Insomnie quand tu nous tiens...

Il fait nuit... Ett ce n'était pas le ciel d'encre et les lumières de la ville qui allaient contredire cette affirmation. Et puis pourquoi affirmer de toute manière ce qui est déjà évident? Il n'y avait plus grand monde dehors. Sans doute un environnement d'angoisse à la paranoïa attisée par les média y était pour quelque chose. Mais le fait était que Nyarai ne voyait dans les ténèbres de sa roulotte que des cauchemars hurlants à l'agonie. Alors plutôt que de prendre le risque de réveiller quelqu'un d'autre qu'elle-même, elle préférait sortir la nuit. Ce genre de fantaisir, hautement improbable une année auparavant, devenait de plus en plus fréquent. Un départ silencieux quand tout le monde dormait et un retour auy aurores avant que les premiers artistes de s'éveillent. D'ailleurs la fatigue commençait à se voir sur les traits tirés de la lionne, mais elle s'en moquait. Peut-être qu'un de ses jours elle serait trop épuisée pour rêver, alors elle pourrait enfin obtenir un réel repos. Mais elle en était encore loin...

Pourquoi traîner vers la tour Eiffel? Les toits pouvaient faire passer une créature pour un comploteur. Les ruelles étaient emplies d'ivrognes promptes à passer leur haine sur tout ce qui peut posséder une queue ou des oreilles. Le Cirque n'offrait pas un assez grand dépaysement et elle préférait ne pas s'attarder en banlieue. Et puis avait-elle déjà eu l'occasion de venir ici? Aussi loin qu'elle s'en rappelle, jamais encore lele n'avait eu la possibiité de visiter un monument. Et pour cause, aucun humain ne l'y a emmenée. Mais ce soir, à la faveur de la nuit, l'artiste de cirque se faisait artiste des rues. Escalader cette montagne de poutres n'est finalement pas plus difficile que ses rubans. Oh, elle n'avait pas l'intention d'aller bien haut: La place suffirait amplement pour n'entendre que le vent et nr voir que les étoiles. C'est d'ailleurs sur l'une de ses nombreuses poutres de métal, dans un coin ombragé pour ne pas se faire trop repérer, qu'elle s'installe, laissant ses jambes fluettes pendre dans le vide. Pas de grandes manières, un pentalon d'entraînement, un haut à bretelles et un pull jeté sur les épaules forment son seul habillement. Ses boucles blanches libérées ne cachent en rien son collier, devenue un passeport pour la vie.

Combien d'autres créatures en ce moment devaient se terrer quelques part pour fuir les Arnaiths? Jaris était-il parmi elles? Elle l'espérait tout du moins. Envisager la mort du petit fauve lui était inconcevable.

La nuit était belle...Oui belle, parée des reflets carmin de son regard ombrageux. Une silhouette fine qui se découpe en ombre chinoise sur les murs, un pas silencieux. Peut être aurait il du craindre pour sa vie en déambulant ainsi dans les rues, alors pourquoi le faisait il ? La réponse est dissimulée dans l'éclat sans fond de ses prunelles. Il marche avec quelque chose d'étrange, une légèreté empreinte de puissance. Il marche droit devant lui, indifférent au vent qui fouette son visage, insensible aux murmures d'une nuit claire. Sourd, cette nuit il est sourd. Son manteau de cuir claque au rythme de ses pas, il avance avec nonchalance, les mains enfoncées dans un pantalon de lin fin. Il sait ce qu'il est et en ricane parfois. Autrefois, ces rues étaient son domaine, autrefois...Plus maintenant, mais l'ombre qui marche s'en fiche. Il sait qu'il peut craindre les recoins, il sait que la mort peut être à chaque angle de rue, mais il avance quand même. A-t-il l'esprit ailleurs ? Peut être. Rien ne se lit sur son visage, rien n'apparait dans son regard. Son âme est cachée, son âme ricane au diapason de ses pensées scéllées. Les raisons de sa présence sont aussi obscures que lui, son long manteau cache habilement l'éclat de métal qui dors contre ses reins. Le souffle de la nuit soulève les mèches rebelles de sa chevelure, mais il n'a pas l'air de s'en offusqué. Il avance, souple malgré se qu'il est, ses pas sont délicat, contradictoire face à son sang. C'est étrange.

Une ombre immense se dresse devant lui, et un léger sourire vint danser, ephémère, sur ses lèvres. Est il ironique ? Cynique ? Nul se saurait le dire. De la silhouette, il ne perçoit pas les détails, il sait juste qu'elle est immense, monstre de métal, symbole d'une grandeur à present révolut. Mais le monstre possède un coeur, il le voit, tache rouge et éthérée. Son sourire ne vacille pas et son pied est sûr lorsqu'il gravit une à une les marches qui conduisent au coeur, artère unique de ce monstre, il la suit, attentif.

Il est là le coeur, chaud, écarlate à ses prunelles sombres. Il se fait silence lorsqu'il s'en approche, non, il ne chasse pas, est il curieux ? Possible, mais rien ne le dit. Souple et silencieux, il s'assoit aux côtés du coeur. Il ne dit rien, juste ce sourire inscrit sur son visage. Silence. Il lève les yeux sur le ciel, immense cape qui s'étale sur la ville. Il ne dit rien. Il attends. Mais quoi ?

Un faible frisson incite la lionne à ramener ses jambes contre elle, à les enserrer de ses bras. Pourtant à bien y réfléchir, elle n'a pas particulièrement froid et le vent... Ne s'y était-elle pas suffisamment habituée pour ne plus se laisser surprendre par une simple bourrasque parmi tant d'autres? Quelle réaction peu justifiable. Mais il était bien là, ce frisson irrationnel. Les prunelles océan quittèrent donc un peu les cieux, à regret sans aucun doute, plongeant une autre attention sur ce qui l'entourait. Le vent lui rapportait quelque chose, sans qu'elle n'en discerne exactement la nature. Quelques oiseaux nocturnes s'offrant un vol dans cet arbre géant de métal? Fausse idée.

Voilà donc l'objet de ce simple réveil d'un instinct animal pourtant bien faible pour l'artiste. Une ombre qui se faufile, s'avance dans les escaliers? Quoi de si surnaturel? Rien si ce n'est l'heure, mais le détail temporel est infime. La tour n'était-elle pas lieu publique après tout? Sans doute le potentiel intrus se trouvait déjà sur les lieux, balançant une queue agitée dans le vide. La silhouette nouvellement arrivée se rapproche. Pur hasard? Pauvre Nyarai, bien peu discrète dans la nuit avec ses teintes pâles, si tant est que ces détails aient pu jouer un rôle. Un homme semble-t-il, étrange dans sa manière d'avancer presque trop silencieuse.

La lionne n'eut qu'un simple mouvement pour s'écarter sensiblement. La fuite? Pas du tout, juste une simple attitude bien élevée pour laisser plus de place à cet inconnu aux prunelles sombres. Allait-il lui demander de partir? Pourquoi s'était-il installé juste là? Aucun mot ne semble émerger de l'insondable personnage et, gênée peut-être d'avoir laissé sa curiosité transparaître, la créature détourne le regard pour l'ancrer sur ses propres genoux qu'elle serre encore contre elle. Attend-il quelque chose? Elle finalement cessera ce silence.

"Hm... Excusez-moi Monsieur... Vous désirez peut-être que je vous laisse la place?"

Certains humains étaient ainsi, silencieux, estimant leurs souhaits comme des évidences que les créatures se devaient de respecter. Peut-être celui-ci était-il comme ça également? Mieux valait demander. Mais dans sa voix à peine audible, le ton chevrotant de la gêne et de l'hésitation restait bien présent.

Il était un temps où la lune pleine était synonyme de sauvagerie. Un mythe depuis longtemps devenu réalité, si on oubliait la magie contenue dans cette légende. Les yeux un instant braqués, comme hypnotisés par la rondeur immaculée de l'astre. Ses pensées s'évadaient sans véritable but, mais leur contenu resterait à jamais un mystère étrange. Il n'était pas un miroir, il ne reflétait rien. Ni peur, ni dégoût, ni gênes. Il se contentait d'être assis là. Attitude presque inhumaine.

Une voix tenue, tremblant un peu lui fit tourner les yeux. Regard en coin, insondable, une lueur rougoyante dansait dans ses yeux sanguin. Un petit défaut imputé au sérum dont il se moquait. Interminables furent les secondes qu'il prit pour dévisager sa voisine. Les volutes pures des ondes de ses cheveux, la bouche rosée, bouton invitant. Les lignes presque trop parfaite d'un visage félin, grâcieux...Beau. Un collier orne le cou fin de la belle, il le fixa un instant sans rien dire ou faire. Une légère fossette se creusa sur sa joue lorsqu'il laissa naitre un sourire en coin sur ses lèvres. Il ne veux rien dire ce sourire, un brin de mystère.

-Ais je l'air offensé de votre présence ? Gardez vos excuses, je n'en ai pas besoin. Restez là.

Une voix étrangement modulée, y avait il une légère ironie ? Difficile de le savoir.

-Votre voix tremble, votre regard se détourne...Vous ferais je peur ?

Encore une fois...Un son agréable mais tellement voilé, cachant des émotions qu'il ne laissait pas paraître. Que pensait il vraiment en la regardant ainsi ?

C'est à peine si la créature relève un court instant les yeux, consciente du moment de silence qui suivait sa question. Allait-il la lui reprocher? ça ne serait pas la première fois qu'une simple interrogation passerait pour de la curiosité mal placée. Pourtant ce n'est pas vraiment la réponse qui l'incite à baisser les yeux, mais plutôt le rougeoiement qu'elle aperçoit dès lors. N'était-ce pas une marque caractéristique de ce que l'on appelait Arnaiths M? A vrai dire elle n'en avait encore jamais vue, mais les rumeurs et les mauvaises histoires allaient bon train à leur sujet. Un peu comme au sujet des créatures d'ailleurs. Loin de tout jugement, elle détourne pourtant encore les yeux, préférant ne pas tenter le diable s'il venait à la considérer comme irrespectueuse.

La réponse arriva cependant, non sans apporter avec elle son lot de surprise. Ce fut avec une lueur d'étonnement que les orbes bleus de la lionnes se relevèrent à nouveau sur le visage de l'inconnu, tombant sur ce sourire un peu trop incertain. Aussi incertain que le ton employé d'ailleurs. Ne pouvant les interpréter, elle se fia aux mots, même si ceux-ci, empreint d'une marque de politesse pourtant peu commune quand on s'adresse à une créature, ne lui paraissaient pas... Logiques? Ce devait être ça le plus surprenant. Mieux valait dès lors ne plus bouger, n'est-ce pas? Alors elle ne s'écarta pas, restant assise là sur cette poutrelle métallique. A son tour l'homme brise le silence, portant une évidence à laquelle pourtant aucun humain ne prêtait attention, désintérêt oblige. A nouveau l'étonnement prend sa place, effaçant sans doute un peu de cette crainte pour lui faire relever encore la tête et fixer les traits de l'inconnu avec une pointe de perplexité sans doute. Mais étrangement les mots fusent, simple réaction naturelle, l'habitude de répondre aux demandes sans laisser l'interlocuteur s'impatienter.

"Oui, un peu..."

Puis la raison qui décortique chaque mot prononcé. Il n'avait rien fait qui puisse justifier de la méfiance de la part de la lionne, n'est-ce pas? Elle n'avait aucune raison de répondre aussi honnêtement après tout, surtout pour se montrer grossière. Un frêle sourire gêné apparaît, elle balbutie, convaincue d'avoir une explication à placer sur sa réponse.

"Mais... Vous n'en êtes pas responsable, je suis désolée."

Ah la la... Pauvre bête décidément. La nervosité l'incite à inconsciemment resserrer ses bras autour de ses propres jambes. Mais elle ne détourne pas les yeux cette fois, soucieuse d'affronter peut-être sa propre méfiance irrationnelle, ou peut-être de ne pas laisser croire qu'elle pourrait être trop craintive.

Un léger rire s'évada de ses lèvres lorsqu'elle avoua sa peur. Oh, juste un peu, elle n'avait pas l'air terrifié, mais il n'était pas là pour faire peur. Quoiqu'il remarqua la légère interrogation des perles de saphir lorsqu'elle croisa son regard de face. Oui ou non ? Allait il infirmer ou pas les pensées qu'il devinait dans les orbres azur ? Bonne question.

-Mmh...On a été créés pour ça. Engendrer la peur chez les félins, voir même chez les hommes. Etrange notion que l'effroi n'est ce pas ? Il nous prends aux tripes, réveille les instincts que l'on pensait enfoui sous l'évolution.

répondit il un peu absent. Pensait il réellement ce qu'il disait ? Même lui se posait la question. La suite le fit ricaner, doucement, sans cruauté aucune. Il n'en était pas responsable ? Peut être était ce un mensonge, peut être n'en était ce pas un. A lui de savoir sur quelles rives nager.

-Vous m'en voyez ravi. Ou outré. J'hésite entre les deux.

réprit il lentement. Songeur.

-Cela dit, votre attitude se pose en brillant contraste de vos paroles. De l'ignorance née la peur. Je ne me rapelle plus de quel grand homme sont ses mots, mais il était un bien beau connaisseur de l'humanité.

Il plia un genoux, le ramenant contre sa poitrine. Posant un coude sur le support ainsi créé, il laissa sa main pendante, libre de toute contrainte.

-Cela dit, je vais vous rassurer, il est des moments précieux que nulle agressivité ne doit déranger. Mademoiselle ?

Alors les rumeurs disaient donc vrai? Et voilà la créature aux premières loges pour observer ce qu'était exactement ces humains modifiés. Rien de plus que des êtres vivants comme n'importe quelles autres finalement. Rien de bien effrayant de prime abord. Ne se devaient-ils pas de supprimer les créatures? Les libres tout du moins, or Nyarai avait clairement un propriétaire. Elle n'avait rien à craindre tout compte fait. Pourtant la brutalité jugée légendaire des Arnaiths M s'en trouvait méchamment affectée aux yeux de la lionne. Il n'y avait rien de bien malsain dans l'étrange personnage, si ce n'était ses pensées totalement inaccessibles. Quoi de plus normal après tout? Il parlait bien, avec une justesse dans les mots qui n'appartenait pas aux brutes communes.

Pouvait-il être outré de ne pas susciter l'effroi que les rumeurs laissent à supposer? Très certainement. Pourtant son attitude jusque-là démontrait clairement qu'il ne voulait pas provoquer un état de panique chez la lionne. Ou du moins elle préférait se plaire à croire en cette perspective. Naïveté ou simple envie de se préserver pour l'instant? Il devait y avoir des deux sans doute. Finalement, elle se retrouvait pareille à un cobaye à analyser, ses propres réactions décortiquées par cet Arnaith encore inconnu. Il avait maintenant matière à se jouer des craintes d'une créature mais il semblait ne pas s'en servir pour le moment. Coupable de se laisser ainsi voir sous un jour peu flatteur voir même foncièrement outrageant, Nyarai posa simplement sa tête sur ses genoux repliés, préférant laisser les mots placer leur empreinte dans sa mémoire. Quel grand homme déjà? Tous sans doute. Ces paroles ne lui étaient pas étrangères, usées à tour de bras sur n'importe quel sujet sans qu'aucun être digne de pensée ne soit capable d'en tirer des leçons.

Comptait-il finalement essayer de l'effrayer d'une manière ou d'une autre? Il y avait matière à faire mais aussi inquiète que pouvait l'être Nyarai, son sort n'était finalement pas assez important pour qu'elle y attache autant d'instinct de survie. A plus forte raison quand son interlocuteur ne manifestait pas la moindre animosité. Peut-être devait-elle simplement se détendre un peu et laisser l'inquiétude filer au loin avec le vent?

"Nyarai."

Ses yeux se portèrent à nouveau vers le vide, sans vraiment manifester de réelle crainte cette fois-ci. Ses bras se détendirent, elle se devait au moins de paraître plus sympathique.

"Je sais ce que vous êtes, mais j'ignore encore qui vous êtes. Pourrais-je avoir également votre nom?"

L'animosité quasi inexistante de l'Arnaith déliait peu à peu la langue de la lionne. Après tout s'il se montrait aussi libre de paroles avec elle, peut-être pouvait-elle faire de même.

-Nyarai.

Il répètes doucement le prénom, il semble en disséquer toutes les consonnes, il en savoure la texture. Nergal parait s'imprégner de ce nom. Il est beau, il faut en convenir. Cela lui fait penser à une fleur exotique. Image plutôt étrange pour lui qui n'en à jamais vu, mais il en imagine assez aisément les couleurs, les contours, le velouté. Il continu de la fixer, l'Arnaith, le "M", comme on les appelle. Un regard trop sombre teinté de sang, d'où rien ne transperce.

-C'est beau.

Une simple constatation avant qu'il ne retrouve la fascination de la lune. Mais il n'est pas distrait de sa voisine, loin de là. Ses sens sont focalisés sur elle. Il ne peut se targuer de posséder l'acuité visuelle d'un félin, mais cela ne l'empêche pas de mémoriser le léger parfum qui flotte autour de la jeune femme. Il est doux ce parfum d'ailleurs, un peu comme si il était naturel, et peut être l'est il. Subtile frangrance qui s'évapore lentement sous lea légère brise qui les caresse.

-Nergal.

Répondit il dans un murmure.

-Nergal est le nom que tant d'âmes damnées m'ont donné. Mais vous pouvez user d'Adrian. Celui là me viens de ma mère.

Il avait décidé de lui faire ce cadeau. Trop peu connaissait ce prénom, personne n'en faisait réellement usage. Nergal lui allait trop bien, synonyme de souffrances, de morts, de tant de choses qu'il avait infligé.

-La lune est pleine ce soir...Eveil des vieilles croyances. Je me souviens avoir lu quelque part qu'elle était le reflets des peurs humaines. Je les comprends, elle est fascinante et rien n'est plus plaisant que de s'offrir à ses rayons le temps d'un oubli de soi. Est ce ce que vous etes venue chercher, Nyarai ?

Un beau prénom? C'était peut-être dans ce but qu'on l'avait nommée ainsi. Qui déjà? Sa mère? Si seulement... Cette simple appellation offerte n'était que le cadeau d'une vieille dame qui avait été pour elle à la fois une première maîtresse et une mère de substitution. Même un prénom, sa génitrice avait été incapable de lui en offrir un. Dommage non? En fait ça n'avait pas la moindre importance pour la lionne un peu trop éloignée de ces cas de conscience. Le passé reste où il est et c'est tant mieux! Aussi les premiers mots de l'Arnaith n'avaient à ce titre que peu d'effet si ce n'est celui d'un sourire timide où transparaissait une pointe de reconnaissance. Sincères ou non, les mots avaient toujours leur impact.

A son tour elle reçu une réponse espérée, au moins un nom à mettre sur les traits insondables du jeune homme. Nergal ou Adrian? Le second lui convenait plus à vrai dire. Un nom donné sur une réputation est souvent proche de la réalité mais il peut aussi en être très éloigné, tandis que celui donné par une mère avait une importance bien plus profonde encore. Peut-être était-ce dans ce simple prénom que ce cachait toute la personnalité d'un être? Difficile de juger pour une première rencontre. Inconsciemment peut-être elle murmura le prénom qu'elle préférait, celui qui pour elle avait le plus de poids, ignorant celui donné par des "âmes damnées" comme il les appelait. Des victimes? Très certainement. Combien de personnes Adrian avait-il tué de ses propres mains? Combien de créatures aussi? Elle préféra ne pas y penser avant de laisser une quelconque morale lui inspirer à nouveau une peur illégitime.

D'ailleurs qu'était-elle venu réellement chercher par ici? A vrai dire finalement elle ne le savait pas elle-même. S'oublier? Contempler ce reflet des peurs humaines? Non, se retrouver aurait été plus correct. Laisser les hurlements qui hantaient ses ténèbres se mourir dans la lumière pâle de l'astre nocturne.

"Non... Enfin je ne sais pas vraiment. Plutôt peut-être l'illusion d'y retrouver quelque chose de perdu."

Finalement ses bras se détachèrent de ses jambes pour les laisser retourner à leur balancement dans le vide.

"Vous cherchez à vous oublier, Adrian?"

-Se perdre, c'est un peu se retrouver. Contradictoire, je sais. A croire que la vie ne m'en a pas assez apprise. Qu'avez vous perdu ? Votre essence ?

Il était étrange ce sourire qui flottait sur ses lèvres. Ni vraiment railleur, ni vraiment sincère. Lui, il était là parce qu'il en avait eut envie. Avoir envie de quelque chose lui suffisait souvent pour justifier ses actions. Malgré lui, il sentait cette vieille compagne qu'est la curiosité s'éveiller. Il se pensait blasé, indifférent...Mais quelque part, il l'était le "M".

-Mais le mot utilisé est juste. Cela ne sera qu'illusion, un rêve qui n'apporte qu'un peu de réconfort avant que la réalité ne le ratrape. Vous me trouvez cynique ?

ajouta-t-il en tournant la tête vers elle. Plongeant sans vergogne dans la mer agitée des prunelles de la lionne. Il s'y ancra, n'en décrocha pas. La mer l'avait toujours séduit et il en retrouvait les nuances dans les prunelles saphir. Elle le nomma de son prénom et la fossette au coin de ses lèvres réapparue.

-M'oublier ? Non, pas vraiment. Oh, cela m'accorderait peut être un instant d'évasion, mais je ne suis pas de nature rêveuse. Je n'oublie jamais ce que je suis, ni qui je suis. C'est bien mieux ainsi. Mais si là était une manière détournée de me demander la raison de ma présence....Je dirais qu'elle est le fruit d'une envie. De celles qui parfois me prennent et que je laisse prendre le contrôle.

Sa main fit un petit mouvement pour désigner le panorama qui s'offrait à eux. Geste sinueux, gracieux.

-Et avouez que la vue est magnifique. Même si je la contemple a travers un voile de sang.

reprit il. Sa voix avait ce petit quelque chose de serein, cette assurance un peu désinvolte. Elle ne savait qui il était, d'autre le cotoyant n'aurait su sur quels pieds danser face à ses paroles, face à ses attitudes.

Un cruel pincement au coeur fut la première chose plus marquante qui venait troublé le semblant de paix qu'elle avait enfin trouvé en venant profiter du spectacle lunaire. Etait-ce donc si désagréable d'entendre quelqu'un penser dans le même sens? Une bête illusion. Mais sortant de la bouche d'une autre personne, ces mots paraissaient n'être qu'une corde pour la traînée jusqu'à cette réalité qu'elle aurait voulu pouvoir oublier.

Cet Adrian était-il donc cruel? Ou simplement cynique comme il le disait? Pourtant rien ne paraissait plus vrai que ce qu'il disait en ce moment. Le silence douloureux fut la seule réponse que Nyarai pu apporter à cette simple question. Ce qu'elle a perdu? Cette paix qu'elle avait difficilement pu créer dans les tréfonds sinistres de son esprit trop vulnérable. Elle ne pu que secouer la tête pour seconde réponse. Non, finalement il n'était pas cynique. Juste réaliste. Affreusement réaliste.

Il ne lui restait plus qu'à baiser encore les yeux, dans l'idée peut-être absurde de laisser quelques boucles blanches voiler sa douleur pourtant pitoyable, et aussi pour se défaire du regard à la fois sombre et sanglant d'Adrian. L'Arnaith était donc si terre à terre que ça? Du genre qui ne laisse que ses désirs personnels régir sa conduite sans se soucier de tout ce qui pourrait en découler? Pourquoi pas. Mais finalement pouvait-il s'offrir ce genre de luxe, quand la lionne ne possédait que ses illusion à défaut de liberté.

"Peut-être que si vous vous prêtiez à quelques songes, le voile de sang s'effacerait un temps pour vous laisser apercevoir autre chose."

Les yeux fixés sur le vide sous elle, Nyarai ne portait plus vraiment grande attention à ce décor si merveilleux pourtant. A demi-mot, peut-être se cachait-il une pointe d'amertume dans sa voix toujours hésitante, consciente que quoiqu'elle pourrait dire, ses mots ne seraient toujours que ceux d'un animal dénigré par l'espèce humaine.

Il rit. Oui, il rit à gorge déployée, la tête renversée vers le ciel. Qu'avait pu dire cette jeune femme pour provoquer un tel élan d'hilarité ? Pour le savoir il vous suffirait de plonger dans les pensées agitant l'Arnaith. Mais le "M" les cache et il ne vous laissera pas entrer.

Peu à peu son rire se calma, et pour une fois, la lueur qui brilla dans ses yeux lorsqu'il les reposa sur sa voisine fut, sans conteste, une étincelle amusée.

-Vous etes exquise, Nyarai. Vraiment. D'autres se serait fait une joie de profiter d'un instant de faiblesse, vous non.

D'une main légère, il attrapa entre ses doigts une mèche immaculée, liane volage au grès du vent. Son pouce en apprécia la texture, doucement, sans brutalité. Sans cette violence si souvent associée à leur race.

-Ce que je suis, ce que j'ai vécu, ce que je vivrais encore...Rien de tout cela ne se prête au rêve, jolie chatte. Je ne rêve pas, et je ne rêverais jamais. Mais vous avez encore cette capacité, profitez en bien.

Fit il d'une voix douce en laissant s'échapper la mèche de cheveux. Son regard redevint empreint de noirceur, d'ombres mouvantes, mais la fossette au coin de ses lèvres ne bougea pas d'un iota.

-C'est votre humanité.

Finalement ce rire n'était qu'à moitié surprenant. Etait-elle ridicule à ce point où Adrian n'avait-il tout simplement pas le désir de saisir un quelconque songe? Les deux théories étaient sans doute coorrecte. S'efforçant de garder le visage baisser, Nyarai préféra ne pas en rajouter. Sans doute s'était-elle déjà bien trop abaissée à laisser transparaître ses pauvres espoirs futiles de créature esclave. En vérité elle ne pensait pas vraiment avoir décelé une forme de faiblesse de la part de l'Arnaith. En quoi lâcher quelques mots identiques aux ressentis était une preuve de faiblesse? Nyarai n'avait tout simplement pas la notion de mal en elle. Exploiter une faille ne faisait pas parti des es talents. Elle se montrait plutôt douée pour les ignorer en vérité, ou pour chercher à les apaiser, c'était selon. Celui-ci avait-il besoin d'un quelconque apaisement? Elle en doutait. Ses paroles même lui disaient pourquoi.

N'avait-il donc aucun remords sur ses actes? N'éprouvait-il jamais le désir de faire autre chose? Peut-être alors que même son statut d'Arnaith M lui importait peu. La vie aussi lui importait peu? Qui sait. Peut-être était-ce le cas après tout. Tous les êtres n'avaient probablement pas besoin d'une raison de vivre pour se affronter l'existence jour près jour. Elle se décida à relever le visage vers l'Arnaith tandis qu'il relâchait sa mèche de cheveux. Pas de mouvement de recul, finalement elle n'avait plus peur, même quand elle vit ce petit quelque chose d'inquiétant dans le regard déjà sanglant d'Adrian.

"C'est ainsi qu'est votre nature? Ou quelque chose vous a privé d'humanité il y a longtemps?"

Elle ne cherchait pas le moins du monde à être blessante. De toute manière, l'Arnaith pouvait-il être blessé? Elle cherchait simplement à comprendre, saisir comment un être pouvait-il se montrer monstrueux quand un autre se montrait bon.

"Je suis trop curieuse, mais je voudrais pouvoir... Juste comprendre."

Il pencha la tête sur le côté, dardant un regard songeur cette fois. La lionne était sensible, trop en ce monde où les blessures s'élargissaient d'un simple mot. Traits acerés que les phrases parfois jetées d'un ton calin. Un regard perçant qui vous cloue parfois sur place. Il ne la voyait pas nettement, et resta un instant absorbé par les auras de sa chaleur a ses yeux révélées.

-Votre curiosité n'est pas mal placée. Juste...Etonnante.

fit il d'une voix lente, sans aucunes critiques ou jugements dans les orbres sanguines qu'il posait sur la jeune femme.

-Chercher à comprendre la race, c'est essayer de cerner l'homme et dans mon cas...

Il eu un léger rire, un peu moqueur, un peu sardonique, peut être un peu amer.

-Et dans mon cas, c'est peine perdue. Je pourrais vous narrer ma vie dans toute son horreur et sa beauté que vous ne sauriez pas qui je suis. Mais je vais vous dire ceci, je n'ai pas perdu mon humanité comme vous semblez le croire, les rêves ne sont qu'une façon de se sentir humain. Il y en a des milliers d'autres.

Sa main pendante leva un index dans la direction du félin.

-Et peut être que parler avec vous, une jeune femme prisonnière d'un collier, en fait partie.

Là encore, sa phrase s'acheva sur un sourire en biais.

-Vous pouvez croire ce que l'on dit des "M" ou vous fiez à votre propre instinct. C'est un choix, mais il peut ne pas être le bon.

Le regard songeur qu'il posa un instant sur elle... Etait-il en train de se demander s'il allait répondre ou lui reprocher sa curiosité? Ou cherchait-il simplement les mots? Ou... Peut-être devrait-elle arrêter de se faire des théories peu fondées sur des êtres à peine rencontrée. Il avait de quoi lui en vouloir, pourtant elle avait beau chercher, elle ne trouvait pas de reproches dans les yeux incertains du "M". Non, elle ne déviait plus le regard à présent, cherchant peut-être a comprendre le fonctionnement d'Adrian. Elle perçu quelque chose d'étrange dans ce rire, mais peut-être n'était-ce que l'illusion de croire qu'un semblant de douleur pouvait se cacher derrière un ton à peine teinté d'amertume. Comment savoir?

Aussi loin qu'elle puisse se rappeler, elle s'était toujours fiée à son instinct, se refusant à croire les racontars souvent infondés ou dictés soit par la peur, soit par la haine, soit encore par une admiration irréelle. Ecouter les foules, c'est se laisser aller à la peur panique de tout ce qui existe dans ce monde, aussi pourri qu'il puisse être et ça... C'était hors de question. C'était aussi pour ça peut-être qu'elle s'était toujours si bien accommodée de son sort, qu'elle avait si bien accepté son passé.

"J'ai toujours préféré me fier à mon instinct. Si je devais croire tout ce qui se disait, je ne pourrais plus faire confiance aux humains, ni même à mes semblables."

Vivre dans la paranoïa... Bon, ce n'était pas très loin de son quotidien, mais heureusement pour elle, sa manie à vouloir tout comprendre lui permettait au moins d'affronter ces peur irrationnelles. Elle se laissa finalement sourire, un sourire chaleureux et sincère, le genre de sourire qui ne cachait absolument rien de ce qu'elle était.

"Dans ce cas je suis rassurée. Et je vous en remercie."

Naïve lionne qui croit sans doute que s'il y a de l'humanité chez un chasseur de créature, il peut être autre chose qu'un assassin. Si un félin était dans les parages, sans doute serait-il mort de honte en l'entendant.

Un sourire. Juste un sourire pour répondre, peut être le plus sincère de tous ceux qu'il avait pu faire au court de cette étrange soirée. Il se leva souplement, épousseta sa veste. Le cuir crissa à ses oreilles. Plongeant les mains dans ses poches, il resta immobile un instant, le regard braqué sur l'immensité de l'espace se profilant devant eux.

Ses yeux n'exprimaient rien, plus rien. Mais une lueur étrange brula au fond de ses pupilles lorsqu'il les reposa sur la lionne.

-Douceur, tendresse, naïveté, espoir...Vous n'etes pas faite pour cette vie, jolie chatte. Elle vous blessera si vous n'y prenez pas garde.

Sa voix s'était faite satin sur une peau d'albâtre. Puis, il se retourna et s'enfonça dans l'obscurité.

-Je ne vous oublierais pas Nyarai...Restez telle que vous etes.

Il disparut comme il était venu, ombre étrange qui parcourt les rues sans véritables buts, homme, mutant, monstre, machine...Il était un "M".

-Ailleurs-

La lionne suivi le mouvement de l'Arnaith quand celui-ci se leva. Allait-il déjà partir? Elle ne fit pas le moindre geste, se contentant de l'observer. Pour la première fois depuis son arrivée, elle remarqua qu'il était plus grand qu'elle ne le pensait. Incertaine, elle croisa ses mains sur ses genoux, attendant. Attendant quoi? Bonne question. Mais le temps de contemplation du décor devait bien avoir une fin, non? A son tour elle se reporta sur le panorama, si vaste, et tristement artificiel. Mais c'était là qu'elle avait toujours vécu, elle devait donc bien y trouver quelque chose de merveilleux.

La voix d'Adrian attira à nouveau son attention, elle porta à nouveau sur lui ses orbes avec peut-être une part d'étonnement bien vite voilé par ce petit quelque chose de réelle. Il n'était pas le premier à lui dire quelque chose de semblable, mais malgré les blessures de la vie, Nyarai poursuivait quand même. Peut-être une volonté insoupçonnée? Ou peut-être simplement la peur de ne plus rien avoir d'autre que la mort. La lionne devait trè certainement être la plus lâche des créatures. Elle n'eut plus que l'ombre d'un sourire, tandis que l'homme s'éloignait en silence, exactement comme il était venu.

"Au revoir Adrian."

Peut-être n'aurait-il pas entendu, peut-être était-il trop loin à présent. Hors de sa vue, elle se résolu à poser à nouveau son regard sur le décor, si impersonnel tout à coup. Sa voix ne se fit plus que murmure.

"Peut-être un jour pourrez-vous rêver."

Un frêle soupire acheva ces bien maigres mots. Le rêve devait pourtant cesser, il était temps pour elle de rentrer avant que son absence ne soit remarquée. Silencieuse elle se leva à son tour...

[fin du topic! ^^]

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