La Grande Dame de Fer

L'arrogance de la créature fit rire Catelyn.

Pour qui me prends-tu? Ce n'est pas dans mes habitudes de m'en prendre aux gens honnêtes.

Elle avait appuyé sur ce dernier mot. Que la créature pense qu'elle pouvait mêler la jeune femme à tout cela ou même lui faire du mal, la blessa. Elle n'était pas stupide ni dénuée de bon sens... et elle n'avait nulle haine pour la douce jeune femme à leurs côtés, qui manifestement ne comprenait pas tout l'enjeu de cette rencontre..

Et sache que mon irritation est principalement due à ton comportement insoumis et arrogant. Un comportement inacceptable pour quelqu'un comme toi.

Son ton était dangereusement bas, mais toujours très calme. Elle avait très envie de lui faire mater de son fouet, mais n'esquissa pas un geste. Elle n'aimait pas se donner en spectacle et surtout, elle ne voulait pas effrayer la jeune femme et donner une mauvaise image de l'Arnaith. Ils n'étaient pas des tueurs stupides.

Algol répondit avec un sourire moqueur:

"Pas plus arrogant que toi, qui te crois en mesure d'évaluer mon intelligence et de la contenir pour ne pas qu'elle dépasse la tienne. Désolé de te décevoir, Arnaith, mais je n'ai pas spécialement envie de me soumettre à tes sautes d'humeur."

Il fit mine d'étouffer un baîllement d'ennui dans sa main droite et ajouta:

"Maîtrise-toi, ton désir de me sauter barbarement à la gorge transpire de chacun de tes pores. Tu pues déjà assez la mort comme ça, n'en rajoute pas."

Il était en train de commettre une folie, mais puisque Jeena n'y serait mêlée en rien, il pouvait se le permettre. Son dernier combat contre un membre de l'Arnaith l'avait frustré: cette fois, il ne risquait pas d'amener son ennemie à l'hôpital dans un élan de bonté...

La réponse de la créature fit sourire Catelyn. Hum, voilà qui devenait interessant. Si il voulait la pousser à commettre un geste inconsidéré, c'était mal la connaître. Elle n'était pas impulsive, ni impatiente. Il se repentirait de ses paroles.

Cette odeur ne te plait pas? mince alors, moi qui pensait te séduire...c'est vraiment dommage. Ce jeune félin n'était pas de toute première qualité. Cela me chagrine.

Elle fit la moue. Un éclat cruel brillait dans son regard ambré. Il voulait la provoquer? Soit, elle adorait les joutes verbales. Cela lui faisait un bon appéritif pour la suite...

Jeena ne comprenait vraiment plus rien. Elle était tranquillement en train de discuter avec une 'Créature' des plus aimables. Et voilà qu'une inconnue, certes humaine, débarquée pour interrompre leur échange. Que pouvait donc faire une pauvre petite provinciale ignorant tout de cette ville ?
D'un bond, elle se leva et s'interposa entre Algol et Catelyn.

"Assez !"

Elle les regarda tour à tour.

"Vous parlez de moi en me considérant comme un simble boulet qu'on ne doit pas attaquer ! C'est frustrant !"

Evidemment, elle ne voulait pas dire ça mais, ne souhaitant pas s'attaqué à l'un ou à l'autre, elle ne trouva rien d'autre. Encore une fois, ses paroles avaient dépassé sa pensée...

Algol soupira et secoua la tête:

"Je m'excuse, mademoiselle. J'ai passé trop de temps au contact des humains de cette ville, apparemment."

Il adressa un regard teinté de mépris à l'Arnaith:

"Si tu n'as rien de mieux à dire pour interrompre notre discussion, je te prierais diplômatiquement d'aller voir ailleurs. Je ne trouve rien de séduisant à quelqu'un qui tue les créatures par plaisir."

Algol doutait que l'humaine s'en aille aussi facilement, mais Jeena avait raison: ils n'avaient pas à l'ignorer de la sorte. Et puis après tout, Algol était presque dans son bon droit en disant que l'humaine les avait interrompu pour rien. Pour un regard retourné à l'envoyeur. Déjà un crime pour une créature.

Jeena redressa la tête et dévisagea la membre de l'Arnaith, mouvement qu'elle ne connaissait alors pas. Elle remonta ses lunettes sur son nez, celles-ci avaient glissées lorsque la jeune femme s'était levée.

"Je suppose que vous avez entendu ce que ce cher jeune homme a dit..."

Jeena regretta immédiatement ses paroles. Mais il était trop tard. Elle porta une main à sa bouche et se tourna vers Algol. Elle ignorait peut-être qui était cette humaine, mais elle savait qu'elle n'aurait pas du considérer la Créature comme un de ses semblables.

Algol ne put retenir un léger sursaut en s'entendant appeler "cher jeune homme", non pas tant parce que c'était une grave imprudence de la part de Jeena, mais parce que cela faisait un nombre confortable d'années qu'il n'avait pas entendu ces mots dans la bouche d'un humain. Un sourire naquit sur ses lèvres et il fit un léger signe pour rassurer la jeune femme.

*Pas grave, on fera avec.*

Si ce n'était pas déjà le cas, Jeena venait de se faire un ami de choix.

(ben puisque c'est comme ça, je m'en vais, na! )

La réponse de la créature déplut royalement à Catelyn. Elle répondit d'un ton sifflant de rage.

Ne tente pas d'interpréter mes motivations, tu es loin de la vérité. Je ne tue pas les créatures pour le plaisir, alors ne parle pas de ce que tu ne connais pas.

Son corps était tendu, elle se força à recouvrer son calme. Que lui arrivait-il? Il était rare qu'elle perde ainsi le contrôle d'elle même. Les paroles de la jeune femme la laissèrent incrédule. Quelle outrecuidance de la congédier ainsi! Néanmoins, elle plaqua un sourire sur ses lèvres.

Très bien, je ne souhaite pas m'imposer à vous et puisque ma présence vous dérange, je m'en vais.

Elle jeta un regard haineux à la créature.

Nous n'en n'avons pas fini tous les deux. Profite bien de ces instants...

Elle leur tourna le dos et s'éloigna. cependant, elle s'arrêta et lança d'une voix rauque.

Attention, jeune femme. Vous voilà dans un univers inconnu et mal choisir vos amis risque de vous coûter cher.

Elle murmura pour elle-même.

Je le sais d'expérience.

Puis, elle se reprit et ajouta pour adoucir ses propos.

Ne vous méprenez pas, je ne vous menace pas, je vous donne un conseil qui pourra vous être utile un jour. Adieu.

Puis elle s'en fut.

Jeena regarda Catelyn partir tout en assimilant ses paroles. Sans doute avait-elle dit cela sous le coup de l'énervement. A moins que, d'expérience, elle savait que faire confiance aux Créatures étaient dangereux...
Elle se tourna ensuite vers Algol et son sourire fit envoler la plupart de ses craintes.

"J'ignore si j'ai bien fait..."

*Si il n'y avait que cela que j'ignore...*

Algol regarda pensivement l'Arnaith s'éloigner. Son comportement traduisait un certain grade dans son clan, et le niveau de combat qui allait avec. Qui plus est, sa haine à l'égard des créatures n'avait rien de jouée. Il allait devoir surveiller ses arrières pendant quelques temps s'il ne voulait pas se prendre un coup d'épée entre les omoplates.

Les paroles de l'humaine qui était à ses côtés le tirèrent de ses pensées et il eut un de ses rares vrais sourires, qui lui faisaient découvrir les crocs sans pour autant lui donner un air dangereux.

"Vous avez obéi à votre instinct et à votre manière de penser, donc bien sûr que vous avez bien fait. Nénamoins, nous risquons de nous exposer à d'autres interruptions de ce genre si nous restons ici. Je suppose que vous avez un pied à terre à Paris; je serais ravi si vous me permettiez de vous y raccompagner."

Jeena lui rendit son sourire, bien que le sien l'effraya quelque peu à cause de ses longs crocs.

"Bien sûr, j'ai une maison dans le coin."

Elle se demanda si ça n'était pas dangereux d'amener une Créature quasi-inconnue chez elle. Elle balaya cette pensée d'un haussement d'épaules.

"Nous serons plus tranquilles là-bas."

Algol se baissa pour ramasser l'une des valises avec autant de facilité que si elle avait été vide.

"Eh bien, je vous suis. Ne soyez pas mal à l'aise: je vous aide non pas en tant que serviteur, mais en tant qu'ami. Si vous voulez bien m'accorder ce titre."

Il se sentait exceptionnellement de bonne humeur, malgré l'intervention de l'Arnaith. Cela lui mettait toujours du baume au coeur de rencontrer des humains qui sauvaient la moyenne déplorable de leur espèce.

Jeena lui répondit avec un sourire.

"Heureuse de m'être déjà fait un ami dans cette ville."

Elle se baissa pour attraper l'autre valise. Ce qu'elle était lourde ! Elle tenta de cacher sa difficulté à la soulever et, une fois la bagage bien en main, elle se mit en route vers les habitations humaines.