04.34 PM / Nergal.

Cutter habite depuis un moment sur Paris, et n’avait jamais eu aucun problème avec son propriétaire. Ce dernier n’a pourtant pas hésité à rompre leur contrat de bail dès qu’il a su que le jeune homme avait intégré la nouvelle section des Arnaiths – c’est ainsi que le jeune homme avait découvert que les M n’étaient pas trop appréciés, parce que jugés trop dangereux. Aucune importance, il avait au moins eu le temps de déménager ses affaires à la base un moment. Et puis il en avait un peu parlé, et finalement s’était entendu dire « oui ok, on fait comme ça ». Il ne se souvenait plus trop comment il en été arrivé à dire ça, mais avait au moins retenu qu’il avait accepté de vivre chez Nergal, et que lui et son petit carton de fringues étaient censés se mouvoir jusque chez son collègue, qui habitait en banlieue parisienne. Il ne connaissait pas très bien l’autre M, et le sentiment qui prédominait quand il pensait à lui, c’était surtout de l’agacement. Pourquoi ? Pour la bonne raison que lui, tout le monde l’appelait par son prénom, et que l’autre, c’était avec son nom de famille qu’on le désignait. Une situation parfaitement injuste. C’est vrai quoi, ils devaient être de force équivalente. Il fallait creuser la piste, ça dénotait sans aucun doute du favoritisme ou un complot.

Le blond avance d’un pas rapide et vif, rentrant le cou sous le froid mordant – plus par habitude que par réelle sensation d’ailleurs, parce que le sérum a considérablement réduit toutes ses sensations – tenant de la main gauche un carton carré et plutôt petit contre sa hanche. Carton contenant des fringues au tissu sombre, épais et lourd, et quelques boîtes de médicaments – Cutter en a toujours à l’endroit où il vit, et ce n’est pas parce qu’il va habiter chez Nergal que ça va changer, ça. Ses yeux vert clair jettent un regard au ciel, avec un petit froncement de sourcils. S’il pleut sur son beau carton, c’est un drame, soyons clairs. Il accélère donc le pas pour arriver le plus vite possible chez Nergal, et ne pas mouiller son magnifique carton.

Une fois arrivé devant la porte – il a vérifié qu’il était bien au bon endroit – il tape dessus peut-être un peu trop vivement. Dure à contrôler, la force donnée par le sérum dis donc. Il attend ensuite que Nergal lui ouvre, observant les maisons voisines de son expression habituelle calme et un peu absente, comme vide. C’est l’autre truite qui va être content de le voir, tiens !

Renversé dans un fauteuil de cuir pourpre, un "M" soupir lourdement. Si il ne se trompait pas, on venait joyeusement de frapper a sa porte. Pas besoin d'être une Pythie pour connaitre l'avenir.

Il deploya sa haute silhouette et marcha tranquillement jusqu'a la porte d'entrée. Un nouveau copain...Chouette ! Mais son regard sanguin ne s'anime pas de rire, ni de sympathie, il reste égal à lui même c'est un dire un gouffre.

La porte s'ouvre sans un grincement et le gringalet qui lui fait face lui semble tout à coup bizarre. Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'ils se croisaient mais bon. Là, il n'était plus question de croisement, mais de collocation...Sur le coup là, il n'avait pas pu refuser, il faut dire que Catelyn avait détourné son attention par un décolté plongeant. Non pas qu'il se soit sentit tout émoustillé, mais durant une seconde, une seconde de trop, il s'était demandé ce que cela signifiait...Maintenant, il savait. Une subtile manière de les concentrer en un même endroit, plus facile à surveiller. La fossette s'anime soudain alors qu'il regarde de l'autre côté de la rue. Là, la maison de la Jadenoire...A charge de revanche. Il est étonnament gracieux alors qu'il s'efface pour laisser entrer Cuter.

-J'espère que la cuisine est ton domaine parce que sinon...On va mourir de faim ou gros et gras a force de pizza. Allez entre, ça caille.

Quand Nergal lui ouvre la porte, Cutter a les lèvres pincées, manifestement absorbé par ses pensées, et il relève les yeux vers son nouveau colocataire – enfin, hébergeur serait plus exact… Et il prend une expression interloquée, yeux un peu écarquillés, lèvres légèrement entrouvertes. Et s’il fait cette tête-là, c’est parce qu’il ne se souvenait absolument pas de la différence de taille entre lui et Nergal. Aah c’est donc pour ça qu’on l’appelle Nergal, et pas Adrian… Il se remet, esquisse un sourire à l’expression absente, ne soutenant pas le regard sanguin.

« Euh… Salut ! C’est gentil de m’héberger, même si tu fais pas ça forcément pour moi. »

Y’a peut-être bien là-dessous une petite allusion au décolleté de Catelyn, mais rien n’est moins sûr vu la mémoire défaillante et le manque de sourire en coin ou de lueur amusée dans le regard lorsqu’il prononce ça. Il entre sans frôler Nergal, respectueux de leurs espaces vitaux respectifs, se faufilant entre la porte ouverte et lui. Une fois dans le salon, il observe les lieux, sans poser son carton, et gardant son expression calmement anesthésiée.

« Oh j’aime bien, chez toi. »

Il regarde toujours les lieux quand Nergal évoque la question bouffe et hausse des épaules avec un sourire un peu plus grand que le précédent, mais qui n’atteint toujours pas les yeux verts clairs imperturbables.

« Je suis un pro du micro-onde, tant qu’on achète ce qu’il faut, je pense pouvoir nous nourrir tous les deux. »

Il n’a pas l’air vraiment à l’aise, mais les calmants aplanissent complètement le stress et la nervosité qu’il pourrait ressentir. Ca donne vraiment l’impression d’un calme forcé, il a l’air complètement stoned et déconnecté de la réalité, le Cutter… Et se retourne avec un sourire vers Nergal.

« Ils nous parquent dans ta maison pour mieux nous surveiller ! »

Ah, pas si déconnecté que ça, finalement… Ca a plus l’air de l’amuser, au grand maximum il s’y résigne.

Nergal regarde. Ses prunelles sanguines plantées dans ses jumelles. Ses paupières se plissent alors que Cutter parle. Emotions instables qui semblent animer son collègue. Désinvolture trop appuyée.

-Faire ça pour toi ? Cela aurait été hypocrite, je ne te connais pas. Mais là n'est pas réellement le problème, ma maison est assez grande pour y vivre a deux sans se marcher dessus.

Sa maison n'est pas un palace, mais le confort y règne. Il hausse une épaule alors que l'autre parle de micro onde.

-Ce que tu veux du moment que ça ne ressemble pas à une pizza, j'en ai ma claque.

Cependant, une lueur étrange s'allume lorsque son coéquipier lui fait part de ses "doutes". Pensées qui avaient déjà secoué le "M", la fossette apparait soudain sur sa joue.

-Tu me parais plus intelligent que tu ne le laisse paraitre. Effectivement, je pense que c'est un bon moyen de nous parquer, comme de bon petits veaux dans l'enclos, sous l'oeil de la fermière en chef.

répondit il en pointant son pouce par dessus son épaule, direction, la maison d'en face. Son sourire a quelque chose de sournois, mais il n'ajoute rien. Finalement, il se meut en direction du couloir.

-Viens, je vais te montrer ta chambre. Comme la mienne, la fenêtre ne donne pas sur la rue, cela évitera de nous faire mater par quelques yeux indiscrets.

Grosse allusion au côté despote de la Jadenoire que celle là. Les fenêtres donnaient sur le jardin, un petit pied de nez.

Le blond semble réellement fuir le regard rouge de son collègue, ne le soutenant pas plus de deux secondes exactement, ayant toujours quelque chose de plus intéressant à observer. Il a gardé son carton mal fermé dans les bras, l’air d’un petit garçon qui balade son trésor… Sauf qu’ici, le petit garçon est un humain aux gènes modifiés très dangereux, et que le trésor, c’est ses drogues. Etrange comparaison donc. Il lance un coup d’œil presque amusé à Nergal.

« Oh mais j’espère bien que tu ne vas pas me marcher dessus, je suis sûr que tu me ferais mal. »

Il fait quelques pas, revenant un peu vers le brun en ignorant la question bouffe. In micro-onde we trust, c’est tout ce qu’il aura à dire sur le sujet… Et comme il n’est pas très difficile, il espère que Nergal non plus et que tout le monde se contentera de sa version de la cuisine. Un sourire vient étirer ses lèvres, enfin, un semblant de sourire, ses yeux se faisant un peu plus lugubres qu’ils ne le sont déjà.

« Oh j’ai les neurones bousillés, un coup ils marchent, un coup non ! »

Il émet un petit gloussement harmonieux, en regardant lui aussi vers la maison de Catelyn Jadenoire, sourcil arqué et expression amusée aux lèvres. Il relève le nez, prenant pour une fois un port de tête plus altier que je m’en foutiste, cils baissés sur ses yeux clairs. Ses gestes trahissent l’action des médicaments sur lui, en montrant les attitudes et expressions qu’il n’adopte pas à cause de l’abrutissement. Il cille, après avoir essayé d’espionner leur chef – inutile de préciser qu’il n’a rien vu du tout.

« Deux yeux indiscrets, tu veux dire ? » s’informe-t-il d’un ton badin en suivant son hébergeur, carton toujours fermement serré entre ses bras.

Il observe son nouvel environnement en passant, avec une petite mine à la fois curieuse et réservée, puis entre dans « sa » chambre, déposant le carton sur le lit. Il va tout de suite voir ce qu’il se trame dans le jardin, repère un chat, puis se retourne vers Nergal, souriant légèrement.

« Pour une étable, c’est très bien ! J’te remercie encore, hein. »

-Te faire mal ? Oh non, tu verra assez vite que je suis un peu plus subtile que ça.

Tentative d'humour ? Difficile a dire avec le "M". Pour le savoir il faudrait savoir lire l'étincelle qui ombre son regard carmin et ça...Trop peu savait le faire. Qu'importe, Nergal se fiche de ce que l'ont pense de lui. Il n'a que faire des jugements.

Cependant, son attention s'aiguise soudain en regardant plus attentivement Cutter. Il n'aime pas ça le "M". Cet oeil flou, cette phrase.

-Les neurones bousillés...Me dis pas que tu es un junky de base. Tu ne trouve pas qu'ils nous injecte assez de saloperie comme ça ?

La fossette se pare de dureté alors qu'il parle. Un drogué est corrompu, soudoyé car vulnérable. Bref un danger ambulant. Nergal se fends d'ironie et réplique :

-Deux yeux indiscrets, oui, si elle n'était pas si frigide, je dirais qu'elle assouvis des fantasmes de voyeuse. Mais dans son cas, cela doit être plus sournois que cela.

La dessus, le "M" affronte les remerciements, il n'en tiens pas compte, on ne lui a rien demandé, il n'a rien proposé. On a imposé et il a horreur de ça. Mais il est assez mature pour ne pas le faire sentir a Cutter. Après tout, il n'avait pas plus de choix que lui.

-Pas de quoi, tant que tu ne me donne pas du "vieux", ça devrait bien ce passer.

Cutter considère avec calme et scepticisme son nouveau colocataire, qui a l’air aussi pince sans rire que lui… Boudiou, ils vont bien se marrer dans leur coloc', les M ! Le blond détourne à nouveau le regard vers la fenêtre, en apparence intéressé par les mouvements du chat, qui parcourt le jardin en long, en large et en travers d’un pas lent. En apparence seulement. Il écoute Nergal, le surveille du coin de l’œil, alors qu’il est resté debout sur le pas de la porte de sa chambre, et il sent ce regard aiguisé, accusateur, et porteur d’un espoir sombre. Un junky. Etait-il un junky ?… Il secoue légèrement la tête, laisse un sourire étirer ses lèvres, son expression se faisant plus douce encore pour compenser la dureté de celle de Nergal.

« Non, je me drogue pas… »

Au fond, c’est tout simplement la vérité, même si Cutter est parfaitement conscient que dans les faits, il se drogue purement et durement. Il porte à son torse une main aux veines saillantes, et la passe sous son t-shirt écru, caressant ses abdominaux sans paraître gêné par la sensation glaciale de ses doigts contre la peau du ventre plus chaude. Cette attitude dénonce clairement que Nergal, en mettant ce sujet-là sur le tapis et par son attitude le stresse, au plus haut point.

« Je suis malade, et je prends un traitement tous les jours, c’est tout. »

Il espère s’en être bien sorti, même s’il vient d’avouer une maladie mentale – être atteint d’une maladie physique quand on travaille chez les M, c’est impossible – assez développée pour justifier la prise de médicaments tous les jours. Cutter n’a pas du tout une attitude dominatrice, il laisse Nergal emplir l’atmosphère, avec son corps plus grand, sa voix qui porte plus, et son caractère un peu plus saillant que le sien. Un sourire presque amusé prend place sur ses lèvres quand son collègue se met à parler de leur chef pour le moins irrespectueusement. Et Cutter y va de sa petite précision salace – merci l’armée pour ce vocabulaire !

« Elle serait voyeuse si elle espérait te voir m’enculer, par exemple… »

Les yeux verts clairs battent calmement, puis les sourcils se froncent légèrement.

« On lui fait peut-être peur, à la Jadenoire… Ca n’en ferait qu’une de plus. »

Grimace sur les lèvres minces : il est peut-être vulgaire, il fait peut-être des remarques qui tombent à plat, mais ce surnom, « vieux »… Quelle horreur.

« T’inquiète pas, tu te surnommes pas facilement de toute façon. »

"Non je ne me drogue pas"...

Nergal manque d'exploser de rire. Il a assez trainé dans la rue pour savoir que se droguer, ce n'est pas juste se fourrer une seringue dans les veines. Il semble gober l'explication de son collègue et hausse même une épaule. La maladie, le poison...Ils l'étaient tous quelque part ? Si, ils étaient tous des malades, des névrosés en puissance. La fossette tremble un peu sous l'effort qu'il fait pour ne pas rire franchement, avec ironie, mais il sait si bien se contôler qu'elle ne fera que trembler. Il croise les bras, 's'adosse au mur, alanguit en apparence. Un fin sourcil se hausse a la vulgarité affichée de Cutter. Il n'est pas choqué, il a entendu bien pire, mais dis dans la bouche d'un freluquet, c'était assez cocasse.

-Je ne suis pas sodomite, je suppose que toi non plus. Donc tes fessiers ne craignent rien avec moi.

Il se fends d'un sourire qui n'en est pas un, un sourire qui n'a de signification que pour lui.

-On fait peur a tout le monde, ce n'est pas pour rien que les normaux ont l'autorisation de nous tirer comme des lapins. C'est étrange de les voir nous imaginer sans cervelle, c'est étrange et dangereux. Pour eux. Rien que de la chair a canon, c'est très glorieux je trouve.

La dessus, Cutter affirme quelque chose de faux, et le "M" laisse un léger rire s'échapper.

-Nergal est déjà un surnom, Cutter. C'est le nom d'un dieu Mésopotamien...Celui de la destruction et de la guerre.

L'éclat carmin de ses prunelles s'anime soudain. Rire ? Ironie ? Joie ? Mmmh..Peut être rien de tout cela, mais personne n'est télépathe et cela l'arrange bien le "M".

C’aurait été un grand exploit dont Cutter se serait fort surpris, s’il avait réussi à faire éclater de rire Nergal, tiens. Il sait aussi bien que l’autre M combien son excuse est fallacieuse, mais elle justifie tout : les doses trop massives, l’addiction dont il est bien conscient, le flou. « Je suis malade, pas drogué. » Il s’accroche à cette certitude, le blond, et n’en démordra pas. Tout est de la faute à cette pute de maladie, voilà. Il a posé sur son collègue un regard d’oiseau de proie, clair et assuré, droit sans faille. Il l’observe, soutenant le regard carmin, en réussissant à n’avoir aucune expression d’insolence sur le visage. Il aimerait juste mieux cerner l’autre M… Instinct grégaire qui remonte ! Il n’imite pourtant pas son attitude alanguie, restant très droit sur ses longues jambes. Nergal n’est pas homo.

« Ah, je croyais. »

Ca pourrait passer pour de la provocation gratuite, mais ce serait mal connaître Cutter : c’est juste une constatation neutre. Il croyait que Nergal était homo vu ses réactions étranges avec Catelyn, c’est tout. Oui, Cutter est un abominable petit mec bourré de préjugés ras la gueule – et le mieux, c’est qu’il s’en rend pas compte. Il passe une main sur sa nuque, haussant des épaules à la fin de la phrase. Ce genre de considération, très franchement, ça lui passe à dix kilomètres au-dessus de la tête ! Homme ou femme, un cul reste un cul, comme disait un de ses lieutenants. Il jette un coup d’œil à son carton, posé présentement sur le lit, et croise les bras sur la poitrine.

« Je vois pas pourquoi ils nous modifient si c’est pour plus avoir peur de nous que les créatures. Et en plus, ils nous prennent pour des cons… Comme tu dis, c’est dangereux pour eux. Ou pour nous, va savoir, le jour où il y aura un dérapage, tu peux être sûr qu’ils vont nous massacrer ! »

Ou considérations philosophiques de Cutter sur sa condition. Les yeux verts clairs se reposent immédiatement sur Nergal avec l’acuité d’un prédateur quand il émet ce léger rire. Ah, lui aussi l’a changé de nom ? Ca doit être une mode, quelque chose comme ça, dans leur section… Il hausse de nouveau des épaules, ses lèvres se coulant un peu plus dans une moue boudeuse.

« Tu as très bien compris ce que je voulais dire, ne joue pas sur les mots s’il te plaît ! »

Et lui émet un petit sifflement amusé.

« Tu t’es pas choisi le surnom le plus dégueulasse, ça va. »

Il essaye de comprendre Nergal, c’est vrai, ses yeux étroits et inquisiteurs cherchant dans ceux du collègue, avec leur habituelle expression euthanasiée et implacable. Allez Nergal, baisse ta garde ! Aucune agressivité n’émane de Cutter, comme d’habitude. Il semble très tranquille, pour un tank.

-Tu croyais ?

Juste ce sourcil qui se lève en circonflexe. Nergal ne parait ni vexé, ni outragé...Mais pas plus amusé...A vrai dire, la nébuleuse carmine de son regard ne frémit pas, la fossette reste et ne bouge pas non plus.

-De nous deux, je pense que c'est toi qu'on prendrait pour la tapette de service.

Son épaule se hausse, l'agressivité ou la colère dorment et Nergal n'affecte aucune espèce d'émotions. Même lorsque son collègue abonde dans son sens par la suite.

-Ils veulent des marionnettes dont ils pourraient tirer les ficelles. Que l'on servent de bouclier, de paravent...Qu'on dissimule leur lacheté. Ni plus, ni moins. Si un dérapage se produit, je pense que je mourrais en riant comme un damné.

Un doigt fin et délié s'élève dans l'air, la pulpe vint caresser la douceur de sa lèvre inférieure qui se courbe dans un sourire ironique et moqueur.

-Ce n'est pas moi qui l'est choisit, Cutter.

Il ne dira rien de plus sur le sujet. Il ne lui confiera pas son prénom véritable, donné par une mère pute jusqu'aux yeux. Son surnom a été forgé dans la rue, il était son prénom dorénavant.

A vrai dire, il s’attendait quand même à un peu plus de réactions. Ca se comprend, que les humains aient tellement peur de cette nouvelle section mutée, vu les réactions – enfin les non-réactions que présentent les employés, tiens. Il passe une main dans ses cheveux, assez indécis, presque déstabilisé par autant de laxisme de la part de son « colocataire ». En voilà, un type étrange. S’appelle comme le dieu de la destruction, et Cutter ne l’a jamais rien vu détruire, et il paraît d’un calme olympien. A vrai dire, l’idée même de le voir rire est presque… choquante. Quoique la mort arriverait peut-être à le faire rire, c’est une piste à creuser. Il croise les bras, haussant des épaules. Ce que peut penser Nergal, ce pour quoi les autres le prennent… Il hésite à s’exprimer sur le sujet. Et il le fera finalement, mais sa réplique est d’une platitude affligeante, et prononcée sur un ton extrêmement peu convaincu. Ni vexé ni fâché ni amusé, tout pareil que le collègue.

« Euh… Peut-être. »

La main de Cutter passe de ses cheveux à sa nuque, lente, comme indécise. Les yeux verts clairs n’affrontent plus le regard sanguin de l’autre M, posés sur un coin de la fenêtre, avec pourtant une expression attentive qui ne trompe pas : il écoute bel et bien Nergal et ne pense pas à autre chose. Des marionnettes hein. La phrase qu’il prononce ensuite est peut-être la seule dans la conversation à laquelle il n’a pas réfléchi, et qui exprime son réel ressenti face à « tout ça ».

« C’est fou comme ça nous dérange pas. »

D’un côté, ils l’ont voulu, certes, mais savaient-ils précisément ce qu’ils signaient en s’engageant chez les M ? Cutter élude ces questions-là, de toute manière il n’avait pas tellement le choix, et sur le coup cette solution lui paraissait la meilleure… Il est presque bien, ainsi transformé, et son nouvel ADN ne rejette même pas les médicaments. Que demande de plus le peuple ? Il lance vers son colocataire un coup d’œil rapide, comme pour vérifier qu’il ne s’est pas approché de lui quand il faisait attention à autre chose. Léger hochement de tête.

« Moi non plus j’ai pas choisi mon actuel prénom, mais finalement, ça me va pas mal. Tu as une cafetière, par le plus grand des hasards ? »

Il passe devant l’autre M pour aller investir la cuisine de sa présence discrète et comme absente, parce qu’il a soudainement envie de café.

Nergal le va le pouce et indiqua le chemin de la cuisine par dessus son épaule avec un demi sourire.

-Cafetière ? Mot magique dans cette maison.

Fit il en suivant son collègue. Les mains enfoncées dans les poches de son jean, il marchait avec quelque chose de félin. C'était contradictoire cette façon de se mouvoir. Alors que son corps était un vrai mur de béton, il conservait cette grâce étrange devellopper lors de ses combats de rues.

-Cutter....C'est un étrange surnom...

fit il pensif alors qu'il pénétrait la cuisine a la suite de son collègue. Songeur, il fouilla les placards pour en sortir un paquet de café et un filtre. Toujours plongé dans ses pensées, il prépara la cafetière.

-Et ce surnom fait référence a quoi ?

demanda-t-il en appuyant sur le bouton de mise en marche.

-Regarde derrière toi, le placard du haut, il y a des tasses et du sucre.

Puis, tendit que le liquide noir s'écoulait lentement dans le récipient de la cafetière, il observa les mouvements de Cutter. S'habituer a vivre avec quelqu'un n'allait pas être une partie de plaisir, il n'y était pas accoutumé...Caty allait avoir sa visite dans très peu de temps, il avait horreur qu'on se foute de sa gueule.

Cutter est loin d’être félin et délicat dans ses gestes comme son collègue. Il ne donne pas vraiment une impression de lourdeur non plus, tous ses muscles taillés en longueur et ses os peu épais criant sa pseudo délicatesse, mais il n’est pas agile, ne fait pas vraiment attention à ses gestes. En prenant deux tasses dans le placard désigné par Nergal, il en fera tomber une – rattrapée au vol par une main de fer, dans un bruit sec. Miraculeusement, rien n’est cassé, ni les tasses, ni le sucre, ni même la boîte en fer blanc qui contient les sucres. Ouf, on respire. Il pose le tout sur la table, sourcil blond arqué alors qu’il entend d’abord la remarque puis la question de son collègue. Hum. S’il lui dit pourquoi Cutter lui va bien, combien on parie qu’il se fout de sa gueule ?

« A l’armée, j’adorais jouer aux fléchettes avec des cutters. C’est tout. »

Jouer aux fléchettes ? Oui c’est une façon de le dire, quoique très détournée et étrange. La vérité, c’est qu’il a fait plusieurs tentatives de suicide avec un cutter, et que c’est ainsi que son nouveau prénom lui a été attribué. Mais il ne compte pas vraiment sur Nergal pour comprendre le fait qu’il soit malade, vraiment, depuis qu’il est gamin, que c’est pas parce qu’il est plus faible que les autres ou quoique ce soit, que c'est comme ça et que personne n'y peut rien, même qu'il vit avec et que ça se passe bien. Enfin, dans l'ensemble. Il se tait donc, donne une raison détournée et presque fausse, en espérant que ça suffise. C’est moins glorieux que de s’appeler Nergal, d’être dépressif, c’est sûr.

Les yeux verts clairs se tournent vers le collègue, interrogatifs, alors qu’il lui tend une tasse d’un bleu clair presque apaisant. Cutter ressent la présence de Nergal comme étant elle aussi calmante, malgré tout le danger que cachent ses gestes mesurés, félins, et son regard sanguin menaçant. Cutter n’est pas habitué à se sentir menacé, il reconnaît pas les dangers quand il les croise. Il prend l’initiative de servir les cafés, observant en passant la disposition des lieux, et dans une grimace, exprime le malaise ressenti par le brun.

« Ca va pas être facile d’être dans tes pattes tout le temps, ptain. »

A qui le dis-tu.

-Jouer aux fléchettes avec un cutter ?

Il y avait comme une once de surprise dans la voix du "M", peut être même un peu de rire. Il imaginait parfaitement Cutter en train de jouer. Après tout, pourquoi pas ! Il remarqua a quel point Cutter controlait mal sa force et, une seconde, il se souvint de ses propres débuts.

-Ca ne fait pas longtemps qu'ils t'on injecté leur truc n'est ce pas ?

C'était une question pour la forme, il était a peu près sur d'avoir raison. Cela dit, il n'ajouta rien, tendant une main aux doigts fins et nerveux qui s'enroulèrent autour de la tasse. Juste une pression, une seul et la tasse exploserait en mille morceaux...Mais aujourd'hui, il se controlait parfaitement. Par dessus la tasse, il posait un regard étrange sur son collègue. Ni franchement curieux, ni franchement absent. A quoi pouvait bien penser Nergal en ce moment ? C'était en quelque sorte une question piège que celle là, tant ses pensées étaient dissimulées...La fossette apparue doucement au coin de ses lèvres lorsque Cutter jura, il bu une gorgée du breuvage chaud et puissant avant de répondre :

-Non, ce ne sera pas facile, mais on ne nous a guère laisser le choix.

Il fouilla un instant dans ses poches et en sortit un trousseau de clés qu'il fit glisser sur le comptoir en direction de son vis à vis.

-Tiens, voilà de quoi te sentir définitivement chez toi.

« T’as jamais essayé ? C’est… détendant, et ça éloigne les autres de ton espace de lancer. »

Petit moment de réflexion, le blond pince les lèvres, et puis précise, sur un ton un peu flemmard, un peu moins attentif :

« Et en plus, c’est super classe. »

Il sent comme une chape de fatigue qui lui tombe sur les épaules, le Cutter, les yeux verts se perdant un peu plus dans le vide, moins attentifs aux mouvements du collègue. Il s’appuie plus lourdement sur le plan de travail, croise les bras sur sa poitrine, affichant clairement qu’il baisse sa garde. Il va pas passer leur cohabitation à se méfier du brun quand même, ce serait bien trop fatigant, pas tenable. Même pas un coup d’œil vers Nergal quand il parle du sérum.

« Ca fait quelques mois maintenant. D’après eux, c’est pas normal et j’devrais déjà mieux contrôler ma force. »

Et les scientifiques reportent la faute de ce retard sur les médicaments auxquels Cutter est définitivement accro. Le blond s’en fout, sa consommation de calmants et d’euphorisants n’est pas une option, il est beaucoup plus contrôlable et moins dangereux ainsi. Mal maîtriser ses muscles modifiés n’a pas vraiment l’air de lui porter sur les nerfs, il n’a pas comme ambition d’être aussi félin que Nergal. Il trempe ses lèvres dans le café chaud, pas vraiment décidé à en boire, juste histoire de se donner une contenance, animal introduit trop rapidement dans le territoire d’un autre.

« Hé on pourrait prendre ce droit. On va casser la gueule à quelques Arnaiths, et c’est réglé. »

Oui bon, si jamais les deux M font quelque chose d’aussi stupide, ils se feront tirer dessus à vue… Cutter dit ça, mais ne le pense pas vraiment, c’est juste une idée qui le séduit en passant, mourir en prouvant à ces putains d’humains qu’ils sont capables de réflexion. Il rattrape les clés, passe son majeur dans l’anneau, et les lève devant son nez pour les observer.

« M’ci. »

Nergal se frotta la joue, il était bientôt temps de se raser songea-t-il d'un air absent. Néanmoins, il fixait des yeux perçant sur son colloc. Il ne savait pas a quoi il se shootait, mais il ne pouvait en nier l'effet. C'était bien sa veine ! Deux contre un que Caty chérie pensait que Nergal d'amour ferait office de cure de désintox...Et bien pas question. Après tout, tant que Cutter petait pas les plombs, ça ne le gênait pas.

-Sur, ça a son avantage.

Il perçoit clairement la fatigue qui semble envahir son collègue et, par reflexe, jetta un oeil sur la pendule de la cuisine. Un peu tôt pour aller dormir tout de même. Cutter répondit a sa question et le "M" haussa un sourcil.

-Et bien...Laisse moi deviner, tu n'as même pas prit la peine de tenter le sport ? Ca aide, si tu veux, il y a une salle en bas, dans la cave. Ne t'inquiètes pas pour la casse, c'est prévu pour. Après tout autant utiliser l'argent de la section pour se faire plaisir n'est ce pas ?

Il espérait fortement qu'il n'aurait pas a remplacer chaque objet touché par un Cutter qui ne contrôlait pas la puissance contenue dans ses muscles. Pour sa part, il s'était fait un plaisir d'apprendre a maitriser tout ça, même si parfois, il s'amusait a laisser penser le contraire. Ca le faisait toujours rire de voir un Arnaith porter la main a son flanc en le voyant exploser un stylo ou un verre l'air de rien.

-Il y a mieux que leur exploser la face, bien que cela soit assez tentant. Personnellement, je joue sur la trouille qu'on leur inspire.

fit il avec un sourire teinté de sournoiserie. Il regarda Cutter prendre les clés et :

-Au fait, si tu emmène des filles, sache que le partage est bien vu dans la maison.

Humour ? Et oui, Nergal peut être un vrai glaçon, mais non dénué d'humour. Bien que cela soit dur a lire sur ses traits figés dans une moue plus que sérieuse.

Cutter repose son café, l’alignant avec sa petite cuillère, et la boîte de sucre, mettant les objets en place distraitement, dans une rangée bien dessinée. Il a toujours les clés passées autour du doigt, ne paraissant pas dérangé par le bruit qu’il produit au moindre mouvement. Les yeux clairs se plantent dans ceux du brun, tranquillement, de leur expression euthanasiée. Certains M ont peur de leurs collègues, surtout de Nergal aux pupilles trop bizarres et au comportement fataliste ; pas Cutter. Le blond n’est pas programmé pour reconnaître le danger, c’est tout, et il passe outre. Courte réflexion, pendant laquelle il tapote de son index sa lèvre inférieure.

« Hm, j’ai tenté le tir, mais ça devient lassant… »

Du coup il observe sa main gauche, déchirée par un coup de griffes ancien qui lui a laissé une belle cicatrice entre le pouce et les autres doigts. Ca a dû faire mal, et pas être très joli, et ça l’handicape au tir, il ne vise plus du tout du côté gauche.

« Enfin, j’irais voir, c’est sympa. »

Léger sourire désabusé adressé à Nergal pour appuyer un peu la déclaration. Le sourire s’efface alors que les yeux du blond se repose sur le visage du collègue et le considère avec un peu d’étonnement et de dubitation. Jouer sur la peur ?

« C’est plus concret de leur casser la gueule. »

Cutter n’est pas un mec très fin et subtil, et comme il se fout pas mal de lire les expressions ou de jouer au chat et à la souris – mauvais jeu de mots dans leur contexte – son mode d’expression, c’est ses poings. Et Nergal va prouver qu’il est quelqu’un de très surprenant : il arrive à prendre de court le blond, qui prend un air légèrement – pas beaucoup attention – interloqué en le regardant. Comment il compte s’y prendre au juste pour partager une fille avec lui, hein ? Pourtant il tient sa langue, observant avec circonspection le brun. Si humour il y a, il est complètement passé à côté.