Il se sentait fatigué...

Il se sentait fatigué.

C’était rare de sa part d’admettre telle faiblesse, telle honte physique, mais personne ne le saurait, sinon lui. Et il se sentait las, si las. Sa colère s’estompait depuis quelques temps dans une sorte de tristesse, comme s’il avait plongé dans le spleen poétique. Si sa mauvaise humeur ne désemplissait pas, au grand dam du petit Casey, il paraissait encore plus déshumanisé que d’ordinaire, désœuvré et désabusé à l’extrême. Mais cela faisait bien longtemps qu’il n’avait fait preuve de la moindre violence, pas plus de douceur, cependant, ne remplissait son cœur.

Il rentrait peu chez lui, en réalité. Passant la majorité de son temps à l’hôpital, ou au quartier Arnaith, comme aujourd’hui. Il ne faisait presque plus que de la figuration. Travailler sur les aberrations de la nature qu’étaient les créatures l’avait longtemps passionné, il ne niait pas avoir quelques fois pratiqué des dissections et autres expériences un peu douteuses, mais le temps était révolu. Shift n’était pas médecin en génétique, ce n’était qu’un vétérinaire.

Et il se sentait fatigué.

L’idée encore saugrenue de prendre sa retraire avait traversé son esprit l’autre soir, quand en se regardant dans un miroir il avait aperçu les quelques plis sur son visage et certains cheveux déjà blancs, malgré son jeune âge, preuve d’une vie qui en aurait tourmenté plus d’un. Et il détonnait par son ancienneté, dans les couloirs ou la salle de repos Arnaith. Il détonnait par son caractère, il détonnait de n’être qu’humain, de n’être que vétérinaire.

Et, il y avait cette pensée toujours lancinante qui revenait à la charge : après plusieurs années de fidélité à la cause, sa sœur n’en était pas revenue, n’en était pas vengé.

Shift secoua la tête rien qu’un instant, presque trop doucement pour que cela soit vu et retourna dans un dossier épais. Il avait toujours adoré se tenir au courant des avancés Arnaith. Mais combattre le feu, l’abomination génétique, par le feu, encore une autre abomination, n’était pas ce qu’il espérait. A vrai dire, il ne comprenait plus la stratégie du groupe Arnaith, pourquoi créer de nouveaux monstres pour en tuer d’anciens ? Certes ils n’avaient pas de queue, ni d’oreilles de chat, mais ce n’en était pas moins des monstres.

Il jeta le dossier terminé sur une pile déjà bien haute et s’aventura à en lire un deuxième. Coincé sous son coude droit, sur son bureau, il y avait le dossier de son propre petit ‘service’ rendu au groupe. Mais qui serait assez fou pour venir le chercher ici, dans un antre qui respirait les cris et les produits chimiques, en pleine nuit, alors que dehors, le temps était doux et propice à autres choses qu’aux corvées de groupe?

Et, pensant qu’on ne le dérangerait pas dans ses oeuvres, ni dans ses réflexions maussades, Wind Shift, homme à tout faire, continua sa lecture.

Rester tranquille ainsi était sans doute trop demander de la part du vétérinaire Arnaith. Les pas alourdis par des semelles épaisses et crantées de chaussures taillées pour résister résonnent dans les longs couloirs des bâtiments Arnaiths. Cutter sait que cet homme n’est absolument pas habilité à le soigner, il sait qu’il n’est pas rattaché à sa toute nouvelle et monstrueuse section, et peut-être même que ce véto n’y connaît rien en humain modifié à coups de sérum. Mais les généticiens qui s’occupent de son cas le débecte, c’est plus fort que lui, plus fort que les calmants, et plus fort que les euphorisants. C’est dire si c’est viscéral. Alors oui, Cutter va voir Wind Shift, et pas ses médecins attitrés. Et sans doute qu’il se fera engueuler ensuite, mais il n’en a cure : au moins, il aura échappé à ces tristes médecins quelque temps… Et puis ils ne sont déjà pas contents du tout qu’il se shoote sans arrêt aux calmants et aux euphorisants, alors quelque chose de plus ou de moins !

Il est blessé au flanc, le blond d’un mètre quatre-vingts. Un coup de griffe mal réceptionné sur ses abdos modifiés, une plaie ouverte pas vraiment sympa à regarder. Ce n’est pas grave en soi, c’est juste très douloureux, et ce même si la sensibilité du M a été réduite par sérum interposé. Il marche d’un pas très raide dans les couloirs du bunker Arnaith, mâchoires verrouillées sous la douleur. Avoir l’air normal jusqu’au bureau de ce putain de véto… Il arrive à son but, ouvre la porte sans avoir frappé, la referme et s’y adosse lourdement, très pâle. Les yeux vert clair se posent sur le visage de Wind Shift, et Cutter fait une grimace, ouvrant sa veste sans manches qui cachait la plaie et le débardeur blanc imbibé de sang.

« J’ai besoin de votre aide, je crois. »

Et il a bien insisté. C’est Shift qui doit le soigner, pas les autres tarés qui lui injecte du sérum à longueur de journée. Et tant pis si c’est un véto sombre, vengeur et profondément aigri, ça vaudra toujours mieux que l’autre troupe de malades mentaux. Il respire profondément, se redresse un peu avec l’air de pouvoir tourner de l’œil à tout moment, attendant les gestes du vétérinaire pour savoir où aller, que faire. Peut-être que Shift lui dira de sortir et de lui foutre la paix : franchement, il le regretterait.

Il n’a pas l’air très solide, extérieurement, ce M. Une taille respectable, mais pas exceptionnelle, une carrure plutôt élancée que trapue, et surtout, il a vraiment l’air de souffrir actuellement. C’est peut-être psychologique, et non pas vraiment physique. Mais quoiqu’il en soit, malgré sa qualité d’homme modifié – que crient ses yeux injectés de sang. Sa respiration est lourde, labourée par la douleur, et le tissu blanc et carmin du débardeur colle à la peau à cause de la transpiration. Il n’a pas, semble-t-il, le réflexe de porter une main à sa blessure pour tenter vainement de la « tenir » : c’est peut-être un fait de l’entraînement des M. Il pince ses lèvres minces, esquisse un sourire crispé, et ferme à demi les yeux.

« S’il vous plaît. »

Ca se voit qu’il sait qui est Shift, et quelle réputation il a, mais malgré tout, il veut être soigné par lui. Ca, mon petit Cutter, ce sera points de suture, et je doute que le vétérinaire t’anesthésie… Il a dans la poche quelques cachets de calmants, qu’il prendra dès qu’il sera posé quelque part, si on l’y autorise.

Il entendit les pas bien avant de voir l’intrus dans son bureau, c’était là preuve de son inintérêt total pour le dossier entre ses bras. Que pouvait-on voir d’intéressant dans celui là, d’ailleurs ? La vie monotone d’un homme qui cherchait je ne sais quelle créature avec je ne sais quelle responsabilité ne le passionait pas. Ou ne l’intéressait plus, du moins.

Ses yeux se plissèrent un instant quand il détailla le gringalet qui était entré et sa réponse ne se fit pas tarder, sans doute complètement décalée par rapport au souhait formulé, mais bon. Ce n’était pas comme si cela lui importait.

« On vous a jamais appris à frapper ? » cracha-t-il entre ses dents, comme du poison, avec un regard à faire pâlir et qu’il réservait d’ordinaire aux serveuses qui ne lui apportaient pas ses commandes assez vite et avaient l’audace, infâme, d’espérer un pourboire.

Ses yeux se plissèrent encore, comme cela semblait impossible.
Envolée la fatigue, envolé le spleen, envolées les belles tournures d’esprit. Surtout pas devant un M. Oh, il savait très bien qui il avait devant lui, les dossiers-médicaux de tous les Arnaiths étaient pour lui en accès libre, et il ne cacha pas un rictus de dégoût. Ce n’était lié ni au tee-shirt rougie du garçon, ni à son visage blafard, c’était uniquement lié à cette bile amer qui le rongeait et créait sa haine.

Créature.

Au même titre que ces idiots de la thianra, d’ailleurs, et Shift n’était pas homme à cacher son mépris. Il se leva, d’un bond, droit comme i et pale comme un mort. On n’aurait sans doute pas aimé qu’il laisse un M se vider de son sang dans son propre bureau. Ils serraient bien assez fou pour lui imputé le crime et le tuer, de fait. Mais Shift n’était ni stupide, ni suicidaire.

« Je suppose que tous les produits que les créatures comme vous prennent vous empêchent de ressentir la douleur. »

Il n’éprouvait pas non plus de pitié.

Il attrapa la blouse anciennement blanche posée sur le dossier de sa chaise et s’en couvrit les épaules. Négligemment, presque lentement, il fit le tour de son bureau, après en avoir rangé méticuleusement jusqu’au moindre stylo, ouvrit une autre porte qui se trouvait bien plus loin, découvrant une pièce. Il alluma la lumière et y entra, ne se retournant pas pour voir s’il avait été suivit.

« Assis ! » grogna-t-il à l’attention du garçon, et désignant une table d’opération pourvu de sangle qui se trouvait au milieu de la salle.

Grande salle au sol blanc et aux murs verdâtres, qui rappelait trop les morgues de ces mauvaises séries policières, par ailleurs.

Il tira d’un placard plusieurs bacs d’instruments stérilisés et, prenant une paire de gant après s’être vaguement savonné les mains, il les ouvrit un par un, jetant les protections en plastique, et les posa tour à tour sur un chariot médical qui avait du en voir passé beaucoup d’autres.

« Sanglez-vous d’un côté. »

Sans aucun regard, il continuait ses opérations dans cette salle trop froide, trop aseptisée pour paraître chaleureuse, au carrelage incrusté de sang par endroit, et qu’on n’avait pas réussi à récurer. Tant pis pour l’hygiène et pour l’anesthésie.

« Les monstres comme vous ne savent pas se contenir… » Fut la seule phrase intelligible dans son marmonnement mesquin de vipère, qui repartit ensuite en monologue intérieur et inaudible.

Il avait mal à la tête, mal aux cheveux même. Il voulait planter son scalpel dans le ventre de ce monstre de cirque et aller dormir. Mais Shift faisait les choses bien, pas forcément gentiment, mais bien. Et il allait le recoudre, le crétin, et il l’apporterait par la peau des fesses jusqu’au bureau des médecins généticiens, couture se rouvrant sous l’impact ou pas, pour qu’ils sentent tous ensemble sa colère.

Shift détestait les créatures.

Les yeux verts clairs incertains de Cutter restent posés sur le vétérinaire, encaissant la réaction éminemment mauvaise sans mot dire, sans paraître ressentir tout ce mépris froidement jeté contre lui. Si, on lui a appris à frapper, mais c’était il y a longtemps. Et puis la nouvelle section des Arnaiths n’a aucun besoin de frapper avant d’entrer – ou alors c’est pour défoncer la porte. En attendant, il n’a pas l’air vraiment d’un flambant M, un tank redoutable, la nouvelle force de frappe contre les créatures ! Non, il a plutôt l’air de quelqu’un qui se laisse insulter par le vétérinaire sans broncher, adossé avec très peu de classe contre sa porte, et qui pâlit de seconde en seconde, comme si tout son sang afflue vers sa blessure. Il n’a pas volée sa réputation exécrable, ce Shift exécrable, au mépris si… évident.

Cutter s’en fout, complètement. Il continue à être persuadé qu’il a bien fait de venir ici, que ça sera toujours mieux qu’avec son équipe habituelle, qu’il ne peut plus supporter. Au moins, Shift est franc : il est anti-créature, anti-M, anti-toute manipulation génétique, et il le montre au grand jour en se foutant pas mal de passer pour un salaud incapable de compassion face à un M. Heureusement que Cutter n’est pas homme à se venger. Trop lymphatique pour ça.

Il se redresse sans aucune grâce quand Wind s’éloigne vers la porte dérobée, et il le suit d’un pas relativement assuré – même s’il donne l’impression de pouvoir tourner de l’œil et s’écrouler par terre à tout instant. Immunisé contre la douleur ? Pas tout à fait. En tous cas, c’est pas l’impression que donne le blond, avec ses traits tirés et cireux, et tous ses muscles crispés par la souffrance. Il arrive à desserrer les mâchoires le temps de répondre.

« Ca doit pas très bien marcher encore, comme concept. »

Il s’assied sans discuter, encore une fois, et fouille dans sa poche, toujours très raide. En sort deux cachets blancs qu’il avale sans eau, avec l’attitude de quelqu’un qui a une grande habitude de ces gestes-là. Les yeux verts suivent les mouvements du véto. Pas gentil, certes, mais au moins il a l’air efficace, et il va peut-être même bien le recoudre… Les courts cils clairs battent, quand Shift en revient à lui, brusquement. S’attacher ?...

« Mais je n’ai pas besoin de… »

Il ne termine pas sa phrase, la première prononcée pour contrer, ou ne serait-ce que justifier, face à l’attitude hargneuse et dépourvue de pitié de l’Arnaith. Cutter ne ressemble néanmoins pas à une pauvre chose innocente torturée par le méchant vétérinaire aux dents longues. Oooh, non. C’est un M, un type très dangereux, qui pourrait tout casser dans le labo de Shift s’il le voulait – même avec sa blessure au ventre et la douleur qui en découle. Il incline la tête sur le côté, gardant son air plutôt neutre, plutôt calme, plutôt… douloureux.

« Je sais me contenir, c’est pas le cas de tout le monde… »

Allusion directe à Shift, pense-t-il au contraire aux créatures, ou à l’humanité en général ?... Si le véto le veut sanglé, il faudra qu’il l’attache lui-même. Mais les calmants commencent à faire effet, rendant un peu plus vagues encore les yeux clairs. Cutter ne bouge plus, assis sur la table d’opération, les deux mains posées de chaque côté des cuisses, crispées sur les rebords. Il n’a aucune espèce de sentiment envers les gens qui réagissent aussi violemment à l’existence de créatures modifiées comme lui, ou les vraies créatures. C’est trop compliqué, les relations sociales… Et les idéaux… N’en parlons pas.

« Les blessures au ventre sont problématiques pour deux choses, parce qu'elles peuvent toucher beaucoup trop d'organe, ce qui ici n'est pas le cas, et car lorsque l'on recoud, nos têtes sont bien trop proches des mains du blessé. »

D'accord, il ne voulait pas le faire lui-même. Mais Shift s'y attendait, un peu du moins. Comment pouvait-on espérer de ces abominations de la nature qu'elles obéissent simplement et sans rechigner à un ordre qui ne contenait en lui aucune difficulté particulière. Monstres de foire, faudra-t-il toujours un fouet pour vous faire marcher ?

Alors, il attrapa les bras du garçon et les sangla lui-même, peut-être un peu plus serré que nécessaire, mais il ne chercha pas à vérifier si le sang passait encore dans les poignets du jeune homme.

« Tenez-vous bien. » Dit-il en désignant d'un signe de tête les jambes libres du M. Shift espérait que la créature serait assez intelligente pour comprendre seule que donner des coups de pieds dans la table (ou dans le vétérinaire) de rage, celle qui est induite par la douleur, ne serait pas une bonne idée. Surtout quand on considérait la personne qui avait un scalpel en main.

Puis, il fit ce qu'il savait faire de mieux. La seule chose qu'on lui avait vraiment appris à faire, qui plus est, à part peut-être tuer brutalement et sans raison pour le compte des autorités Arnaiths. Evaluer les dégâts, nettoyer les plaies, recoudre, bander. Bref, tout ce qu'il avait appris par coeur, lui le vétérinaire pour créatures mutantes et médecin de fortune quand on n'avait rien d'autre sous la main.

Quand il jugea le travail bien fait et quand il se fut assuré, d'un tâtonnement sur le cou, que son client n'était pas mort, malgré cet air de cadavre qu'il portait depuis qu'il était entré dans le laboratoire, il se leva de la chaise qui avait porté son poids pendant tout le temps de l'opération. Il enleva ses gants et alla les jeter dans la poubelle la plus proche puis il poussa le chariot qui contenait maintenant des instruments rougis dans un coin de la pièce, à l'attention de ceux qui nettoieraient, car il n'allait surement pas le faire lui-même. Il essuya quelques gouttes de sueur sur son front et il dut avoir une illumination soudaine car il retourna voir le patient qu'il n'avait toujours pas détaché.

« Maintenant, levez vous, marchez doucement pour ne pas rouvrir la plaie. On va faire un tour chez les généticiens M, qu'ils récupèrent leurs créatures. » Marmonna-t-il tout à fait Shiftement à l'adresse du M, en lui enlevant ses liens.

Ce n'était pas une bonne idée de le faire marcher avec une plaie refermée depuis à peine 5 minutes. D'ailleurs, le retour à la position verticale ferait surement couler du sang et, pour la peine, il tendît au garçon de quoi contenir ce qui coulerait, si couler cela devait. Le carrelage était assez sâle comme ça.

« Allons ! »

Et il commença à marcher.

[ HJ : Pardon du retard ._. milles excuses ! /HJ ]

Client ? C’est beaucoup dire, Cutter ne va pas payer Shift, il n’en a tout simplement pas les moyens – et puis franchement il voit pas pourquoi il ferait ça. Les M ont beau être craints, ils sont quand même des créations des scientifiques qui ne veulent pas voir mourir leurs beaux sujets. En tous cas, pas de mort violente ; la mort naturelle serait plus intéressante d’un point de vue médical, n’est-ce pas. Le blond ne proteste absolument pas quand le vétérinaire l’attache lui-même, se demande très sérieusement – et de manière assez inopportune faut l’avouer – si Wind Shift serait adepte du bondage… Un rapide et discret examen du spécimen suscité le fait renoncer ; non Shift ne doit pas avoir de vie sexuelle, c’est tout. Ce serait trop dérangeant autrement. Il appuie sa tête en arrière, laissant faire l’homme sans le surveiller. Evidemment qu’il se tiendra tranquille ; vu la force que lui a donné le sérum, il pourrait très facilement arracher les sangles du fauteuil et zigouiller Shift, scalpel ou pas.

Mais Cutter n’est pas comme ça, c’est un mec plus ou moins cool. Il se contente de serrer les dents quand il sent l’aiguille s’enfoncer dans sa peau – bordel, dire qu’ils sont censés être moins réceptifs à la douleur… Tu parles ! Enfin à part un frémissement qu’il ne peut pas contrôler – non, franchement, ça fait trop mal – il ne bouge pas, yeux demi-fermés, tête un peu penchée sur le côté. Il paraîtrait presque prêt à s’endormir là, avec son habituelle expression un peu boudeuse aux lèvres, le visage calme. Il ne commence à bouger que lorsque Shift touche à son cou ; le pouls, sous la peau fine, a une accélération surprise. Cut ouvre alors paresseusement un œil vert clair pour regarder ce que peut bien branler le boucher qui sert de véto ici : il balade son chariot. Magnifique. Il a pas envie de s’énerver et de virer les sangles qui le retiennent – pour tout dire, il se sent carrément nauséeux maintenant, il veut sortir d’ici – et attend sagement qu’on le détache… C’est bientôt chose faite. La légère douleur dans ses poignets est complètement occultée par celle qu’il ressent au ventre. Saloperie de créature, j’vais t’faire bouffer tes oreilles et ta queue en salade, tu vas voir. Mais le voilà déconcentré de ses pensées vengeresses par Shift, qui se sent des envies d’escorte… On lui a jamais dit que les tueurs de vif restent là où ils doivent être, c'est-à-dire dans leurs labos tout pourris ? Il prend la compresse et la plaque contre son ventre alors qu’il revient en position bipède, grimaçant, plus pâle que jamais.

« Non mais ça va aller, je sais où est le labo des généticiens » grommelle-t-il, mâchoires verrouillées par la douleur.

Il se redresse quand même drôlement vite, essuie le sang qui coule sans trop s’y attarder, et abandonne la compresse sur le chariot du vétérinaire. Le mot d’ordre maintenant ? CASSOS ! En trois pas rapides, le voilà devant la porte, dépassant sans trop de manières le vétérinaire, il ouvre le panneau à l’aspect peu engageant et s’exclame.

« Salut ! »

L’échappée sauvage d’un M blessé dans un couloir, ça vaut le détour. Non, je veux dire vraiment. Evidemment, rapport à d’habitude il marche pas bien vite, mais en tous cas il aura fait des efforts pour se tirer d’ici sans le Shift… C’est qu’il a dans l’idée de ne pas rallier le département des généticiens et de rentrer le plus vite possible chez Nergal. Pour aller s’effondrer sur son lit, dans sa chambre – même si c’est chez Nergal – et mourir en paix. Euh, non, commencer sa convalescence veux-je bien sûr dire…