All these things that i've done...

Cette nuit-là, Angelo n’avait rien senti de particulier dans l’air, il n’était plus réceptif depuis longtemps au parfum de la révolte et de la libération. Il avait trouvé un autre moyen de vivre en tant que créature, une voie plus compliquée, plus solitaire, mais il s’en satisfaisait aisément, et s’amusait autant qu’il s’effrayait des dangers encourus, tenant droit sur la ligne ténue du double-jeu et du mensonge.
Il fallait être une vraie créature pour être réceptif à ces envies et élans d’égalité, de liberté et cette volonté de vengeance à l’égard des humains qui les ont asservies. Angelo lui-même ne se considérait plus du tout comme une créature, il n’était ni complètement un humain, ni complètement une créature. Une autre forme de mutation, simplement une tentative de survie intelligente et isolée dans ce Paris devenu fou…
Et le grand Arnaith brun ombrageux qui rentre de mission un peu avant trois heures du matin, se dirigeant directement vers le QG pour rendre un rapport chiffonné et griffonné sur un coin de table est persuadé de la suprématie de l’humain sur les créatures. C’est pour cette raison qu’il s’est engagé chez les Arnaiths – et il sait parfaitement que les autres créatures le tueraient sans pitié si elles savaient ça. Mais ce ne serait que justice vu le nombre de ses semblables qu’il abat au nom des actions Arnaiths, avec de plus en plus de sang-froid. Angelo n’a pas peur d’être un vrai salaud, c’est un rôle qu’il finit par trouver seyant – à défaut d’être valorisant, c’est vrai.

Dès qu’il arrive dans les environs du QG Arnaith, il sent bien qu’il y a quelque chose qui cloche cette nuit-là. Des incendies qui dégueulent par les fenêtres, des hurlements de détresse, des civils qui fuient frénétiquement en créant la confusion la plus totale… Des silhouettes noires, fines et agiles, tuant à coup de griffes qui a le malheur de se trouver sur leur chemin.
Ils n’auraient pas dû.
L’agent extérieur Borgia serre les mâchoires, sentant une vague de colère lui submerger la poitrine. Pauvres cons idéalistes. C’est mignon quand ça vient de Laïna – uniquement parce que c’est elle, d’ailleurs – mais les autres sont tous bons à être égorgés. La grande silhouette sanglée dans son uniforme Arnaith traverse la cour en courant, et saute à l’intérieur du bâtiment par une fenêtre brisée. À l’intérieur, vision d’apocalypse ; tout le système de surveillance de cette partie des locaux a été arraché et détruit. Tant mieux ; ça lui fait un atout supplémentaire dans son jeu.
Et Angelo laisse l’instinct reprendre le dessus, pour une fois. Et il sera d’autant plus violemment exprimé, cet instinct, qu’il est jamais montré, toujours soigneusement bridé et contrôlé. Les griffes de la panthère noire ont fini leur croissance tardivement, il avait environ dix-huit ans quand elles ont terminé de grandir, et elles mesurent bien trente-cinq centimètres, elles sont larges, et très affûtées. Les crocs sont minces, pointus, découverts par une grimace agressive qui n’a plus grand-chose d’humain.
Ils n’auraient pas dû – et je dis ça pour eux.
Le fauve rugit toujours avant d’attaquer, et Angelo n’est pas une exception, il a une voix saturée et râpeuse lorsqu’il gronde agressivement dans les couloirs, annonçant son assaut.

Il fonce souplement dans les couloirs, et se jette de tout son poids sur une créature lynx femelle, crocs plantés dans son visage, arrachant la chair, griffes lacérant le torse. C’est idiot de croire que les panthères tuent naturellement proprement, complètement idiot. La lynx n’est pas morte quand Angelo la laisse derrière lui elle hurle de peur et de douleur, mais il a estimé qu’on ne pouvait pas survivre avec la moitié du visage arraché. Pas avec les moyens de la Thianra.
Ils n’auraient pas dû – je vais les réduire en miettes.
Sa couverture ? La peur de la découverte de sa vraie nature ? Aucune importance. Ne reste que la joie de massacrer, de profiter à fond de l’effet de surprise. Débouler dans les groupes isolés de créatures plus petites que lui, leur sauter dessus, faire gicler le sang et les hurlements à coups de crocs et de griffes.
Évidemment qu’il surprend – le sang ne recouvre pas son uniforme Arnaith, mais ses crocs et ses griffes le rangent automatiquement du côté de la Thianra pour ses adversaires.
Erreur. Grave erreur. Vous crèverez tous de votre connerie et de vos utopies.
Angelo stoppe sa course effrénée quelques minutes, s’appuyant contre un mur pour reprendre son souffle. Ses crocs ne sont plus trop visibles, à moitié cachés par ses lèvres, mais le sang lui barbouille le museau ; un vrai grand fauve parti à la chasse. Ses griffes ensanglantées elles aussi sont sorties, levées, prêtes à attaquer.
Et quand il entend un bruit de pas arrivant face à lui, il ne bouge pas, attendant calmement ce nouvel adversaire, grondant sourdement, le rugissement amplifiant à mesure que l’on s’approche.
Ils n’auraient pas dû.

[Je puis-je? ^^]



Voilà ce à quoi on s'expose en transposant des utopies dans la réalité. Attaquer le QG Arnaith, c'est un fantasme, un idéal, un espoir violent et excitant qui doit vous pousser en avant, et pas se concrétiser. Coup de folie d'un sous-chef en manque de calmants, coup de fureur d'un médecin créature désespéré. Et maintenant...

Maintenant, ils mourraient. Humains, créatures, tous mourraient, enlacés en hurlant, noyés dans les flammes et la haine de l'autre. Du sang, des rugissements, des cris, des pleurs rejaillissaient sur le beau quartier des affaires et drapaient les buildings de rouge, ils enflammaient l'ensemble de Paris et terrassaient par l'absurdité de leur violence.

Algol n'était pas un meneur, ce soir-là. Lui, il ne voulait que trouver Catelyn, que savoir - Opale, où est Opale, qu'as-tu fait d'elle, comment as-tu consummé le seul être qui me donnait de l'importance. Et tout ça simplement parce qu'elle les avait vu ensemble, pauvres Roméo et Juliette qui n'avaient d'autre prétention que de vivre ensemble. Mais elle était adjointe Arnaith, et lui était sous-chef de la Thianra. Plutôt chef d'ailleurs, depuis quelques mois. Naïvement, il avait pensé que Catelyn serait raisonnable, et qu'elle se contenterait de limoger sa seconde, son amie. Elle avait appliqué la loi martiale.

Elle n'aurait pas dû.

Des pleurs, aboiements de souffrance d'une créature qui rampait, ensanglantée, défigurée. Un Arnaith boiteux, armé, attiré par la plainte. Une panthère des neiges qui pénétrait dans l'immeuble par une fenêtre en miettes. Combat inégal qui s'acheva dans une triple atrocité. Un pistolet aboya. La créature blessée s'éteignit. Le jeune humain, fou de terreur et de colère, vomit du sang lorsque les griffes du sous-chef transpercèrent ses entrailles. Petit soldat qui meurt vite, petit soldat qui s'effondre sur un autre petit soldat. Algol seul resta debout, haletant, tachycarde malgré le Valium qu'en bon junkie il n'avait pu s'empêcher de prendre. Non, il n'était pas là en tant que chef. Mais il ne pouvait pas laisser impunie la mort d'une créature qu'il connaissait depuis des années, qu'il avait vue entrer à la Thianra. Anya. Petite fille qui s'appelait Anya.

Halte. Pause dans l'atroce, instant de grâce au milieu des hurlements.

Algol était shooté, chimiquement et émotionnellement parlant, mais pas assez pour ne pas voir l'invraisemblable. Sans égards, il repoussa le corps de l'Arnaith pour dévoiler celui de la femelle lynx. Il comprit dès le premier coup d'oeil, mais c'était tellement illogique qu'il préféra retourner la gamine sur le dos, histoire d'être sûr. A la lueur vacillante des néons, le regard de miel du léopard des neiges vira à l'ambre sale.

Une rixe entre créatures au sein même de la bataille? Pas impossible: les lions mis à part, les fauves ne sont pas très doués pour se battre en équipe. Mais l'odeur de l'agresseur flottait encore sur le cadavre de celle dont il avait provoqué la mort, et cette puissante signature de mâle était salie par celles de la poudre. Une créature assez habile pour se servir d'une arme? Encore une fois, pas impossible.

Sauf que la Thianra avait horreur des armes, symboles de l'oppresseur.

Et que Algol était d'humeur à penser au pire.

Le léopard se releva et flaira pensivement l'air du couloir, attentif à cette piste qui l'avait détourné d'une obsession qu'il pensait inaltérable. Fraîche, tout fraîche. Alors le félin s'élança à la suite du mystérieux fantôme, griffes sorties, visage figé, mortel courant d'air en gilet et pantalon noirs sur chemise anthracite.

Il perdit l'odeur, tourna en rond, la retrouva. Sur le chemin, il tua un Arnaith et en acheva un autre, avec une sorte de nonchalance qui tira une larme à ce qui en lui s'était juré de briser cet infernal cercle de violence. Mais on lui avait pris Opale.

Ils n'auraient pa dû.

Et soudain il l'entendit. Le grondement sourd d'un fauve ivre de sang. Le râclement rauque d'une panthère. Sans même avoir besoin d'y songer, le sous-chef passa du galop au pas, ses lèvres s'étirèrent sur ses crocs. L'ambre de ses iris, assombri par la consternation, en redevenait brûlant. Echine légèrement voûtée, pieds décalés, il répliqua d'un bref feulement de mise en garde à cet inconnu qui le menaçait, qui le défiait. Ce fut avec cette attitude qu'il contourna l'angle du couloir.

Et qu'il découvrit la suprême insulte qu'était un uniforme Arnaith sur le dos d'un hybride.

Noah aurait chargé instantanément. Algol, et ce malgré sa santé mentale de plus en plus dégradée, était encore assez fidèle à lui-même pour s'immobiliser, en garde derrière la mortelle barrière de ses griffes maculées. Bref incertitude (peut-être une créature infiltrée), vite balayée par l'odeur du sang de lynx. Non, cet être n'était pas de son côté. C'était rageant, et d'une certaine manière blessant, mais cet impressionnant guerrier n'était pas pour la Thianra.

Incompréhension. Tristesse. Fureur.

Algol était de plus petit gabarit, il ne chercha donc pas à engager le combat. Mais il ne fit rien pour retenir le dégoût qui voulait s'afficher sur son visage.

Angelo secoue la tête, dérangé par la saveur puissante du sang sur sa langue, et par la sensation poisseuse et collante qu’il laisse en séchant sur son visage. Il tue avec ses crocs et ses griffes ce soir, parce que l’occasion est rêvée et que ce sont des armes redoutables, mais il préfère de loin les flingues, qui sont une manière tellement plus propre de tuer… Il a peut-être sorti sa panoplie de la créature presque parfaite ce soir-là, mais il est déjà bien trop humanisé pour ressentir l’excitation de la chasse menée en tant que fauve. Il se lèche les lèvres rapidement, avale une gorgée rougeâtre sans l’apprécier et gronde un peu plus fort en entendant un feulement s’élever de derrière le coude du couloir devant lequel il s’est arrêté. En sort la silhouette fine d’une créature, qu’Angelo identifie rapidement comme étant le sous-chef de la Thianra. Il découvre les crocs dans une grimace agressive, et lance un rugissement contre cet adversaire en levant ses longues griffes devant lui, agressivement.
Ses pensées sont quelque peu passées en mode automatique, et il n’enregistre que l’identité de la panthère, et son air méprisant. Un ricanement sec se mêle au grondement de fauve de l’Arnaith :

« C’est ça, méprise-moi… Tant que tu me crains. »

Nouveau rugissement, plus puissant que le premier. Il essaie d’impressionner Algol, parce qu’en réalité, il sait très bien que ce combat ne sera pas aussi facile que les premiers. Il n’y a aucun équivalent du duel dans la technique d’attaque de la panthère, elle préfère tomber sur sa proie quand elle s’y attend le moins, et l’achever rapidement d’un coup de crocs dans la nuque. En plus là, il ne peut pas profiter de l’effet de surprise qui lui a été si précieux auparavant… Ses armes de service sont à leur place, mais vidées de toutes munitions donc impossible de compter dessus.
Et si Angelo a la taille d’un mâle dominant, si ses griffes et ses crocs sont impressionnants, il n’en est pas moins très peu habitué à se battre avec, et l’instinct ne peut pas compenser le manque d’entraînement. Pour la panthère noire, il ne fait aucun doute qu’Algol est beaucoup plus aguerri que lui à la baston avec des attributs félins, et s’il devait parier sur l’un des deux, ce serait peut-être pas sur lui-même qu’il miserait.
Hors de question que je perde du temps avec lui.
Ils sont trop exposés dans ce couloir, et des Arnaiths voire des Arnaiths M ont sûrement commencé à patrouiller dans les bâtiments. Angelo pense encore un peu à sauver sa couverture, sa fausse nature d’être humain, et il lance sur Algol un regard furieux.
Ne te fous pas sur mon chemin, toi.

En un bond rapide, il saute sur le sous-chef, et les griffes claquent quand elles se rencontrent, celles d’Algol glissant jusqu’à la main droite d’Angelo en y laissant une entaille profonde. La panthère noire arrive à atteindre le cou de l’autre de ses dents, et y laisse une marque de crocs blanchâtre, qui ne va pas tarder à saigner.
Angelo a mis tout son poids dans l’assaut, forçant le sous-chef à reculer de quelques pas. C’est lui qui rompt le premier l’engagement, reculant d’un autre bond, secouant sa main blessée et douloureuse, dont le sang coule le long des grandes griffes. Ils sont maintenant passés dans le coin du couloir dont vient Algol, et Angelo n’est pas tout à fait attentif aux faits et gestes de son adversaire, surveillant les bruits de pas – des fois que des Arnaiths se ramèneraient…

HJ : Damn, je suis très mauvais en description de combat xD ! S’il y a quoi que ce soit qui te déplaît, ma boîte à mp t’ouvre grand ses petites pattes, et j’éditerais ^^. /HJ