Les rêves d'une féline

L’espoir fait vivre. C’est avec cette pensée en tête que la petite Rêve se dirigeait dans la ville. Grâce féline, cheveux au vent. Les bâtiments, elle ne les voyait pas, elle cherchait des yeux une silhouette, désirant plus que tout reconnaître la carrure d’un roi, selon elle. Voulant seulement le revoir.
Pourquoi ? Elle avait enfin comprit pourquoi il l’avait envoyer ailleurs. Du moins, elle espérait avoir comprit. La protégée. C’est tout ce qu’elle pouvait croire. Si ce n’était pas ça, c’était quoi ? Il l’avait soignée, protégée, défendue et éloignée de la menace. Si ce n’était pas pour qu’elle survivre, elle ne suivait pas son raisonnement.

Et pourtant, elle ressentait une douleur dans son cœur, une petite pique, comme une écharde que personne n’a enlever. L’éloignement. C’était ça sa douleur, les 8 ans passés loin de lui. 8 ans a tenté tant bien que mal de le mettre de côté, de l’oublier, de passer à autre chose.
Elle s’était parfois surprise à vouloir être comme les autres, une banale humaine, oublier sa condition de créature. Parfois, elle y arrivait. Parfois…
En huit ans, il avait sans doute eu le temps de l’oublier, de trouver une fiancée, si les temps le permettaient. Il ne se souvenait sans doute pas de la pauvre gamine qu’il avait sortit de l’enfer.
Pourtant, il était réputé pour sa mémoire. Croisé avec un éléphant, haha, qu’elle vanne.
Elle sourit, un léger sourire.

Mais si il ne se souvenait pas d’elle ? Que ferait elle alors ? Une chose était certaine, elle ne s’en irait pas. Elle comptait bien resté à ses côtés, en temps qu’inconnue ou pas, mais elle le protégerait, bien qu’un félin comme lui n’ai pas besoin de protection.
Elle continuait d’avancer, les rues étaient désertes. Elle se mit à courir, cherchant à se distraire de ses sordides pensées. Bondissant contre les murs, sautant sur les poubelles, sans un bruit.
Féline. Rêve s’arrêta soudain. Elle était près de l’école, pas bien loin. Et à côté, une ombre, discrète, invisible aux autres, il n’y avait qu’elle qui la voyait.

Bien sûr, personne ne pouvait être aussi fascinée qu’elle. Même si elle était loin, elle était sûr d’une chose, s’était lui.
Bondissante, elle s’approcha de son rêve à elle. Elle n’était plus qu’à quelques mètres, 3 tout au plus. Elle était sûre qu’il l’avait entendu arrivée. Maintenant, allait il attaquer ou savait il que ce n’était pas une menace ? Elle avait déjà les larmes aux yeux. Goutte salée qui glissait le long de sa joue.

*Noah.*

Cette école avait brûlé comme un feu de paille, des braseros miniatures y avaient périt, l'explosion avait projeté des morceaux de bétons gros comme une voiture à plusieurs mètres et désormais seules les gerbes de fleurs venaient animer les lieux, se tenant en place où étaient morts d'innocents enfants. C'était innommable et énormément de personnes en avaient la gorge nouée quand ce tragique souvenir remontait à leur surface, les empêchant de dormir la nuit, comme un terrible épisode que l'on ressasse encore et toujours. C'était le problème avec les souvenirs, les mauvais restent, les bon s'effacent.

Noah, assit sur un de ses morceaux solitaires de béton armé ou dépassait encore quelques tiges déjà rouillée par les averses parisienne, une cigarette à la main, ne comprenait pas. Il avait beau regarder les ruines, s'imaginer les hurlements des enfants encore vivant qui brûlent vivant, comme des torches humaines. Il avait beau essayer, il se disait que ce n'était que des humains. Et que la moitié des morts maintenant ferait plusieurs Arnaiths en moins demain. La notion d'horrible, de sans mot, ne l'atteignait pas, et il n'y voyait qu'un vivier de plus.

Les yeux mi-clos, la fumée de sa cigarette se contorsionnant devant lui, comme un serpent, il divaguait sous l'œil de madame lune. Si ronde, si brillante, en ce soir de pleine figure. Elle semblait même si proche qu'il l'aurait pu la toucher s'l avait tendu le bras. S'il avait pu seulement car tous ses muscles décontractés le supportaient à peine, sa queue ondulait vaguement au bas de son dos et ses oreilles était couchée sans ses cheveux noirs, se dérobant aux regards de personne trop curieuses. Mais de ces personnes, il n'y en avait plus à cette heure tardive, surtout quand il savait que la lune ronde et aussi lumineuse que le soleil était l'herbe préférée de tous les chats, les rendant euphorique, même enclin à la détente. Car c'est bien ce que faisait Noah, il respirait l'air frais sur le lieu même d'un massacre sans s'en émouvoir plus que ça, et se contentant de goûter aux doux rayons de l'astre comme on savoure un vin capiteux. L'ivresse de l'alcool était tout aussi comparable à celle de la liberté, à en donner des vertiges.

Et c'est seulement quand sa clope fut consumée au point de mourir sur le filtre qu'un bruit lui fit dresser l'oreille. Ses muscles se raidirent en quelques secondes et bientôt ses yeux, maintenant grands ouverts, scrutaient l'obscurité environnante. Mais ce n'est pas tout de suite qu'il remarqua cette silhouette tenue dans les vapeurs lunaires, une ombre discrète, presque un souffle. Mais instinctivement, Noah eut l'impression de la connaître. Peut-être est-ce cette intuition qui fit qu'il ne se jeta pas sur elle toutes griffes dehors en ne voyant ni queue, ni oreille mais se concentra sur l'odeur de créature qui émanait d'elle.

Il la fixa encore quelques secondes, devenant mal les contours de son visage. Puis se décidant à bouger, comme un vieux lion fatigué, il jeta sa cigarette sur le côté et posa une main sur le morceau de béton, juste à coté de lui.

« Alors qu’est ce que tu fais là toute seule ? T’es perdue ? Approche, je vais pas te manger. J’m’appelle Noah et toi ? »

C’est fou ce que la peur peut vous faire faire. Instinctivement, quand elle avait sentit son roi se contracter, elle avait prit une position de défense, sachant pourtant pertinemment que, de un, si il attaquait, elle mourrait de toutes façons, et de deux, qu’elle ne se serait jamais défendue face à lui, que jamais elle n’aurait tenter ne serait ce qu’une attaque, qu’un mouvement de recule.
Aimant la vie, elle aurait accepter la mort, si c’est ce qu’il avait voulu lui donner.
Pourtant, Noah se détendit, et, d’un geste nonchalant, jeta sa cigarette consumée loin de lui, en l’invita à s’asseoir.
Ses intonations de velours noir… Elle avait cru ne jamais les réentendre. Elle les croyait enfouies tout au fond d’elle, comme quelque chose qu’elle avait inventé. Rêver.
Et pourtant, il était bien là, devant elle. Elle ferma les yeux, le gravant à jamais dans sa mémoire, encore, encore…
Puis, ne voulant pas paraître réticente, elle s’approcha lentement, les rayons de la lune éclairant alors ses cheveux et éclairant le peu de vert restant dans ses yeux, ses pupilles dilatées et noires. Sa démarche féline la rapprochait à chaque pas de lui, bientôt, elle aurait pu le toucher. Bientôt.
Si elle avait voulu paraître forte, c’était pour le moins raté, les larmes silencieuses trahissaient son émotion, s’écrasant sur le sol sans un bruit.
Noah. Elle l’avait enfin retrouvé. Mais un doute persistait. Se souvenait il d’elle ?
L’écharde doucereuse dans son cœur s’emblait sur le point de s’enfoncer plus profondément, et les bords de cette piqûre lui brûlaient, incendiant son corps.
Elle s’assit enfin près de lui. Respirant à fond la douce odeur qu’il dégageait, que le vent frais portait jusqu’à elle. Rêve parla alors, de sa voix douce, claire.

« Rêve. Rêve d’Ailleurs. »

Lui avait elle dit son prénom à l’époque ? Il lui semblait qu’elle l’avait murmuré avant de le quitter. Maintenant, s’il l’avait entendu était une autre affaire.

« Je sais qui tu es. »

Elle ne voulait pas lui expliquer, si il ne se souvenait pas du sauvetage, elle ne le lui rappellerait pas. Elle resterait une inconnue, mais ferait alors tout pour gagner son amitié, tout au plus, et pouvoir rester auprès de lui pour le protéger du mieux qu’elle pourrait.
La lune éclairait son visage, durcit par les années. Il n’avait pas changé, elle l’aurait reconnu, même s’il avait eu 100 ans.

Noah fronça les sourcils en devinant les larmes sur le visage de la jeune femme qui approchait. Maintenant que les lumières de la lune l’atteignaient, il pouvait deviner plus facilement les traits de son visage. Rond, des cheveux longs tombant sur ses épaules, petite. Mais pourquoi pleurait-elle ?

Il la regarda silencieusement, jusqu'à ce qu'elle vienne s'asseoir à ses côté, reniflant bruyamment mais ne laissant rien deviner de la cause de ses larmes. Le vieux tigre imaginait déjà une attaque humaine, voir même une de ses fameux Arnaiths M qui terrorisaient les quelques créatures qu'ils avaient rencontrés et qui étaient mortes peu de temps après des suites de leur blessures. Pourtant elle ne semblait pas souffrir physiquement, étais-ce moral ? Noah n'entendait plus rien aux affres de l'âme depuis longtemps, s'étant coupé volontairement de tous les regrets et de toutes les souffrances pour ne pas faillir à sa tache et éviter de se rappeler le passé.

Quand elle prononça son prénom, le chef de la Thianra resta stoïque. Il ne lui disait rien, elle devait être une nouvelle créature en ville. Pleurait-elle à cause de ça ? Paris était en ruine, mais pas au point d'en verser des pleurs.
Il posa la main sur son épaule mais avant qu'il n'ait plus dire quelques mots de réconforts, elle reprit et continua. Elle savait qui il était ? Beaucoup de créature devaient le savoir, il profitait de cette triste réputation. Un peu dérangé par cette révélation, il grogna.

« Tu sais petite, il faut pas croire que ce que disent les gens »

Restait à savoir ce qu'elle avait pu entendre. Mais il doutait que ce soit en positif, si elle venait de l'extérieur, Noah devait être le premier Thianra qu'elle croisait. Elle ne devait avoir entendu que des paroles humaines ou Arnaiths, craignait l'affreux Noah. Il avait parfois entendit des humains le décrire comme un monstrueux tigre de 2M50, broyant les cranes d'une seule main et suçant goulument la moelle des os de ses ennemis. N'importe qui aurait rit, mais lui non. Cela ne le faisait même pas du tout rire. Il posa la main sur le visage de Rêve et essuya les larmes de la paume de la main.

« Pourquoi tu pleures ? »

Ainsi donc, tous les rêves qu’elle avait fondés s’effaçaient avec son indifférence.
Deux choix s’offraient encore à elle. Mentir, ou… Ou ne divulguer que partiellement la vérité.
Quelle histoire pouvait elle lui raconter sur ces traîtresses de larmes qui roulaient sur ses joues ?
De quoi parlait il, quand il disait qu’il ne fallait pas écouter les gens ?
Des questions, toujours des questions. Pourquoi tout ne pouvait pas être clair d’un seul coup ?
Ce serait tellement plus simple…
Les pensées de Rêve s’emmêlaient, jusqu’à formé un amas de nœuds qu’elle n’était pas à même de défaire.
Et dans un silence total, les nœuds disparurent, les questions cessèrent, son souffle s’arrêta, et son cœur manqua un battement avant de palpiter plus rapidement que n’importe quel être vivant.
Elle était presque sûre qu’il devait s’entendre à des kilomètres sont fichu cœur qui ne pouvait pas garder une allure normale. Mais il avait une excuse.
Les doigts fins de Noah essuyaient ses joues. Son ange la touchait enfin, après 8 ans…
Elle savoura le contact des doigts glacés par la nuit. Sa peau contre la sienne, son odeur semblant plus forte…
Qu’elle l’aimait mon dieu, elle s’en rendait de plus en plus compte.
Elle rouvrit brusquement les yeux, après s’être rendue compte qu’elle les avait fermés pour savourer.

« Je… C’est pas important. »

Mensonge. Elle ne devait pas lui mentir. Surtout pas, pas à lui.

« Enfin, si, c’est important. Mais je doute que cela vous intéresse. Que voulez vous dire par « il ne faut pas croire ce que disent les gens » ?? »

C'est étrange comme ces mots retranscrits sonnaient faux dans sa bouche alors que dans celle de Noah c'était tellement beau. L'amour fait dire des bétises....
Elle se retenait le plus possible de relever sa propre main pour la poser sur celle de Noah, de mêler ses doigts aux siens… Mon dieu, comment lui dire qu’elle voulait le protéger plus que tout ? Comment lui faire part de cela ?

Le tigre plissa les yeux, ses prunelles ambrées cherchant à deviner ce qui clochait chez cette jeune débarquée qui n'avait que pour paroles les quelques larmes qu'il venait de sécher maladroitement. Toujours autant de scénario se succédait dans son esprit, mais aucun n'avait réellement convaincant, aucun n'était certain et, malgré son caractère animal, Noah savait que poser des questions aux personnes sur certains point pouvait les mettre mal à l'aise. Ainsi il se retint de lui demander pourquoi elle avait fermé les yeux, pourquoi elle semblait troublée en sa présence et ne s'en offusqua pas.

Il haussa un sourcil quand elle annonça que ce n'était pas important puis se rétracta juste après. Cette manière de parler, hésitante, le fit vaguement sourire et enlevant sa main de son visage, il répondit distraitement à sa question.

« Ah ah je crois que c'est mieux que je t'expliques pas. Tu sais les humains ... »

Il passa la main dans sa poche et en sortit une cigarette qu'il coinça entre ses lèvres et alluma. La flamme du briquet brilla quelques instants au creux de sa main avant de s'éteindre. Noah le referma dans un claquement métallique et le rangea aussi dans sa poche. Puis brusquement ses oreilles se dressèrent, il avait perçu un bruit non loin. Peut-être une dizaine de mètres. Rester là lui sembla d'un coup dangereux et il attrapa Rêve par l'avant bras, la poussant à se relever brusquement.

« Ecoute je serais ravi d'entendre ton histoire mais avant faut qu'on décampe. Tu fais partie de la Thianra ? »

Noah la tira jusque derrière une des bennes de l'école qui avait vaguement résisté à l'explosion, le plastique était fondu par endroit mais le fait qu'il soit noir offrait une bonne protection. Invisible dans la nuit. Intimant à la jeune femme de ne pas faire de bruit, il jeta un œil au coin sans apercevoir autre chose que le béton où ils étaient assis quelques minutes plutôt. Ca l'étonnait de s'être trompé, mais s'était relativement possible. Encore accroupis, sa queue ondulant au bas de ses pieds, il tira une latte sur sa cigarette et l'éteignis sur le sol. Dommage ...

Il tourna un œil vers Rêve, attendant manifestement la réponse à sa question. Si elle n'était pas de la Thianra, pourrait-il l'engager ? Elle ne semblait pas disposée à se battre.

L’échange entre Noah et Rêve était quelque peu étrange pour toute personne extérieure, même pour eux d’ailleurs. Mais pouvait elle lui expliquer ? Elle n’en avait pas la force, pas le courage. Ses larmes s’arrêtèrent de couler, elle redevint brusquement la Rêve que tout le monde avait apprit à connaître. Heureuse de vivre, saine d’esprit et meurtrière devant un danger.

Car danger il y avait, elle l’avait entendu avant même que Noah ne le lui dise, il était tout proche. Noah lui intima de se lever, et il la tira derrière une benne à ordures, fondue et noire. Elle avait pu avoir l’air fragile, très fragile. Après tout, c’était la première fois qu’il la rencontrait puisqu’il ne se souvenait pas d’elle. Et elle avait dû lui donner un étrange et mauvaise image en arrivant ainsi avec des larmes sur le visage. Crétines de larmes…
Mais si Rêve avait laissé déborder son émotion en le revoyant, elle était maintenant prête à lui montrer qui elle était. Elle était aux aguets, les pupilles dilatées au maximum, en position normale mais déjà prête à protéger son prince quoi qu’il arrive.
Elle scruta à son tour l’endroit où ils étaient il y a quelques secondes, et comme Noah elle ne vit rien. Elle ne détacha cependant pas ses yeux du bloc de béton et répondit à Noah sans le regarder, dans un murmure.

« Je suis tueuse à la Thianra. »

Si elle n’aurait pas été convaincante en disant cela tout à l’heure, comme elle était postée maintenant ne laissait pas de doute sur sa qualité. Elle avait beau être petite, s’en était presque un avantage dans certains cas. En disant ses mots, elle s’était rapprochée de Noah de quelques millimètres, visibles seulement par lui et elle. Elle détourna enfin la tête, et regarda Noah dans les yeux en souriant.

« Excuser mes larmes tout à l’heure, vous avez sans doute dû me prendre pour une faible. Je me suis laissé emportée. Vous avez raison, vaut mieux bouger, c’est risqué ici. »

Et joignant le geste à la parole, elle se redressa lentement. Toujours rien aux alentours. Rien derrière non plus. Elle attendit qu’il la guide où il désirait aller, peut importe où, tant que c’était avec lui. Malgré le fait que le danger semblait avoir été inventé, elle sortit tout de même ses griffes sans bruit, elles étaient longues, pointues et tout comme elle, meurtrière en cas de besoin.

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RETOUR SUR SES PAS

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