Quels secrets cette maison pouvait bien receler, lieu où la poussière s'étalait, voile de brume ternissant l'éclat des objets présents? Quelle était donc la vie de sa maîtresse pour délaisser ainsi ce qui aurait dû être son cocon, le lieu où elle aurait dû trouver refuge? Cet aspect donnait à l'endroit un air de mystère, habitation abandonnée, où peut-être de terribles drames s'étaient déroulés. Examinant ce qui s'offrait à sa vue, elle obéit à l'injonction de sa maîtresse, découvrant les lieux avec une curiosité dévorante. Les apparences sont trompeuses, et peut-être le pavillon n'était-il pas simplement le logement modeste et apparemment sans intérêt qu'il laissait croire à première vue.
Luline espérait de plus que la maison lui en apprendrait plus sur sa propriétaire, autour duquel le mystère restait entier. Et à première vue la jeune femme ne semblait pas vouloir faire connaissance plus que cela. Or la créature était d'autant plus curieuse que l'adjointe Arnaith cherchait à ne pas se dévoiler. Et elle était bien décidée à résoudre ce qui apparaissait comme une enquête où elle incarnait Sherlock Holmes et Opale une intrigue à résoudre... si tant est que n'importe quel être puisse être réellement connu, ne serait-ce que de lui-même.
A vrai dire, aurait-elle jamais imaginé tuer son père puis se délecter de son cadavre, le sang juteux et délicieux glissant dans sa bouche, le long de sa gorge tandis qu'elle se faisait un devoir de mâcher conscieusement la viande, justement comme il lui avait appris, pointilleux sur l'étiquette et les bonnes manières. Elle le voyait encore lui répétant "Arrête d'engloutir la nourriture comme un fauve affamé! Il faut mâcher Luline, sinon tu vas t'étouffer..." T'inquiète qu'elle s'était pas étouffé avec sa chair, oh non... elle l'avait bien dégusté, elle l'avait longuement broyé entre ses canines pointues, en faisant ressortir le maximum de saveur. Oh oui, elle l'avait bien déchiqueté, l'hémoglobine giclant à chacune de ses bouchées avides.
Mais elle devrait faire attention, elle n'avait pas affaire à un homme d'affaire croyant punir une jouvencelle fautive et innocente, incapable de la moindre violence... Elle avait là une femme qui avait vu maints combats contre des gens de son espèce, habituée à s battre et qui savait à quoi s'en tenir au sujet des griffes cachées sous la peau de la Petite Fée. Elle devrait se contrôler, elle doutait que ses lubies fussent acceptées ici. Répondant poliment à la question posée, elle tentait d'être la plus courtoise possible.
"J'aimerais bien poser mes affaires pour pouvoir visiter plus agréablement votre demeure.. si cela ne vous dérange pas."
Attendant respectueusement que sa maîtresse prenne en main la suite des opérations, elle affichait une attitude galante sans toutefois se révéler humble ou soumise. Car en fait elle ne se considérait pas comme l'esclave ou la chose d'Opale. La Petite Fée se savait liée à cette dame mais quelle serait la nature de ce lien, cela il lui aurait été impossible de le prédire.