraient, elles répondraient tout simplement que la faute revenaient aux humains. Le génocide se justifierait-il par la faute d'une minorité ?

Un petit sourire timide et triste se dessina sur les lèvres de Thim.

"Je ne sais pas si le monde portera ce que je désire après le paroxysme de l'horreur..."

Il tourna son regard vers le brun, et reprit d'un voix presque coupable.

"Tu sais Noah, je n'ai rien contre les humains... Même si..."

Même si quoi ? Même si certains humains étaient des ordures ?
Ce n'était pas le carnage qui aurait pu motiver Thimothé, mais la Révolution.

"Maman était très gentille avec moi et je l'aimais beaucoup... Et puis je connais plein d'humains adorables avec moi et..."

Il ne voulait pas qu'ils soient sacrifiés pour punir les erreurs d'autres moins respectables.
Ses deux joues étaient parfaitement rosées et il replongea son regard sur son bout de pain.

"Hum... Encore merci pour le repas..."

Un morceau de pain n'était certes pas un repas mais aux yeux du chaton qui creuvait de faim cela représentait beaucoup.
Il aurait voulu demander à Noah ce qui le poussait à tant haïr la race humaine. Mais sa politesse lui interdit de débiter une quelconque parole déplacée. Il voulait aussi demander s'il restait beaucoup de créatures vivantes après le massacre mais se retint. Il ne voulait pas faire de peine à Noah en lui parlant de ces souvenirs qui devaient lui être fort douloureux.

"La seule chose qui te rendrait heureux c'est de vivre sans humains ?..."

Si tel était le cas, il le pleignait et compatissait...