Interrogatoire?

Lorsqu'Algol ouvrit la porte de la salle, les gonds rouillés se mirent à gémir avec tant de force que le félin dut serrer les crocs: ce n'était pas toujours un avantage d'avoir une ouïe spérieure à celle des humains. Il passa la main sur le mur jusqu'à sentir l'interrupteur sous ses doigts. La lumière tremblante d'un spot à basse tension tomba sur la table qui occupait le centre de la pièce, ainsi que sur les deux chaises qui l'entouraient. Les trois meubles étaient fixés au sol pour ne pas pouvoir faire office d'armes. A ce sujet, la salle brillait par l'absence des instruments de torture qu'on était en droit d'y attendre. Une absence bien fictive: les intruments en question étaient déjà greffés dans les avant-bras de celui qui menait l'interrogatoire...

Le sous-chef s'effaça avec légèreté pour laisser entrer Opale, puis il ressortit deux secondes pour suspendre le fouet à l'un des crochets du couloir: il n'était pas assez fou pour s'enfermer avec l'Arnaith tout en lui laissant son arme à portée de main. Algol revint dans la salle et claqua la porte derrière-lui, le plus vite possible pour ne pas trop la faire grincer. Ses doigts de pianiste se refermèrent sur la clé et la firent tourner dans les quatre serrures successives avant d'aller la dissimuler dans une poche intérieure de son gilet.

"Bien... Si tu pouvais avoir l'obligeance de poser tes mains sur le mur et d'écarter les jambes: je ne tiens pas à me faire poignarder par un petit quelque chose que tu aurais oublié de me signaler."

Il ne fit pas un geste pour forcer Opale à se soumettre à la fouille: pour l'instant, le duel ne se jouait pas sur le plan de la force. Algol se contenta d'attendre que l'humaine voulût bien obtempérer. Le seul signe qui trahit sa légère nervosité fut la manière dont il rajusta son foulard par-dessus son collier, un tic facile à repérer pour quiconque le connaissait un tant soit peu.

Un sourire en coin apparu sur les levres d'Opale et un soupir se fit entendre lorsqu'elle appuya ses deux mains contre le mur et qu'elle ecarta legerement les jambes. De toute façon, elle n'avait aucune arme si ce n'est le fouet suspendu dans le couloir attendant sagement sa propriétaire, a supposer qu'il en ai encore une dans les heures a suivre. La pièce était denuée de tout caractère: Austere, froide, grise...Tel un matin d'hiver. Opale bougeait nerveusement l'une de ses jambes, elle commençait a s'inquieter a propos du sort que le sous chef lui reservait. Mais ce qu'il inquietait le plus était l'absence d'instrument de torture. Elle tourna la tete et son regard de posa sur les quatres serrures, cela allait etre dur de s'enfuir surtout que c'était Algol qui avait la clé, bien dissimulée dans sa veste.

"Si tu cherches une arme Algol, j'ai le regret de t'annoncer que la seule que je possede est accrochée dans le couloir..."

Elle se demandais si le jeune homme allait la croire. De toute façon, elle s'en fichait, elle n'avais rien cacher.

"Ah si ! J'ai des chewing gums dans la poche..."

Opale s'empara d'une petite boite bleue et le jeta par dessus son épaule. La boite de sucrerie dont raffolait la jeune femme retomba sur la table avant de glisser sur la surface lisse de celle ci et de s'échouer sur le sol.

"Je te les donne...On sait jamais...Des fois que j'ai envie de t'etouffer en te les faisant avaler de force..."

Un léger sourire passa sur les lèvres d'Algol lorsqu'Opale envoya valser sa boîte de chewing-gum:

"Ton cadeau me touche beaucoup, mais je risque de ne pas pouvoir en profiter: c'est un peu trop compliqué de mastiquer quelque chose en continu lorsque tu as des crocs, tu finis immanquablement par t'entailler la langue. Oh, et pour les armes, tu m'excuseras de ne pas te croire sur parole."

Mais pour une fois, Algol avait tort. Lorsqu'il se faufila derrière Opale pour passer rapidement ses mains le long de son corps, il ne décela aucune présence de pistolet ou de coutelas, pas même au niveau des chevilles, là où tous ces Arnaiths de malheur prenaient un malin plaisir à dissimuler des shurikens ou des couteaux à cran d'arrêt. Le félin fit un pas en arrière. Il avait à peine effleuré Opale, ne s'attardant jamais plus que nécessaire. Plus ou moins inconsciemment, il était toujours mal à l'aise avec les femmes humaines. Du moins, lorsqu'il ne s'agissait pas de les affronter dans un combat à mains nues.

"Assieds-toi."

Cette fois il n'attendit pas le bon vouloir d'Opale et l'attrapa par le bras pour l'obliger à s'asseoir sur l'une des deux chaises. Il fit assez vite pour parer à toute tentative de riposte de la part de la jeune femme, et aussitôt après l'avoir relachée, il s'écarta de la lumière pour s'appuyer contre le mur opposé à l'entrée. Il avait ramassé les chewing-gum au passage. Telles celles d'un chat, ses rétines amplifiaient la lumière et donnaient l'impression que ses yeux couleur d'ambre étaient éclairés de l'intérieur. Algol demanda alors avec un calme troublant:

"Et si nous parlions un peu, tout les deux? Pas des locaux arnaiths. Ce qui m'intéresse pour l'instant, c'est toi. Je ne te cacherai pas que tu es la première personne que je croise à vouloir spontanément me réduire en esclavage, sans même savoir qui je suis et comment je fonctionne... Pourquoi? Qu'est-ce que c'était que cette manière de me regarder quand nous étions dans la cage?"

Algol avait empoigner son bras bléssé et avait, par consequent, réanimer la douleur qui s'était peu a peu tari depuis son altercation avec Noah dans la caserne. Elle appuya ses coudes contre la table, joignit ses mains et regarda Algol. Elle prit un malin plaisir a la regarder de la meme manière que dans la cage.

"Vois tu Algol...Vous autres, créatures, avez un certain don pour meler chez moi fascination et haine...Fascination parce que j'aimerais bien comprendre comment vous fonctionnez et haine...."

Elle repenssa alors a la haine qu'elle avait ressenti lorsqu'elle s'était pencher sur le berceau de son jeune frere, petit bébé aux pupilles fendues, enfant qui avait tuer sa mère. Son regard se perdit un instant pour revenir se poser sur Algol.

"Et puis pour tout t'avouer, ton costume creme serait en parfait harmonie avec l'interieur de mon salon !"

D'un signe de tete, Opale lui designa ses vetements. Un sourire moqueur se dessina sur ses levres alors qu'elle le fixait toujours.

Algol épousseta négligemment le revers de son gilet. Ils étaient très biens, ses vêtements.

"Je te remercie d'être si sensible à ma nature hautement décorative, mais je t'avertis tout de suite, j'aime également beaucoup la version noire. Les taches de sang s'y voient moins."

Son sourire narquois fit écho à celui de l'Arnaith, les crocs en plus.

"Haîne pour quoi, Opale? Ou plutôt pour qui?"

Il attendit que sa rectification fît son chemin dans le cerveau de la jeune femme avant de préciser:

"Vous autres Arnaiths êtes quand même surprenants: combien d'entre vous ai-je rencontré qui détestaient toutes les créature parce qu'une seule ou un petit groupe d'entre elles leur avaient fait du tort? Pour toi aussi c'est le cas, n'est-ce pas? Voilà quelque chose qui me laisse sceptique: je ne pensais pas qu'il était si facile d'étendre sa haîne pour un être particulier à une population globale."

Le sourire d'Opale disparu. Algol avait vu juste: Elle avait entendu sa haine pour son jeune frere sur tout ses semblables. Ses grands yeux noirs se detournerent de ceux ambrés de la créature.

"Pour qui ? Ca te regarde pas !"

Reprenant de l'assurance, elle fixa Algol, son eternel sourire arrogant aux levres.

"Mais pourquoi tu veut savoir tout ça sur moi ? Hein pourquoi ? Peut etre parce que toi aussi tu aimerais biens avoir comment nous autres humains fonctionnons !"

Opale n'était pas tellement en position de poser des questions mais au moins, la créature ne l'avais pas attaché, c'était déjà un point positif. Finalement sa captivité relevait plus de l'interrogatoire que de la torture.

"Et pourquoi est-ce que tu m'as emmener a l'hopital ? Tu ne pas toujours pas repondu a ce sujet..."

La jeune femme avait baisser la voix. Surement de peur que d'autre créatures ne les entende. Algol ne leur avait sans doute pas piper mot sur ce leger detail et elle non plus, preferait que cela ne se sache pas.

Algol laissa sans broncher Opale perdre un bref instant son air railleur. Il n'essaya pas d'insister, sans compter que l'Arnaith reprit pied passablement vite:

"Mais pourquoi tu veut savoir tout ça sur moi ? Hein pourquoi ? Peut etre parce que toi aussi tu aimerais bien avoir comment nous autres humains fonctionnons !"

L'air pensif, le sous-chef laissa lentement ses armes naturelles émerger de sa main gauche. Il les porta à son visage tout en observant Opale entre les barreaux de corne que formaient ses griffes:

"Ce ne sont pas les humains qui m'intéressent, c'est toi. C'est à toi que je parle, j'attends des réponses sur toi, ni plus, ni moins. Quant à cette histoire d'hôpital..."

Algol se détacha du mur et vint poser sa main non armée sur la table, tandis que de l'autre il ramenait ses griffes à une dizaine de centimètres de la gorge d'Opale. Les railleries ne devaient pas faire oublier à la jeune femme que sa situation n'avait rien d'une plaisanterie. Le félin parla dans cette optique, d'une voix si douce et calme qu'elle en devenait étrangement menaçante:

"C'est moi qui pose les questions. Ne considère pas que je t'ai sauvée, dis-toi plutôt que je ne t'ai pas tuée. Et tu peux me croire, les trop nombreuses manipulations génétiques dont je suis issu m'ont rendu bien assez cinglé pour changer d'avis sur un coup de tête. Je répète donc ma question: à cause de qui es-tu devenue Arnaith?"

Opale regardait les griffes d'Algol avant de fermer les yeux. Elle ne l'avais jamais dit a personne a cause de qui elle était devenue Arnaith. Elle serra les poings et se releva, faisant face a Algol.

"A cause de mon frere ! Ca te va comme reponse !"

Opale s'était mise a hurler. Ce sous chef l'avais mise sur les nerfs. Reprenant son calme, elle poursuivit.

"Si tu veut vraiment tout savoir: Mon père est mort d'un accident de voiture et ma mère a retrouver un petit ami. Elle est tomber enceinte et son bébé, mon petit frere, a subi des experiences visant a le faire devenir une créature. Ma mère est morte en le mettant au monde !"

Dans les yeux de la jeune femme une lueur haineuse vint naitre alors qu'elle fixait Algol. Il lui avait fait repensser a toute cette histoire.

"T'es content maintenant ?!?"

Opale se remit assise sur sa chaise, fixant la table. Elle ne le regardait plus, elle était silencieuse. La colère avait fait rougir ses joues.

Algol ne bougea presque pas lorsqu'Opale bondit sur ses pieds, mais un observateur attentif aurait pu remarquer une crispation dans les muscles de son bras droit, une tension qui trahissait les griffes prêtes à jaillir à la moindre impulsion nerveuse pour taillader la chair humaine. Sans compter le poing gauche de la créature qui s'était instinctivement resserré sur ses griffes déjà sorties.

"Assieds-toi."

Le sous-chef avait conservé son ton calme, sans y laisser transparaître la légère admiration qu'il avait pour la jeune femme: malgré les griffes assez proches d'elle pour lui ouvrir la gorge à tout instant, elle se permettait de hurler sa haine à la face de celui qui était en train de la pousser à bout. Algol trouva cela appréciable, d'autant plus que les explications de la jeune femme rejoignaient ce qu'il avait déjà vaguement pressenti au cirque... Lorsque l'Arnaith se laissa retomber sur sa chaise, il fit un pas en arrière en guise de contrepartie.

"T'es content maintenant ?!?"

"Content est peut-être un terme excessif. Disons que tu confirmes ce que je pensais. Ca ne t'a jamais traversé l'esprit que ton petit frère n'était pas responsable de la mort de ta mère? Et puis, même si cela avait été le cas... crois-tu vraiment que ça se serait passé différemment s'il avait été humain? Crois-tu vraiment que ça a un lien avec sa nature si ta mère est morte en lui donnant la vie?"

Algol revint poser ses mains sur la table, mais en rentrant les griffes. Risqué, quand on voyait l'état de rage haineuse dans lequel s'installait Opale, mais comme le félin l'avait dit quelques secondes plus tôt, il n'était pas spécialement sain d'esprit.

"Qui t'a mis ça dans le crâne au point de te faire rejoindre les Arnaiths? Pas toi-même, j'espère?"

Opale posa son front sur la surface lisse de la table, entourant son crane avec ses bras. Elle ferma les yeux, Algol savait comment la pousser a bout et elle ne marchait pas, elle courait. L'Arnaith resta silencieuse encore de longue minutes avant de relever la tete, ses yeux étaient gonflés et rougit. La haine qui transparaissait dans son regard était encore bien presente, la consummant de l'interieur comme elle le faisait depuis 6 longues années.

"Oui, ca aurait été autrement....Mon petit frere serait un humain, j'aurais encore une famille !"

La jeune femme avait parler d'une voix sifflante comme si elle repprochait a l'enfant, sa nature hybride, bien qu'il n'y soit pour rien. Ses yeux rougit par la tristesse et animés d'une haine qui ne semblait pas avoir de bornes, fixaient ceux ambrés et presque inexpressifs d'Algol.

"Je peut te poser une question..."

Sans meme attendre l'approbation de la créature, Opale enchaina.

"Pourquoi est-ce que tu veut savoir tout ça sur moi ? Je t'interesse tant que ça ?"

Le sous-chef resta un instant songeur en entendant la justification d'Opale. Si elle considérait son petit frère comme ne faisant pas partie de sa famille parce que c'était une créature, alors cela impliquait une haine encore plus viscérale que ce que Algol avait pensé. Il avait espéré que l'aversion que la jeune femme éprouvait pour les créatures trouverait sa source dans un raisonnement logique que le léopard des neiges aurait pu démonter, mais cela s'annonçait bien plus complexe.

"Pourquoi est-ce que tu veux savoir tout ça sur moi ? Je t'intéresse tant que ça ?"

Algol cligna des yeux, comme pour être certain d'émerger de ses pensées pour regarder correctement Opale. Elle paraissait au bord des larmes, que ce fût à cause de la tristesse ou de la rage le félin n'aurait su le dire. Et pourtant elle le fixait toujours avec cet air déterminé, avec cette étincelle au fond du regard qui trahissait son inébranlable motivation. Comme si au plus profond d'elle-même, elle était convaincue qu'un jour ou l'autre ce serait elle qui se retrouverait du bon côté des barreaux de la cage, et son adversaire du mauvais.

"Je te l'ai dit: oui, tu m'intéresses. Depuis notre première rencontre au cirque je m'intéresse à toi."

Tout en affrontant le regard brûlant de la jeune femme, il accepta de détailler davantage sa réponse: ce n'était pas gratuit, et il comptait bien l'utiliser pour pousser un peu plus loin sa petite enquête. Presque sur le ton de la confidence, il poursuivit:

"A la fin de notre petite altercation, lorsque nous étions tous les deux "coincés" dans cette cage, j'ai fait allusion au fait que tu n'aurais pas hésité à me tuer, tu te rappelles? Et quel mot as-tu employé pour me rectifier? "Je voulais t'apprivoiser." Pas enfermer, pas domestiquer. Apprivoiser. Je suis peut-être naïf, mais selon moi, quelqu'un qui a perdu tellement de sang qu'il est au bord de l'évanouissement ne choisit pas ses mots de manière consciente. Si tu haïssais vraiment les créatures autant que tu le dis, tu aurais employé un mot plus violent, plus prétentieux. Et puis, j'ai récemment appris une anecdote intéressante à ton sujet, quand j'ai discuté avec un certain Elouan, un tigre à moitié illettré qui doit t'être vaguement familier..."

Il se redressa pour s'asseoir sur le bord de la table, bras croisés, ses yeux aux pupilles oblongues toujours plantés dans ceux d'Opale.

"J'insiste parce qu'à mon avis, tu fais erreur en restant du côté des Arnaiths. Que tu le veuilles ou non, quelque part dans ton inconscient, tu as de l'affection pour les créatures, et c'est cette affection qui te fait peur et te pousses à être si mauvaise à leur égard. Je trouve ça dommage."

Ses paumes vinrent à nouveau se poser sur la table et il se pencha vers l'humaine.

"Est-ce que je me trompe, Opale? Est-ce que tu serais capable de me dire, en me regardant droit dans les yeux, que je me trompe?"

Opale commençait s'enerver. Elle se leva et plaqua ses mains sur la table en faisant un bruit horrible qui resonna dans la salle. Peu importe ce qui pourrait resulter de son arrogance face a Algol, elle n'avait rien a perdre...

"Non c'est vrai, je ne vous deteste pas, je ne te veut aucun mal a toi, ni a Elouan, ni a aucun autre de la Thianra...Celui que je veut voir mourir d'entre mes mains c'est mon frere...Il m'as enlever ma seule famille ! Il m'as prit ma mère !"

Elle serra les poings, empechant les larmes de couler le long de ses joues. Larmes de haine, de tristesse...Opale ne voulait pas pleurer, pas devant Algol, sa serait lui faire trop de plaisir. Il lui faisait subir une vraie torture morale en la forcant a parler de son passer. Ses grands yeux sombres, a present humide de larmes, fixaient toujours ceux de la créature.

"Ca va t'avancer a quoi de savoir tout ça ?!? Hein ? A QUOI ??"

La jeune femme s'était mise a hurler avant de retomber sur sa chaise. D'ailleurs si celle ci n'avait pas été vissée dans le sol, elle serais tomber sur le sol. Elle ferma les yeux et prit une grande inspiration. Une larme..Puis deux...Puis un flot de gouttellettes salées vinrent innondés ses joues. Algol l'avais fait pleurer, il avait reussi a la pousser a bout.

Etrangement, Algol ne ressentit pas la satisfaction attendue en voyant Opale craquer. Sa première impulsion fut même de porter la main à sa poche pour y saisir son mouchoir, et il ne se retint que de justesse. En un sens, cela aurait été encore pire d'avoir amené la jeune femme jusque là pour ensuite faire preuve de compassion - compassion qui aurait eu toutes les apparences du mépris.

Le félin resta assis sur la table, longtemps sans dire un mot. Elle avait dit qu'elle ne lui voulait pas de mal, mais après cet entretien douloureux il n'en était plus si sûr. Il refusait de se demander ce qu'il aurait éprouvé à la place d'Opale, si on l'avait forcé à parler du meurtre d'Ophélie... Il chassa cette pensée de son esprit et dit d'un air imperturbable:

"A quoi ça m'avance, ce n'est pas la question. Ce qui est intéressant c'est de savoir à quoi ça t'avance, toi. Toute cette haîne, toute cette énergie gâchée pour quelqu'un que tu n'as vu qu'une seule fois dans ta vie et qui ne doit même pas se souvenir de toi... Qu'est-ce qu'ils ont bien pu te raconter chez les Arnaiths pour te faire signer? Qu'à force de tuer des créatures tu finirais bien par tomber sur ton frère? Que puisque c'était une créature, tu n'avais pas le droit de considérer qu'il n'était pour rien dans la mort de ta mère, encore moins le droit de l'aimer?"

Il baissa d'un ton pour ajouter:

"Est-ce que tu es consciente que tu es en train de ruiner ta vie pour cette créature que tu ne connais même pas?"

Les mains de la jeune femme tremblaient, et Algol eut la désagréable impression que c'était à cause du désir qu'elles avaient de se refermer sur sa gorge.

Opale enserra ses mains autour de sa tete, comme si elle était une folle enfermée dans un asile. Elle leva les yeux et regarda Algol. La douleur avait prit la place de la haine et ses joues étaient toujours innondées de larmes. Elle se rapellais de son entretiens avec le "recruteur" Arnaith. C'était un homme gros dont le crane souffrait d'une calvicie naissante. Quand il lui avait demander pourquoi elle voulait entrer chez les Arnaiths, Opale était rester très vague sur le sujet. Ses yeux embués fixaient toujours les pupilles verticales d'Algol.

"Aimer ? A tu seulement une vague idée de se que j'ai pu ressentir en voyant ma mère morte et mon frere, vivant mais pas humain ?"

La jeune femme essuya ses larmes mais plus elle le faisait plus elles coulaient. Où était il son frere ? Mort ? Reduit en esclavage ? Arpentant les couloirs de la Thianra a quelques metres seulement d'elle ? Ses yeux n'avait pas lacher Algol, son tortionnaire. Plus elle le regardait, plus elle avait envie de lui faire payer son interrogatoire mais au fond, cela lui faisait du bien de faire sortir cette peine trop longtemps enfouie.

"Algol...Sais tu que tu es le seul a Paris a etre au courant de mon passer ?"

"Aimer ? As-tu seulement une vague idée de ce que j'ai pu ressentir en voyant ma mère morte et mon frere, vivant mais pas humain ?"

Algol ne détourna pas les yeux de ceux venimeux d'Opale et répondit du tac au tac:

"Non, je n'ai pas cette prétention. Et pour tout t'avouer, je n'arrive pas non plus à comprendre ce qui associe dans ton cerveau le fait que ta mère soit morte et celui que ton frère soit une créature. En quoi est-il moins de ta famille parce qu'il n'est pas humain? En quoi est-il plus responsable? C'est donc si compliqué de considérer une créature comme l'égal d'un humain?!"

La jeune femme resta un instant silencieuse, tentant en vain de retenir ses larmes. Ses yeux brûlaient littéralement de colère et de douleur, au point qu'Algol commençait à devoir se forcer pour les soutenir sans broncher. L'Arnaith répondit alors quelque chose que le félin n'avait pas du tout prévu:

"Algol...Sais tu que tu es le seul à Paris à être au courant de mon passé ?"

L'interpellé fronça légèrement les sourcils, mais tout compte fait il n'était pas si étonné de cette révélation.

"Tu ne vas tout de même pas me dire que les Arnaiths t'ont enrôlée sans même que tu leur aies raconté tout ça?"

Il se trouva idiot au moment même où il prononçait ces mots.

*Pourquoi est-ce que tu crois qu'elle a tellement de peine à en parler, abrutit? Ca fait des années qu'elle se retient.*

Vu sous cet angle, non seulement elle lui ressemblait, mais en plus le sous-chef était presque en train de lui rendre service... Algol retint un sourire ironique: absurde. Quelqu'un qu'on aide ne vous regarde pas avec des yeux pareils.

Peu a peu, les larmes d'Opale commencaient enfin a arreter de couler. Ses yeux ne lachaient pas ceux d'Algol.

"Je vous considerait comme humain avant..."

Cette phrase ou plutot cet aveu, était en parfait contradiction avec ses agissements. Bien qu'elle n'ai pas tuer de creatures, la jeune femme les blessaient, usant sans remords de son fouet. Algol en avait fait les fraits, bien qu'Opale ait sous estimer la force de la créature ce jour là, au cirque...Son regard se posa un instant sur la table lisse et elle y vit son reflet. Et quel reflet ? Celui d'une jeune femme d'une vingtaine d'année, les yeux rouges, les joues encore innondées de larmes...Elle releva a tete, regardant Algol.

"Les Arnaiths m'ont bien entendu demander pourquoi je voulais me rallier a leur cause. Et je leur ai tout simplement repondu qu'une créature avait tué ma mère...Et ca a suffit !"

Mais où est-ce que tout ça l'avait mener ? Passer sa vie a traquer une créature qui n'était peut etre plus a Paris.

Combien de temps Algol resta-t-il silencieux? Certainement plusieurs minutes. C'était difficile à dire tant le temps dans cette salle paraissait se détacher de celui du dehors, tant on s'y sentait sous terre, oppressé de toutes parts. Le sous-chef regardait Opale de ses yeux ambrés dans lesquel un soupçon d'émotion transparaissait enfin, tellement subtil et ténu qu'il était impossible de déterminer quel sentiment habitait le félin.

Sans ouvrir la bouche, il finit par se lever de la table et passa d'un pas tranquille dans le dos de l'Arnaith pour aller s'appuyer contre le mur, près de la porte. Là, il s'accorda encore de longues secondes de réflexion avant de finalement sortir la clé de son gilet et d'ouvrir les quatre serrures d'une main experte. Il poussa le battant à l'extrême en tentant d'ignorer les grincements, puis sortit pour se saisir du fouet et tirer sur le crochet auquel était suspendue l'arme. Un pan du mur pivota aussitôt, dévoilant un couloir sombre qui montait en pente raide.

"Fiche le camp."

Algol laissa le temps à Opale de comprendre ces mots, puis il précisa:

"Cette issue sera condamnée dès que tu seras sortie, inutile d'essayer de revenir par-là. Je ne veux plus jamais te voir près des locaux de la Thianra, compris?"

Surprise, Opale se leva et s'approcha de la sortie maintenant dévoilée. Son regard se planta dans celui de la créature et un sourire vint naitre sur ses levres. Mais pas un sourire arrogant, ni meme moqueur...Un vrai sourire.

"Merci Algol...Je te le laisse, je ne pense pas en avoir besoin..."

Elle designa son fouet d'un signe de tete. Lui tournant le dos, elle s'engagea dans le couloir pentu. Une fois eut elle passer le pan de mur celui ci se referma. Le passage fut alors plongé dans la penombre. Opale arpentait le couloir tant bien que mal, deboussolée par l'entrevue qu'elle venait d'avoir avec le sous chef de la Thianra. Après quelques longues minutes de marche, Opale vit enfin de la lueur. Donnant un violent coup de pied dans une grille, la jeune femme sorti du passage. Elle se retrouva dans une ruelle. Elle se retourna afin de remettre la grille en place. Après un soupir, elle sorti de la ruelle.

Algol referma le passage d'un geste sec. Qu'est-ce qui lui prenait de réagir de la sorte? Il aurait dû la tuer, ne jamais la laisser ressortir de la Thianra. Bien sûr qu'elle ne savait rien sur eux, et bien entendu que Noah avait dû la faire venir par des chemins détournés pour l'empêcher de retrouver l'entrée. Mais tout de même...

"Ne me dis pas que son histoire t'a touché, quand même..."

Seul dans la salle noire, le félin s'autorisa un ricanement. Il était pathétique: quel sous-chef se laisserait émouvoir par les états d'âme d'une ennemie? Puis le rire d'Algol s'éteignit et il verrouilla le passage qu'avait emprunté Opale. Il baissa les yeux sur le fouet qu'il tenait toujours du bout des doigts. Après tout, il n'avait peut-être pas eu totalement tort de la relâcher. La jeune femme avait compris quelque chose en discutant avec lui, un détail s'était débloqué dans son esprit. Elle avait commencé à douter.

Un sourire rêveur vint se dessiner sur les lèvres d'Algol: il parvenait à se destabiliser lui-même, alors c'était presque une seconde nature chez lui de troubler les autres. Cet interrogatoire ne s'était pas révélé inutile, finalement. Il s'était presque fait un semblant d'alliée. Le sous-chef utilisa alors les griffes de sa main droite et trancha vivement le fouet en trois, puis encore en trois, le rendant totalement inutilisable. Il laissa les morceaux de lanière tomber au sol avant d'éteindre la lumière de la salle noire. Une étincelle de satisfaction s'était nichée au fond de ses yeux de miel.


[fin topic ^^]