Soins urgents.

Elle avait eu le meme reflexe qu'Algol en le voyant frissoner. Ses mains se superposerent à celle du felin et elle l'aida à remettre la couverture en place. Opale avait parfaitement entrevu les balafres qui barraient le dos d'Algol dont le regard fuyait à present le sien. Qui avait bien pu lui faire ça ? Voyant qu'il ne semblait pas vouloir s'étendre sur le sujet et aussi par peur de le froisser, la jeune femme resta silencieuse laissant sa question sans reponse. Le felin claquait des dents, il avait froid. Opale se leva et alla allumer un feu dans la cheminée. Les flammes diffusèrent une lumière jaune et douce dans la pièce, une lumière chaleureuse.

"Merci. Merci pour tout."

Un leger sourire vint se graver sur ses levres alors qu'elle revenait s'assoir sur le canapé et que son regard se posa de nouveau sur Algol.

"Tu n'est pas obligé de me remercier tu sais..."

Ses yeux quitterent un instant le sous chef pour aller se poser sur Laïna, elle était revenue. La jeune femme lui fit un grand sourire. La petite créature avait été très gentille et très serviable avec eux. Sans elle, Opale n'aurait jamais pu amener Algol chez elle. Seulement, cela la genait que Laina ait tendance à se mettre à l'ecart. Contrairement à ce qu'elle pensait, elle ne les genait aucunement. Voyant la petite se rouler en boule dans le fauteuil, elle eut un sourire tendre.

Puis, elle reporta son attention sur Algol. Il était encore brulant de fievre, il avait besoin de sommeil. Elle aussi d'ailleurs...Mais elle n'arriverais pas à s'endormir sachant le felin aussi tourmenté qu'il parraissait l'etre. Une nouvelle fois, sa main s'approcha du visage du felin jusqu'à l'effleurer, ecartant une meche de cheveux qui lui tombait devant les yeux. Après un leger temps d'hesitation, la jeune femme prit le visage d'Algol dans ses mains et le releva. Ses yeux cherchaient le regard miel du felin. Quand ils l'eurent trouvé, un doux sourire se peignit sur les levres d'Opale.

"Tu devrais essayer de te rendormir...Tu as encore de la fievre..."

Opale ramena ses mains à elle puis baissa soudainement le regard fixant desormais la moquette.

"Je n'aime pas te voir dans cet état..."

Sa voix s'était apparentée à un murmure. Son regard glissa le long du corps d'Algol pour aller se darder dans le sien. Les flammes se refletaient dans les yeux sombres d'Opale. Un petit sourire gené vint naitre sur ses levres roses.

L'atmosphère avait tendance à se réchauffer entre les deux jeunes gens. Algol était à bout de force et Opale n'avait pas meilleur mine, mais l'hosmose qui se liait entre eux donnait l'impression de leurs donner une force invisible. Elle avait déjà entendu dire que les sentiments avaient une force que personne ne pouvait imaginer, mais c'était la première fois qu'elle le voyait vraiment. Le sourire que lui avait assignée Opale la rassura quelque peu. Ici, elle ne risquait rien. Enfin un endroit où elle pouvait laisser retomber son côté fuyant et sauvage qu'elle détestait mais qui avait fini par prendre le dessus, après toutes ces années de fuite et de peur.

Elle continua de les regarder. De toute façon, dans ce genre de moment, le monde entier n'éxistait plus. L'épisode des embrassade n'allait pas tarder à arriver. Cependant, elle ne pu s'empêcher de laisser échapper avec une spontanéité alarmante, une question qui, à peine audible, avait de quoi déboussoler le plus terre à terre des êtres.

"Dites, si vous vous mariez, vous accepteriez de m'adopter?"

Quand ses propres mots furent perçu par son cerveau, ses petites joues prirent une teinte cramoisie et elle ammena sa main contre sa bouche pour la barrer. Elle pourrait se faire gronder pour avoir eu le culot de dire de telles anneries. Son ancien maître l'aurait violemment réprimander.

C'est à ce moment là qu'en voulant se recroqueviller pour se cacher dans ses genoux, une douleur violente vint se nicher au creu de son cou. Elle ne poussa pas un cri, ne voulant pas leur montrer que son collier la gênait et même la torturait. Algol allait assez mal et Opale n'avait pas besoin d'un deuxième centre de remou. Seules quelques petites larmes coulèrent le long de ses yeux, mais elle afficha un grand sourire pour indiquer que tout allait bien. Bouger. Il fallait qu'elle trouve un centre d'intérêt pour s'oublier. Tout allait déjà assez mal, pas besoins d'en rajouter.

"Je vais aller préparer quelque chose à grignoter. Ne vous inquiétez pas, je ne vous referais pas le coup d'hier soir. C'est promi!"

Elle se leva doucement, et se dirigea vers la cuisine pour s'affairer à quelque chose qui lui permettrait de soulager un peu son cou. Pour se détendre, elle se mit à chanter une berceuse pour calmer ses émotions. C'est son père qui le lui avait toujours appris: "A force de chanter, tu oublieras de pleurer." C'est tout ce qui lui restait de lui. Sa connaissance et son goût pour la vie.

Algol éprouva une bouffée de reconnaissance envers Opale lorsqu'elle resta silencieuse au sujet des cicatrices qu'elle avait entrevues. Ce n'était pas tellement le fait de parler de cette punition qui dérangeait le sous-chef, ce n'était qu'un mauvais souvenir particulièrement cuisant. Mais raconter cette unique fois où on l'avait battu, c'était être obligé d'expliquer pourquoi on l'avait fait. Et Algol n'osait pas le faire. Le regard d'Opale aurait changé, et le félin ne l'aurait pas plus supporté que l'idée de pouvoir un jour avoir une autre crise alors qu'elle était à proximité... de refaire la même erreur qu'avec Ophélie.

*Arrête. Tout de suite.*

Mais c'était un peu tard: son moral qui ne volait déjà pas bien haut était en train de couler à pic, et son état physique s'en ressentit. D'un seul coup, il se sentait encore plus fièvreux, plus nauséeux. Si pathétique, recroquevillé de la sorte sous sa couverture avec pour seuls vêtements son caleçon et son collier. Il était beau le sous-chef de la Thianra... Ce fut à cet instant que les mains d'Opale se posa sur son visage pour l'obliger à relever la tête. Un contact tendre et spontané qui intervenait exactement au bon moment, si bien qu'Algol ne put s'empêcher de rendre son sourire à la jeune femme. Le feu jouait dans ses cheveux mi-longs et y créait des reflets qui relevaient de l'oeuvre d'art. Ses doigts quittèrent bien trop tôt les joues du félin, qui commençait déjà à regretter que sa peau ne fût pas aussi glabre que d'habitude.

"Ca ira, ne... ne t'inquiète pas en... encore plus, je t'en p... prie."

Il s'enfonça dans le canapé pour prouver sa bonne volonté à l'Arnaith: il ne lui promettait pas de se rendormir, mais se reposer cela il pouvait le faire. De toute façon il était à moitié léopard des neiges, faire la sieste ou rester de longues heures allongé était quelque chose d'habituel pour lui (les membres léonins de la Thianra avaient d'ailleurs quelques problèmes à ce sujet). Alors Algol se rallongea sur l'oreiller qu'on lui avait gentiment fourni, toujours enroulé dans sa couverture. Ainsi calé contre le dossier du divan, il pouvait rester sur le côté sans avoir trop mal au bras gauche. Ses yeux légèrement souriants n'avaient pas lâché ceux d'Opale.

"Dites, si vous vous mariez, vous accepteriez de m'adopter?"

Algol n'avait pas souvent regardé quelqu'un avec tant de surprise. Lui toujours si stoïque en restait bouche-bée. Il ne savait pas si c'était à cause de la première ou de la deuxième partie de la phrase.

*Mariés, hein...*

D'accord, c'était à cause de la première. Même si le verbe "adopter" résonnait de manière funeste aux oreilles de la créature. L'odeur de sang revint une nouvelle fois s'infiltrer dans ses narines, et cette fois Algol comprit que quelque chose n'allait pas. Laïna partit sans lui laisser le temps de vraiment comprendre ce qui lui arrivait, mais il n'aimait pas cela. Il tendit son bras valide dans l'intention d'attraper la manche d'Opale. Au lieu de cela, il lui serra la main avec douceur.

"Vas la voir s'il... s'il te plaît. Je c... crois qu'elle s'est f... fait mal. Qu'elle v... va mal, en fait."

Humaine ou pas, Opale était une jeune femme qui n'était pas tellement plus âgée que Laïna, elle saurait sûrement mieux parler qu'Algol à la jeune créature. Le sous-chef commençait à vraiment s'inquiéter au sujet de cette dernière. Le "quelque chose" qu'il avait déjà pressenti se précisait lentement.

*Mariés, mais enfin quelle idée!... quelle idée...*

Etre mariée, avoir des enfants, Opale avait revé de cette vie...Quand elle devait avoir 6 ou 7 ans. Son reve s'était envollé quand son pere était mort et que son beau père, un alcoolique notoire et violent, vint prendre sa place. Si ce marier signifiait de devoir vivre chaque jour avec la peur de perdre l'être aimé, non merci ! Reve qui s'était totalement brisé quand sa mère était decédée et qui semblait bien lointain...Elle ne voulait pas que ses enfants vivent dans ce monde ravagé par une guerre dont elle avait prit part et qui lui paraissait bien stupide à present. La jeune femme soupira et ses yeux se perdirent un instant dans les flammes qui dansaient dans la cheminée.

Opale regarda Algol, il lui disait, la priait meme, de ne pas s'inquieter mais c'était bien plus fort qu'elle. La jeune femme avait suivi Laïna du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans la cuisine. Elle regardait toujours la porte desormais close de la pièce adjacente quand les doigts d'Algol se refermerent sur les siens.

"Vas la voir s'il... s'il te plaît. Je c... crois qu'elle s'est f... fait mal. Qu'elle v... va mal, en fait."

L'Arnaith acquiesa d'un leger signe de tête et se leva du canapé pour aller dans la cuisine. La jeune femme avait en sorte que sa peau soit le plus longtemps possible en contact avec celle du felin, contact qu'Opale appreciait tout particulierement. Elle aussi avait legerement, surement moins qu'Algol, senti le malaise que ressentait la jeune créature. Sa maniere de se mettre toujours à l'ecart, les pretextes qu'elle trouvait pour quitté la pièce et les laisser seuls mais surtout la phrase qu'elle venait de dire. Phrase qui resonnait dans l'esprit endormi d'Opale. Elle poussa lentement la porte de la cuisine et s'engouffra dans celle ci, laissant Algol seul dans le salon.

Laïna était affairée à preparer le petit dejeuner bien qu'il soit 4 heures du matin. Decidement, ils n'avaient pas sommeil tout les trois...Opale s'approcha et se mit assise sur une chaise en face de la petite creature. Silencieuse, elle attrappa un couteau, le pot de confiture à la fraise et une tranche de pain. Pendant un petit moment, toutes deux preparerent le dejeuner sans rien, la pièce s'emplissant d'une douce odeur de café frais et chaud. Le regard sombre d'Opale se posa sur Laïna.

"Tu sais...."

Elle s'arreta au milieu de sa phrase, ne sachant pas par où commencer. L'Arnaith prit une profonde inspiration et se jeta à l'eau.

"Tu n'es pas obligée de te mettre à l'écart...Tu ne nous gênes pas, au contraire..."

Opale lui fit un grand sourire. Cependant cet histoire de mariage et d'adoption lui trottait toujours dans la tête.

"C'est quoi de cette idée de mariage et d'adoption, hein Laïna ?"

Elle était parfaitement consciente que posée d'une maniere aussi directe, la question pouvait bléssée la petite créature qui semblait déjà mal en point. Ce n'était pas son but mais elle voulait savoir, avoir la reponse à cette question l'aiderais à comprendre un peu mieux ce qui tourmentait Laïna.

La jeune féline entendit la porte s'ouvrir et se refermer mais ne leva pas le nez. Elle continuait à chantonner doucement en songeant à quoi pouvait bien ressembler le Monsieur Noah qu'elle recherchait. Elle attrappa trois bols nen écoutant d'une oreille qui faisait la sourde, les paroles d'Opale. Bien sûr qu'elle ne gênait pas. S'ils le disaient. Mais elle se sentait mal au milieu de tant d'émotions. C'était plus fort qu'elle.

Et puis vint le moment qu'elle redoutait par dessus tout. La question sur sa phrase sortie toute seule. Pourquoi s'expliquer, Opale bien que gentille ne pouvait pas comprendre. En fait, même Laïna ne savait pas pourquoi elle avait dit cela. Sûrement cette petite douleur au fond d'elle même qui lui faisait indéfiniment rechercher la tendresse des autres.

Opale continuait de la fixer avec insistance. Laïna sentait la panique monter du fin fond de ses entrailles. Elle ne voulait pas étaler ses raisons sur la table comme ça. Faire remonter son passé qu'elle fuyait désespérément. Elle aurait voulu revoir son père et se blotir contre lui. Avoir au moins un grand frère qui sache la protéger et lui montrer sa présence lorsqu'elle avait besoin de réchauffer son coeur, gelé et pas seulement par le froid qui courait au dehors.

Elle s'approcha doucement d'Opale et mit ce qu'elle avait préparer sur un plateau pour l'apporter sur la petite table du salon. Algol devait sûrement commencer à avoir faim. Elle fit un large sourire à Opale.

"Ne vous inquiétez pas. Il n'y avait rien de mal à mes propos. Ils sont sortis tous seuls, pardonnez moi. Je ne les ai pas contrôlé. C'est juste que... que vous semblez tellement bien ensemble que ça fait rêver. Moi aussi j'aimerais bien avoir quelqu'un qui soit là pour me protéger."

Elle n'en rajouta pas plus. Inutile. Elle en avait déjà dit beaucoup à son goût. Il fallait qu'elle se reconcentre sur autre chose pour éviter de craquer. Mais que ce passait il? Depuis toutes ces années où elle n'avait plus eut une seule petite larme. Non qu'elle n'en eut pas envie, mais surtout, c'était la force qui lui manquait. Et là, il lui suffisait de rencontrer ces deux personnes pour que toutes ses émotions remontent en surface et manquent de la trahir.

Elle attrapa le plateau de ses petites mains et sortie rapidement de la cuisine avant qu'Opale ne lui pose d'autre questions. S'effacer, c'est tout ce qu'elle voulait. Non pour ne pas se faire voir, mais parce qu'elle semblait avoir enfin trouvée un endroit où elle se sentait bien et en sécurité. Cela lui changeait tellement des greniers froids et humides. Tous comme l'accueil et la solicitude d'Opale et d'algol remplaçait cette haine et cette violence qu'elle côtoyait quotidiennement depuis des années.

Elle posa délicatement le plateau sur la table basse et rapprocha cette dernière pour que le félin puisse y avoir accès sans trop d'efforts à fournir. pale la suivait de près. Laïna savait bien que son attitude fuyante devait éveiller les soupçons mais elle garderais son fardeau aussi longtemps qu'elle le pourrait. Elle n'était pas la plus en difficulté dans l'histoire et ne se sentait pas le droit de se placer au centre pour des broutilles qui ne touchaient qu'elle. Elle attrapa l'un des bols, rempli de lait chocolaté et le tendit à Algol en souriant.

"Tenez! Je suis sûre que ça vous fera du bien. Et je vous promet que je n'y ai rien mis de désagréable. Et mademoiselle Opale vous à préparé des tartines. Finalement, ça a des bons côtés de ne pas aller bien."

Elle tentait désepérément de détendre l'atmosphère en essayant d'effacer toute suspicion à son égard. Quoiqu'elle n'aurait pas renoncé à ce que quelqu'un lui enlevât son fichu collier qui allait jusqu'à l'empêcher d'avaler de quoi se nourire. Cependant, elle ignorait ce qu'elle découvrirait sous ce morceau de machine à torture, plantée dans son cou depuis plus de 5ans et étant passée par tous les chemins inimaginables. Pour ne pas y penser, elle retourna s'asseoir sur le fauteuil et se replongea dans son livre, laissant les deux compères déjeuner tranquiles.

Opale regarda Laïna. Elle commencait à comprendre ce qui n'allait pas chez elle : La créature manquait d'affection. L'Arnaith poussa un soupir quand la jeune feline sorti de la cuisine et lui emboita le pas, une assiette dans les mains contenant les tartines. Elle la posa sur la table à coter du plateau puis Opale se mit assise sur le sol, s'adossant au canapé. Ses prunelles sombres fixaient Laïna. Elle s'était encore mise à l'écart...

"Viens manger avec nous Laïna, ne reste pas dans ton coin..."

La jeune femme designa le plateau du dejeuner, il y en avait bien assez pour eux trois. Un gargouillement lointain et profond provenant de l'estomac d'Opale se fit entendre. Avant de manger, elle prit quelques tartines qu'elle deposa dans un petit plat et rempli un bol de café. Opale tendit le tout à Algol en lui adressant un grand sourire.

"Prends ça, le café va te rechauffer...Ca ira surement mieux une fois que tu auras manger !"

Sans lui laisser le temps de protester, l'Arnaith lui mit son dejeuner entre les mains et ne le quitta pas des yeux. Elle voulait qu'il mange, meme si elle devait le forcer pour cela. Opale prit elle aussi un bout de pain à la confiture et un bol de café. Elle porta le bol à ses levres et en bu lentement le contenu tout regardant le sous chef par dessus le petit recipient, les yeux legerement souriants. Quand elle l'eut fini, la jeune femme s'attaqua ferocement à sa tartine. Laïna ne les avait toujours pas rejoint, elle continuait de lire dans son coin. Elle ne pouvait pas non plus la forcer mais elle trouvait cela dommage que Laïna ne se joigne pas à eux, d'autant plus que l'Arnaith commençait à apprecier cette jeune créature. A defaut d'etre sa mere adoptive, Opale aspirait à devenir son amie.
Le soleil commençait doucement à apparaitre derriere les rideaux du salon. Opale se leva et alla les ouvrir laissant la lumiere naturelle éclairer la pièce. Toute souriante, la jeune femme alla se remettre assise près du canapé, le bras gauche appuyé sur celui ci dont la main soutenait sa tête. Elle plongea son regard dans celui du sous chef tandis qu'un doux sourire étirait ses levres.

Dans le court instant où il était resté seul, Algol avait remarqué que la pièce se réchauffait et que sa propre température se stabilisait. Bientôt ses mâchoires cessèrent de claquer et ses frissons fièvreux s'atténuèrent. Belle idée que ce feu. Et puis un beau brasier domestiqué avait toujours parut quelque chose de délicieusement réconfortant à Algol. Mis en confiance par cette petite amélioration de son état, il se pencha pour ramasser la couverture d'Opale et la mettre par-dessus la sienne, qu'il trouvait un peu trop fine pour lui accorder toute la chaleur dont il avait envie. Le tissu jaune embaumait encore de l'odeur de l'Arnaith, et un sourire un tantinet rêveur vint se graver sur les lèvres du léopard des neiges tandis que ses doigts glissaient doucement sur la douce couverture...

Laïna revint, suivie de près par Opale. Les deux jeunes femmes portaient de la nourriture, et avant qu'Algol ne put dire quoi que ce fût, elles l'attaquaient de front pour l'inciter à manger. Interdit, le sous-chef contempla un instant le bol de chocolat chaud qu'on avait fourré dans sa main valide et le plat qu'Opale avait déposé avec autorité sur ses jambes étendues. Il protesta faiblement:

"Mais je n'ai pas du tout faim, je... Oh, ça va, inutile de me regarder comme ça, je vais manger. Mais si je vomis tripes et boyaux, ce sera votre faute. Non merci Opale, le café ce n'est pas mon truc, je préfère le lait. Le côté "gros minou", comme tu le dis de manière si flatteuse..."

Il adressa un sourire malicieux à l'Arnaith avant d'avaler une gorgée de chocolat au lait. C'était chaud et sucré, mais le félin était toujours un peu trop malade pour en savourer pleinement le goût. Bah, au moins c'était mieux que ce "remède miracle" que Laïna et Opale l'avaient forcé à absorber. Même s'il devait bien avouer qu'il ne toussait plus. Il adressa un regard aimable à la créature, et enchaîna derrière la demande de la jeune femme:

"Elle a raison, viens. Tu ne vas quand même pas rester toute seule jusqu'à ce que je t'emmène à la Thianra, si? Alors viens."

Puis il ajouta sur un ton plus soucieux:

"Tu es certaine que tu te sens bien? Tu es presque aussi pâle que moi. Tu es blessée?"

Il sentait toujours cette infime odeur de sang se dégager de la panthère, et il aurait vraiment aimé savoir pourquoi. Cela le tracassait et l'empêchait de profiter de ce moment qui aurait dû être réconfortant pour eux trois, où il aurait dû pouvoir simplement se réjouir de ce bol qui lui réchauffait les doigts et de la proximité d'Opale. Il ne se comportait pas tellement en père vis-à-vis de Laïna, mais plutôt comme un grand frère, comme Opale se situait à mi-chemin entre l'amie et la grande soeur - ce qui était d'ailleurs plus vraisemblable vu leur différence d'âge avec la jeune créature.

Laïna sourit tendrement et après une petite hésitation, vint doucement se placer près de ses compagnons. Pourtant,, malgré cette imperceptible envie de se joindre à eux, quelque chose la bloquait. Soudain, une pensée lui traversa l'esprit à la vitesse de la lumière. Un collier ne pouvait pas être enlevé par une créature cependant, par un humain oui. Opale serait elle en mesure de lui apaiser sa souffrance? Même si cette chose n'était pas ordinnaire, peut être que les doigts de l'Arnaith en viendraient à bout quand même. Elle ne posa cependant pas la question. Inutile de gâcher le moment. Elle était envahit tout à coup, par un réconfort qu'elle n'avait plus éprouvé depuis bien longtemps.

"Merci de votre gentillesse. Je ne pensais pas que je pourrais un jour rencontrer des personnes comme vous. Ne m'en voulez pas, mais c'est que le monde d'aujourd'hui n'est pas comme vous. Il faut sans cesse se battre pour survivre et souvent, lorsque les gens s'apperçoivent que vous êtes gentil, ils se précipitent sur vous pour abuser de votre bonne grâce. C'est pour ça que j'ai tendance à resté méfiante. Et puis, je n'aime pas déranger... Je n'ai jamais compris cette haine qui se répend ni pourquoi elle éxiste."

Elle se tût un instant, revoyant les images de souvenir de sa mère se faisant massacrer par des humains sans vraie raison. La barbarie n'avait pas de limite. Pourtant, elle était avec une créature et une humaine qui n'étaient certainement pas exterieur au conflit mais qui lui apportaient la chaleur nécessaire pour réchauffer son coeur. Elle n'avait pas répondu à Algol sur le fait qu'elle était bléssée et ne le ferait certainement pas. Quelle importance. Cela faisait des années que les pics lui lacéraient le cou et avaient fini par se loger dans la peau qui s'était refermée autour. Le spectacle qui se cachait sous cette bande de cuir au premier abord normal, ne devait pas être joli. Mais l'inquiétude qu'éprouvait Algol la fit culpabiliser. Bien sûr qu'il était idiot d'essayer de faire croire que tout allait à une créature dôtée des même facultées qu'elle.

Son regard alla d'Algol à Opale, d'Opale à Algol, en essayant de faire changer l'attention de place. Elle décida donc de poser une question à chacun d'eux.

"Dites, je sais qu'on est plus des enfants, mais si on jouait à un jeu, histoire de faire passer le temps? Je ne sais pas moi, peut être pour essayer de mieux se connaître? Vous savez, l'un de nous pose une question et l'autre doit y répondre avec honnêteté. Ou alors, il aura un gage à éxécuter. Je sais que ça paraît complètement dingue, mais si vous avez une autre proposition, alors elle sera la bienvenue."

Assise sur le sol, Opale commençait à avoir mal un peu partout. Ecoutant les plaintes de son dos, la jeune femme alla se blottir sur le petit bout de canapé inoccupé par le félin. Ses deux prunelles sombres n'avaient pas laché celles d'Algol, l'Arnaith lui rendit son sourire malicieux et reporta son attention sur Laïna laissant le felin dejeuner tranquillement. Opale fut contente que Laîna accepte enfin de se joindre à eux.

"Dites, je sais qu'on est plus des enfants, mais si on jouait à un jeu, histoire de faire passer le temps? Je ne sais pas moi, peut être pour essayer de mieux se connaître? Vous savez, l'un de nous pose une question et l'autre doit y répondre avec honnêteté. Ou alors, il aura un gage à éxécuter. Je sais que ça paraît complètement dingue, mais si vous avez une autre proposition, alors elle sera la bienvenue."

La jeune femme ecarquilla les yeux et se mordit la levre inferieure, elle était visiblement genée. Non pas qu'elle n'aimait pas ce jeu mais elle n'avait vraiment pas envie de s'etendre sur certains evenements de sa vie et vu la maniere dont Algol avait réagi lorsqu'elle avait, par inadvertance, entrevue ses cicatrices, il devait etre dans le meme cas qu'elle. Opale sonda le regard d'Algol à la recherche d'une eventuelle aide, il serait à meme de comprendre la raison de la gêne de la jeune femme. Elle passa une main mal assurée sur sa nuque.

"Heu...Laïna...Ce n'est pas que je n'aime pas ce jeu mais...il...il me met legerement mal...à l'aise..."

Elle risqua un leger coup d'oeil vers la jeune créature et baissa rapidement les yeux. Opale voulait changer de conversation pour éviter qu'un blanc ne s'installe entre eux et quitter precipitamment la pièce aurait été plus que suspect. Son refus quand à ce jeu l'était déjà assez. Un faible sourire s'installa sur ses levres.

"Mais on peut faire autre chose..."

Oui autre chose qui ne l'obligerait pas à s'etendre sur son passé. Ses yeux revinrent se poser sur Algol, il avait bu son chocolat mais n'avait pas toucher aux tartines.

"Tu sais si tu n'en veut pas tu n'es pas obligé de les manger. Je ne tiens pas à ce que tu vomisse, tu es déjà assez malade pour en rajouter..."

Il y avait cependant un leger mieux dans l'état du félin: Il ne claquait plus des dents et semblait avoir moins froid. Cette amelioration amena un franc sourire sur les levres de la jeune femme meme si ce sourire dissimulait encore mal la gêne qui s'était emparée d'elle.

Algol répondit au regard embarassé d'Opale avec une expression fort similaire. Non, il ne pouvait pas parler librement de lui, de son passé. Comment aurait-il pu sereinement annoncer à ces deux jeunes femmes qu'il avait tué de ses mains la dernière personne qui s'était montrée aussi amicale qu'elles à son encontre? Comment aurait-il pu parler d'Ophélie devant Opale?... Non, il la perdrait de manière irrémédiable. Il ne pouvait pas lui apprendre cela, il ne pouvait pas lui parler de ses accès de schizophrénie. Pas encore. Plus tard, peut-être, lorsque ce petit fil ténu qu'il sentait se tisser entre l'Arnaith et lui-même serait devenu une corde plus épaisse. Mais pas maintenant.

Le sous-chef se tourna vers Laïna pour lui exposer gentiment son refus, mais ce qu'il lut alors dans le regard de la créature l'arrêta. On ne faisait pas innocemment ce genre de demande. Elle essayait plus ou moins consciemment de leur dire quelque chose, mais ne savait pas comment s'y prendre. Algol hésita quelques secondes, puis il dit:

"Moi je veux bien jouer. Vas-y, pose-moi une question. Mais j'aurai le droit de t'en poser une après t'avoir répondu, et tu y répondras aussi sincèrement que je le ferai, nous nous comprenons bien?"

Il prenait des risques, il le savait, mais il désespérait de trouver un moyen d'aider Laïna, et ce petit jeu était peut-être sa seule chance. Il eut un sourire un peu désabusé pour Opale lorsque celle-ci le dispensa de manger ses tartines: de toute façon, il avait l'estomac tellement noué par sa manoeuvre qu'il ne se sentait plus capable d'avaler quoi que ce fût. Ses yeux de miel retournèrent se planter dans ceux de Laïna: cette fois, il était bien décidé à ne pas la laisser détourner la conversation.

Opale regarda Algol puis Laïna. Non, c'était decidé, elle ne voulait pas et ne jouerais pas à ce jeu. La jeune femme se leva et remit les bols ainsi que les tartines sur le plateau.

"Commencer à jouer sans moi...Je vais faire la vaisselle...Oui, ça ne se fait pas tout seul...la vaisselle..."

Sans rien ajouter de plus, l'Arnaith se dirigea vers la cuisine et s'enferma dans la pièce avec pour seule compagnie la pile de bols qui commencait à naitre dans l'évier. Opale posa son plateau sur la table et fit couler de l'eau afin de remplir l'évier. Dès que les bols qui y trainait furent completement submergés, la jeune femme y mit les autres et commenca à les laver. Certes, faire la vaisselle n'était pas très plaisant mais elle preferais çà plutot que de parler de son passé. Elle se pencha en arrière et jeta un bref coup d'oeil par la vitre presque opaque de la porte. Elle put distinguer Algol et Laïna, l'un allongé sur le canapé et l'autre assise sur le sol. En soupirant, elle se reporta sur sa vaisselle. Opale avait vaguement compris ce que cherchait à faire Algol part le biais de ce jeu et la jeune femme aussi aurait bien aimé comprendre ce qui tourmentait Laïna mais elle ne pouvait pas. Non pas qu'elle se desinterressait totalement du sort de la jeune créature et qu'elle voulait connaitre les raisons de ce tourment par simple curiosité mais une question en entrainait fatalement une autre et à un moment ou à un autre Opale devrait repondre à une question embarrassante.

Sa main plongea une eniéme fois dans l'eau grasse qui stagnait depuis maintenant un bon moment dans l'évier et n'y trouva plus rien. Perdue dans ses pensées, l'Arnaith ne s'était meme pas rendue compte qu'elle avait fini son déplaisant labeur qu'était la vaisselle. Plutot contente, Opale prit la pile de bols et se dirigea vers le placard. Cependant, sans vraiment y faire attention, Opale avait fait tomber de l'eau par terre si bien qu'elle glissa sur celle ci et s'effondra sur le sol. La vaisselle qu'elle portait tomba elle aussi et se brisa au contact du carrelage dans un bruit effroyable.

"Ne vous inquietez pas, je n'ai rien de casser !"

Cria la jeune femme à l'adresse d'Algol et Laïna pour eviter que la jeune creature vienne voir ce qu'il se passait et qu'elle trouve par la meme occasion un pretexte d'ignorer les questions du sous chef. Exasperée, la jeune femme se redressa et commenca à ramasser un à un les bouts de porcelaine multicolor qui jonchaient le sol. Comme elle était enervée et aussi très fatiguée, l'Arnaith se coupa la main et le liquide rouge tombait goutte à goutte sur le carrelage. Elle se releva lentement et s'emparra d'un bout de sopalen qu'elle pressa fortement contre sa blessure. La cuisine redevint alors calme, les bruits de vaisselle brisées ainsi que les grognements mecontents et exasperés de l'Arnaith cesserent. Opale s'appuya contre la table et regarda d'un air absent les morceaux de vaisselle qui trainaient à ses pieds.

Tout d'abord déçut par la réponse d'Opale, Laïna sentit une boule de rancœur se former au fond d'elle. La jeune femme voulait visiblement lui cacher certaines choses et ce n'était pas cela qui attristait la féline. Seulement, ce jeu ne consistait pas pour la créature à s’immiscer dans la vie privée des autres, mais seulement à se renseigner sur certaines choses qu'elle estimait importantes de savoir. La question qu'elle lui réservait était de plus primordiale pour Laïna car cela lui aurait peut être permis de se libérer de sa torture. Cependant, elle regarda Opale s'éloigner sans rien dire avant de se tourner vers son pair qui avait approuvé l'idée malgré sa réticense, en échange d'une totale collaboration.

"Je vous promets de répondre à vos questions avec la plus grande sincérité."

Elle avait posé solennelement sa main sur le coeur en guise de serment. Elle n'avait pas grand chose à cacher, si ce n'est qu'elle ne tenait pas à parler de son ancien maître. Mais elle doutait fort que quiconque s'y interresse et ne se faisait donc pas de soucis à ce propos. Elle décida de poser la question réservée à l'humaine en même temps que celle qu'elle tenait à demander au félin.

"Alors, voilà. D'après ce que j'ai pu entendre dans cette ville et lors de mes voyages, on raconte qu'un groupe se serait formé ici contre les humains pour libérer les créatures du joug de leurs opresseurs. Seulement, beaucoup disent que ce sont des criminels qu'ils faut extèrminer. Ma question est simple et comporte deux parties: tout d'abord, est ce que vous en faites partie? Et ensuite, le célèbre Noah est il réellement comme on le décrit, à savoir une machine de crime qui tue même les siens?"

La question pouvait paraître idiote mais elle voulait savoir à quoi s'en tenir lorsqu'elle rencontrerait le soit disant monstre. Un bruit de vaisselle ne tarda pas à se faire entendre. Opale venait de réduire son service d'après le bruit de casse qui avait retenti dans la cuisine. Pourtant, elle se reconcentra sur le félin et renchérie avec sa deuxième question qui devenait plus urgente.

"Et avant de vous laisser la parole, et pardonner si je dépasse le nombre de questions autorisées mais j'avoue que j'ai vraiment besin de savoir. Puisque les humains ont la capacité de mettre des colliers, ils ont aussi le pouvoir de les enlever. Pensez vous que mademoiselle Opale serait en mesure de m'enlever celui qui orne si grâcieusement mon cou? J'avoue que cela me soulagerais."

Elle avait avoué beaucoup mais ne supportait plus l'engin. Elle ne pouvait plus s'alimenter que le stricte minimum, ne pouvait plus faire de mouvement un peu rapide et finissait même par ne plus pouvoir chanter. sans parler de la douleur, qui bien que certes moindre à celle du félin, devenait tout simplement agacente. Elle porta à Algol ses yeux de braise et les plongea dans les siens d'un air suppliant. Elle deviendrait son esclave s'il le voulait, pourvu qu'il lui permette d'enlever rapidement cette horreur.

Algol tourna vivement la tête en entendant le bruit de vaisselle brisée, ce qui lui vrilla si douloureusement les tempes qu'il dut serrer les paupières l'espace de quelques secondes, le temps que son mal s'atténuât. Encore une fois, alors qu'Opale les rassurait d'une phrase lointaine, le félin se demanda ce qui lui serait arrivé s'il ne s'était pas trouvé dans ce chaud et confortable salon, entouré d'attentions, et s'il avait tenté de rentrer seul à la Thianra en passant par les égouts. La conclusion s'imposait d'elle-même: Noah aurait du se trouver un autre sous-chef. Et tout ça à cause de quelques plaies infectées à la main...

"Et avant de vous laisser la parole, et pardonner si je dépasse le nombre de questions autorisées mais j'avoue que j'ai vraiment besoin de savoir. Puisque les humains ont la capacité de mettre des colliers, ils ont aussi le pouvoir de les enlever. Pensez vous que mademoiselle Opale serait en mesure de m'enlever celui qui orne si gracieusement mon cou? J'avoue que cela me soulagerais."

Algol rouvrit les yeux et adressa un petit sourire à la créature:

"Cela fait trois question au lieu d'une..."

Il changea légèrement de position dans le canapé, soulagé d'avoir vu juste: Laïna avait juste cherché un moyen de leur poser des questions importantes, et elle ne pouvait pas savoir que ce moyen se révèlerait inapproprié. Le félin réfléchit un instant à la formulation de sa réponse, sa main valide caressant doucement la blessée. Puis il releva son regard couleur miel pour affronter sans sourciller celui de la jeune créature:

"Le groupe dont tu parles existe bel et bien, et tu te doutes certainement qu'il s'agit de la Thianra que tu m'as entendu mentionner. Ce groupe est effectivement terroriste, en ce sens qu'il va contre le pouvoir en place et qu'il commet des actes... parfois sanglants."

Algol s'interrompit quelques secondes. Il fatiguait vite, et le simple fait de fournir une réponse construite à Laïna faisait empirer sa migraine. Son oreille guettait le retour d'Opale. Pourquoi le canapé lui semblait-il trop grand, maintenant qu'elle n'était plus assise à l'autre extrémité?

"Bien évidemment, j'en fais partie. Et je sais que cela ne se voit guère en ce moment, mais j'en suis le sous-chef, je n'ai que Noah au-dessus de moi. Noah qui est effectivement quelqu'un de violent et sanguinaire, je ne prétendrai pas le contraire. Mais il sait également faire preuve de bonté à sa manière, (demande à Opale) et jamais il ne fera du mal à une créature. Si je peux te parler aujourd'hui, c'est grâce à lui. Quant à son attitude à l'égard des humains... Je ne vais pas te mentir, il prône le génocide. Je le freine autant que possible, mais il a tendance à ne m'écouter que quand ça l'arrange, et ça donne parfois des massacres dont la Thianra se serait à mon avis bien passée. Je pense qu'un excès de violence fait le jeu des Arnaiths - nos opposants humains, auxquels appartient Opale, d'ailleurs..."

Il marqua une nouvelle pause, avant de poursuivre:

"Pour ta troisième question, je pense que notre hôtesse peut t'aider. Nos colliers s'enlèvent grâce à ce petit boîtier à l'arrière (il montra une partie légèrement en relief sur le cuir qui habillait sa propre gorge). Il reconnaît un humain aux empreintes digitales et s'ouvre automatiquement. Sauf si le maître est particulièrement retors et qu'il a acheté un collier que seules ses propres empreintes ouvrent. Mais je ne pense pas que ce soit le cas du tien, ces modèles coûtent chers et on ne les emploie en général que pour les créatures dangereuses ou extrêmement rares. Noah, par exemple, avait un collier exclusif."

Ce fut une légère quinte de toux qui lui coupa la parole, cette fois. Non, décidément il n'avait vraiment pas l'air d'un sous-chef en cet instant.

"Il te fait mal, n'est-ce pas? Ton collier. C'est pour ça que je sentais une légère odeur de sang. Ecoute Laïna..."

Il s'inclina légèrement en avant en s'appuyant sur son bras fonctionnel, une attitude qui pouvait rappeler un fauve se penchant vers le bord d'un rocher pour regarder en contrebas.

"Tu m'as posé trois questions, et j'ai répondu aux trois. Alors au lieu de faire pareil, j'aimerais que tu m'accordes une promesse, une unique promesse, d'accord?"

Il laissa sa proposition faire son chemin dans l'esprit de la créature. Algol commençait à y voir trouble, et il était temps pour lui de mettre un terme à cette discussion dans laquelle il épuisait le peu de ressources dont il disposait.

"Promets-moi de ne plus jamais, plus jamais tu entends, refuser de demander mon aide ou celle d'Opale alors que tu te sens mal. Jamais."

La vision d'Opale se troublait peu à peu. Voila plusieurs minutes qu'elle n'avait pas cligner des paupières. Son sang, quand à lui, continuait à couler lentement le long de ses doigts pour tomber goutte à goutte sur le carrelage blanc de la cuisine. Il se melangeait à l'eau en formant de legeres arabesques rougeatre. Si cela n'avait été du sang, Opale aurait presque trouver cette flaque jolie. Un leger sourire vague se dessina sur ses levres alors que son esprit se detachait de l'eau de vaisselle tachée de sang et parsemée de morceau de bol qui trainaient sur le sol.

Elle secoua violement la tête de gauche à droite et ferma les yeux avant de les rouvrir. Sa vision redevint nette et claire et lui offrit une image dont l'Arnaith se serait bien volontier passée. En effet, la jeune femme était debout, les pieds dans de l'eau salie, sa main gauche pressent fermement un morceau d'essui tout, completement inutile soit dit en passant, pour essayer de stopper un saignement du à un morceau de bol plus aiguisé que les autres. Soupirant bruyamment, elle enjamba la flaque, alla chercher un balai dans le placard et balaya le sol à la hate.

Opale regarda ensuite sa main. L'entaille qu'elle s'était faite s'étendait de la derniere phalange du pouce jusqu'au commencement de son poignet. Elle ouvrit le robinet et laissa un instant couler l'eau sur la plaie. La jeune femme fronca les sourcils, cela n'était très agréable de sentir de l'eau glacée s'infiltrer dans sa plaie. D'un geste vif, elle stoppa l'ecoulement de l'eau et sa blessure se remit à saigner de plus belle. Tant pis, elle allait devoir retourner au salon comme ça. Elle enroula sa main dans vingt bons centimetres de sopalen et poussa la porte de la cuisine.

L'Arnaith apparu alors dans le salon, toute souriant, sa main blessée bien enfoncée dans l'une de ses poches. Elle s'avanca et alla s'assoir sur le canapé. Discretement, elle sorti son membre blessé de sa cachette et le mit entre ses jambes. Elle maintenait son "pansement" avec son autre main. Son regard sombre se posa sur les deux créatures.

"Desolée d'avoir été si longue...J'ai casser la vaisselle..."

Ses levres s'étirerent en un leger sourire confus qui se transforma en un petit rictus de douleur. Sa plaie lui faisait mal. Elle se reprit cependant plutot vite et regarda Algol, les yeux legerement souriants.

"Alors ? Vous n'étiez pas en train de jouer tout les deux ? Tout bien reflechit, je veut bien participer moi aussi..."

Algol attendait encore la réponse de Laïna lorsqu'Opale les tira de leur échange muet. Le félin eut un sourire fatigué pour la jeune femme tandis qu'elle s'asseyait à nouveau à côté de lui.

"Desolée d'avoir été si longue...J'ai cassé la vaisselle..."

"Ca arrive à tout le monde. Je t'aiderai à en racheter si tu veux. Alors Laïna, tu..."

Le sous-chef s'interrompit. La fatigue commençait à lui jouer des tours, il croyait presque sentir davantage de sang. Pourtant la jeune créature ne semblait pas plus mal en point. Il devait rêver, c'était la fièvre qui altérait ses sens. Il y avait plus important dans l'instant, il devait faire promettre à la panthère qu'elle ne jouerait plus les individualistes alors qu'elle avait besoin d'aide.

Mais non, il ne rêvait pas, l'odeur s'était bien faite plus présente, c'était juste qu'elle ne provenait plus seulement de Laïna ou de lui-même. Lentement, Algol tourna la tête vers Opale, et ses iris ambrés se posèrent sur les mains que la jeune femme gardait précautionneusement coincées entre ses cuisses. L'attitude passait pour si naturelle que sans son odorat hyperdéveloppé, Algol ne l'aurait pas remarquée. Et maintenant qu'il y faisait attention, il remarquait que quelque chose n'allait pas dans l'expression d'Opale.

"Qu'est-ce que tu as?"

Sans lui laisser le temps de protester, il saisit son poignet gauche et l'obligea à le lui montrer. Le sous-chef s'assombrit de manière notable en découvrant le pansement de fortune fait de sopalin déjà saturé de sang. A croire que l'Arnaith avait un faible pour les bricolages dans ce genre. Précautionneusement, Algol força sa main gauche à réagir pour écarter délicatement le papier absorbant tandis qu'il maintenait le poignet d'Opale de l'autre main. Un soupir passa ses lèvres lorsqu'il découvrit l'entaille qui barrait la base du pouce de la jeune femme.

"Oh non... Vous vous êtes données le mot, ou quoi? C'est pour entrer en concurrence avec moi? Il faut désinfecter ça Opale, je sais de quoi je parle."

Il reposa doucement le sopalin sur la plaie tout en adressant un sourire désabusé à l'Arnaith:

"Ca doit te faire mal. Il faut soigner ça avant tout, après... je crois que Laïna est tout à fait d'accord pour que tu intègres le jeu, elle a une question importante à te poser..."

Il ponctua sa phrase d'un petit clin d'oeil pour rassurer la jeune femme sur la nature de ladite question, avant de lui rendre sa main à regret. Il espérait profondément que cette entaille ne fût pas trop douloureuse.

Opale regardait Algol avec un air d'une enfant prise en faute. Ses yeux passait de sa blessure au felin. Quand celui ci lui rendit sa main, la jeune femme s'empressa de la ramener contre elle, son regard fautif fixait le regard ambré du sous chef. Il avait raison, sa plaie lui faisait mal.

"Je...J'ai pas fait exprès ! Je me suis coupée avec un morceau d'un des bols que j'ai cassé et..."

Elle s'appretait à ajouter quelque chose d'autre quand Algol lui fit un clin d'oeil. Ce petit signe coupa court à ses justifications et fit legerement rosire ses joues. L'air penaude, l'Arnaith monta dans la salle de bains. Elle y resta de longues minutes, le sang ne voulant pas s'arreter de couler. Opale gardait sa main sous le robinet d'eau froide, seule astuce qu'elle ait trouvé pour stopper temporairement les saignements. La jeune femme s'étira le plus possible, pour pouvoir garder sa main sous l'eau et avec l'autre elle ouvrit l'armoire à pharmacie. Elle en ressorti un plein flacon d'alcool à 70°. Prenant son courage à deux mains, elle en vida un peu sur sa plaie, tout en se mordant la levre pour éviter de crier. Le liquide eut pour effet de stopper l'hemorragie mais aussi de lui anesthesié tout le pouce. Mais il y avait du mieux, elle avait moins mal et cela ne saignait plus. Elle fouilla à la hate dans les medicaments et en ressorti une boite de pansements. Opale en prit un et se le colla sur la plaie. Après quoi, elle redescendit pour aller reprendre sa place à coter d'Algol sur le canapé.

"Voila...C'est desinfecté...Bon Laina, qu'elle est donc cette importante question que tu voudrais me poser ?"

Opale était assise sur le canapé mais elle n'était plus lover contre l'accoudoir. Elle s'était legerement rapprochée d'Algol. La jeune femme posa ses deux mains bien à plat sur le tissus. Ses doigts n'étaient qu'a quelques millimetres seulement de ceux du felin.

¨La jeune créature écouta attentivement les paroles du félin. Ainsi, il était le sous-chef? Bonne information sauf que cela voulait dire qu'il ferait parti de ceux qu'elle servirait avec dévotion. Un sourire s'afficha, car elle aimait beaucoup Algol. Elle découvrit aussi une version objective de la personne du fameux Noah. Ainsi s'était vrai, il était violent. Mais Algol affirma qu'il ne ferait pas de mal à une créature ce qui la rassura d'autant plus que si lui se trouvait près d'elle, elle ne risquait vraiment rien.

Sa joie explosa au fond d'elle même lorsqu'il lui confirma que la jeune femme, qui apparement était une ennemi sans vraiment en être une (là, elle ne comprenait pas tout mais peu importait), pouvait sûrement l'aider! ses yeux s'illuminèrent d'un bonheur appaisant jusqu'à ce qu'elle se rende compte que le sous-chef n'allait pas bien du tout. Quelle idiote! Elle avait posé ses questions et égoïstement n'avait pas pensé qu'il ne serait peut être pas en mesure physique de répondre.

Elle coucha les oreilles avec un air affligé. opale apparut et disparut vers l'étage quelques instants plus tard. Laïna ne savait plus quoi faire. Soudain, les mots la fusillèrent de plein fouet.

"J'aimerais que tu m'accordes une promesse, une unique promesse, d'accord?"

Elle n'aimait pas faire des promesses. Cela ne venait pas du fait qu'elle n'aimait pas les respecter mais de celui qu'une promesse obligeait à se lier à la personne qui demandait. Elle avait très envie de lui accorder n'importe quoi, mais elle avait tellement peur de devoir à nouveau s'attacher.

"Promets-moi de ne plus jamais, plus jamais tu entends, refuser de demander mon aide ou celle d'Opale alors que tu te sens mal. Jamais."

Laïna se figea, une expression de terreur dans le regard qu'elle abaissa tout de suite pour se cacher. Elle ne répondit pas, sa gorge nouée ne voulant faire sortir aucun son. Tout son passé redéfila sous ses yeux humides. Dans un ultime combat contre elle mêm, elle puisa la dernière ressource de courage qui lui restait.

"Je...je.... je vous le promets, monsieur Algol."

Sa voix était étrangement étranglée. Opale, fort heureusement, répparut et revint s'asseoir près du félin. A la grande surprise de la petite créature, elle avait décidé de se prêter au jeu. Le clin d'oeil du félin aurait dû lui permettre de trouver un soupçon de courage mais rien ne sortait. pourtant, elle avait promis. Mais Algol ignorait combien il lui était difficile de parler après toutes ces années. Et elle avait subitement attrocement peur d'enlever cet objet. Elle venait de passer les doigts entre sa peau et le morceau de cuir certi de pointes et avait dû étouffer un cri violent de douleur en se rendant compte que le collier et sa chair ne faisaient plus qu'un. Elle ferma les yeux et avec toute la volonté dont elle disposait, essaya de poser la question que la créature, allongée sur le canapé, tentait vainament de lui faire avouer.

"Mademoiselle Opale...Je...enfin.... Est ce que vous...Le collier....Pouriez vous l'ôter....S'il vous plait?"

Elle respira difficilement, les oreilles toujours couchées par dépit. La question à monsieur Algol lui avait semblé moins contraignante à sortir. Mais ce n'était alors qu'une simple curiosité. Elle ne pensait pas avoir une réponse positif. Mais le fait de savoir maintenant que cela serait certainement possible changeait considérablement la façon de voir les choses. Elle ne releva pas les yeux et malgré la promesse, aurait voulu disparaître.

"Mademoiselle Opale...Je...enfin.... Est ce que vous...Le collier....Pouriez vous l'ôter....S'il vous plait?"

Le regard d'Opale se posa sur le collier attaché autour du cou de Laina.

"Bien sur, je vais voir ce que je peut faire pour toi..."

La jeune femme se mit a genoux derriere Laina et souleva sa longue chevelure pour la faire reposer sur l'épaule de celle ci. Pendant un long moment, elle bidouilla un petit boitier noir qu'elle avait decouvert. Elle en triturait les cotés, tira dessus, appuya dessus mais rien n'y faisait. Bien determinée à debarrasser Laina de ce ô combien disgracieux objet, la jeune femme n'abandonna pas. Si ces superieurs la voyaient, ils la renverraient sur le champ mais peut etre qu'au fond cela ne serait pas si mal...Le collier commencait serieusement à enerver l'Arnaith qui, en dernier ressort, tapota sur le boitier pour savoir si celui ci était creux ou non. C'est alors qu'un leger bruit de cliquetis se fit entendre et le boiter s'ouvrit. Opale en prit une des extremités et delivra Laina de cet affreux et cruel objet.

"Voila...Laina, il ne te fera plus souffrir..."

La jeune femme regarda le collier. Les pointes metalliques qui le composait étaient couvertes de sang. Cette vision eut l'effet d'un electrochoc dans l'esprit de la jeune femme: Jamais, plus jamais, elle ne ferais du mal à une créature, d'autant plus qu'elle commencait à serieusement s'attacher à l'une d'elle. Elle se releva et son regard croisa un instant celui d'Algol, un leger sourire se dessina sur le visage de l'Arnaith. Puis elle posa le collier à coter de Laina, c'était à elle de se debarrasser de cet objet, pas à Opale. La jeune femme retourna s'assoir, se calant au fond du canapé. Elle tourna la tete vers Algol et remarqua que lui aussi avait un collier. Le faisait il souffrir lui aussi ? Pourquoi le gardait il au lieu de l'enlever ? Opale resta silencieuse meme si ces questions lui brulaient les levres tout comme celles concernant ses cicatrices. Mais c'était ce coté mysterieux qu'avait le sous chef qu'Opale appreciait et elle se dit, qu'un jour, elle finirait bien par apprendre tout ce qu'elle aimerait savoir à son sujet. Le jour où il sera decidé à lui reveler son passé.

Algol faillit saisir la main meurtrie d'Opale dans la sienne lorsqu'elle la déposa sur le canapé, si près de la sienne, mais il se retint. Il préférait attendre que l'entaille se refermât un peu, il n'avait pas envie que sa caresse la rouvrît davantage. Tiens, il arrivait à y penser en employant le mot "caresse", à présent... Etonnant comme son esprit avançait en roue libre sans même qu'il y pensât.

Il approuva d'un signe de tête lorsque Laïna parvint enfin à poser sa question à Opale. Cela lui avait demandé un effort incroyable, qu'Algol ne comprit tout à fait que lorsque l'Arnaith réussit à ouvrir la serrure du collier. Le spectacle que ce dernier dissimulait était tout simplement révoltant, et c'était un miracle que la jeune panthère ne se fût pas mise à hurler alors qu'on la délivrait.

"Quelle brute ignoble a bien pu te faire subir une chose pareille? Viens, approche-toi un peu s'il te plaît. Je ne te toucherai pas, promis, je veux seulement examiner ça d'un peu plus près."

Il déplia ses jambes pour s'asseoir au bord du canapé, ce qui se révélât bien plus pénible que prévu. Imperturbable, le sous-chef essuya la sueur qui recommençait à lui couler dans les yeux et il se pencha un peu plus pour détailler les plaies de la jeune créature. Il retint une grimace: depuis combien de temps ces pointes retournaient-elles la chair de la malheureuse panthère, depuis combien de jours, de mois supportait-elle cette douleur en permanence? Les mâchoires d'Algol se serrèrent et les cheveux de la base de sa nuque se hérissèrent de rage:

"Si je mets les griffes sur l'enflure qui a osé..."

Il soupira profondément pour se calmer et recula un peu dans le canapé:

"Ca va aller, c'est finit maintenant. Ca doit être douloureux, mais je pense que ça va s'atténuer à présent qu'on a enlevé les pointes. J'ai connu une ou deux autres créatures qui avaient dû porter des colliers comme celui-ci, et elles s'en sont très bien remises. Tu n'as pas à t'inquiéter, avec un peu de chance tes cicatrices ne se verront presque pas."

Il hésita un instant avant de poursuivre:

"Ce n'est qu'une proposition que je te fais, tu n'es pas obligée de répondre et encore moins d'accepter. Prends-ton temps pour y réfléchir. Mais si tu le souhaites et si tu me dis de qui il s'agit, je me ferai un plaisir de m'occuper personnellement de ton ancien maître."

A cet instant, Algol ne pensait plus qu'il était assis à côté d'une Arnaith, il oubliait même qu'il ne pouvait pas se lever sans défaillir. Il était furieux, tout simplement furieux. C'était ce genre d'acte qui lui faisait haïr la majorité des humains et la rendait méprisable à ses yeux. Pauvre Laïna. Le sous-chef ferma les paupières le temps de se reprendre: inutile de se mettre en rage pour rien, il était incapable d'agir dans l'instant. Et si la jeune panthère ne lui disait rien, il ne ferait rien. Mais dans le cas contraire...

Le félin se crispa dans le canapé et ses doigts entrèrent en contact avec ceux d'Opale, lui faisant brusquement ouvrir les yeux. Son regard ombrageux se posa sur la jeune femme, et le vieil ambre sombre redevint miel. Ne pas généraliser. L'Arnaith allait certainement permettre à Laïna de se soigner, tout comme elle l'avait déjà soigné lui. Algol se détendit et un sourire revint s'incrire sur ses lèvres tandis qu'il refermait sans plus d'hésitation sa main autour de celle d'Opale. Il était à présent la seule personne de leur petite assemblée à porter un collier, ce qui lui procurait une drôle de sensation, un peu comme s'il ne jouait pas le jeu. Il soupira et empêcha de peu ses paupières de se fermer à nouveau. Le jour se levait, et pourtant il était si fatigué...

Lorsqu'Algol referma ses doigts sur ceux d'Opale, celle ci tourna la tete vers lui. Elle carressait doucement le dos de la main du felin malgrès que son pouce meurtri lui fasse encore mal. Ses levres s'étirerent en un sourire qui se voulait reconfortant, sourire dans lequel on pouvait lire: Ca va aller...
Il ne fallait pas qu'Algol s'enerve, cela ne servirait à rien si ce n'est à rouvrir la plaie qui barrait son flanc. Opale plissa les yeux, des gouttes de sueur perlaient sur le front du sous chef. Il semblait fatigué, il faut qu'ils ont eu tout trois, une petite nuit.

Ses yeux se poserent sur le cou de Laïna si douloureusement orner de multiples plaies sanguinolentes. Abandonnant à regrets la main du felin, la jeune femme se releva et se mit accroupi devant la jeune créature. Posant ses mains sur les épaules de celle ci et lui adressant un sourire, Opale lui dit:

"Viens avec moi, on va monter dans la salle de bains et te soigner ça..."

Sans lui laisser le temps de protester, Opale se releva et aida Laïna à en faire de meme. Son regard sombre se plongea dans celui couleur miel d'Algol.

"Repose toi pendant ce temps..."

Elle ponctua sa phrase d'un leger sourire et sorti de la piece en compagnie de Laïna. L'Arnaith referma doucement la porte et, en faisant signe à la jeune créature de faire le moins de bruit possible, elle monta les escaliers.
Jamais son armoire à pharmacie n'avait autant été mise à contribution. Opale l'ouvrit et en resorti coton, compresse et toutes sortes de bandages. Elle humidifia legerement un linge et commenca à nettoyer le sang qui coulait le long du cou de la jeune créature.

"Si je te fait mal tu m'arrete tout de suite d'accord ?"

La jeune femme leva un instant les yeux vers Laïna puis se reconcentra sur ses blessures. Elle avait parler à voix basse. Certes l'état d'Algol s'était ameliorer mais il s'ameliorerait bien plus vite si celui ci arrivait à dormir, ne serait-ce qu'une petite heure. Tout en restant silencieuse, Opale nettoyait les blessures de la jeune créature, prete à s'arreter au moindre gemissement de douleur de celle ci.

Lorsque la jeune humaine commença à triturer le collier, Laïna étouffa un gémissement. Elle sentait ces morceaux de fer s'enfoncer et bouger dans leur étuit de peau. Et lorsqu'enfin Opale tira sur l'engin pour le lui ôter, la jeune créature ne pû renfrogner un cri terrible d'attroce douleur. La même sensation que si on la tatouait au fer rouge lui travers l'échine. Elle entoura son cou de ses petites mains, tentative vaine pour retenir le sang qui coulait des plaies faites par le collier. Des larmes chaudes et humides coulèrent le long de son minoi en un torrent déchainé mais sans un bruit.

"Quelle brute ignoble a bien pu te faire subir une chose pareille? Viens, approche-toi un peu s'il te plaît. Je ne te toucherai pas, promis, je veux seulement examiner ça d'un peu plus près."

Laïna se laissa approcher pour que le félin éxamine. Elle retira à contre coeur ses petites mains tâchées de sang et se précipita de les y remettre lorsqu'il eut finit son inspection. Sa tête tournait et elle n'écouta pas ce que le félin lui dit. Elle ne comprit que la fin du discours


"Ce n'est qu'une proposition que je te fais, tu n'es pas obligée de répondre et encore moins d'accepter. Prends-ton temps pour y réfléchir. Mais si tu le souhaites et si tu me dis de qui il s'agit, je me ferai un plaisir de m'occuper personnellement de ton ancien maître."

Elle aurait voulu lui répondre, mais elle en était bien incapable. Et puis qu'aurait-il dit à l'annonce qu'elle ne savait même pas d'où elle venait et que son ancien maître était le propriétaire d'une maison de passe remplie de créature faisant le bonheur des humains les plus vicieux qu'il éxiste. Elle eut la nausée rien que d'y repenser. Ce fut opale qui la sortit de nouveau de son état second et qui l'entraina de force dans la salle de bain.

Là, elle ne fit qu'un léger signe de tête pour confirmer les paroles d'Opale. Elle se laissa docilement faire même si une affreuse envie de se rebéller tant la douleur était puissante lui montait dans les entrailles. Il fallait bien avouer que le contraire l'aurait fortement étonné. Les plaies devaient être particulièrement infectées, vu le temps qu'elles avaient passé à s'ouvrir, à prendre la boue, la pluie, se refermer, la saleté, la sueur et bien d'autres choses encore. Mais cela irait vite mieux, monsieur Algol l'avait dit. Un tremblement violent la parcourut, laissant échapper un sanglot. Tout était finit, enfin. A cet instant, elle ne pû se retenir et sauta dans les bras de la jeune femme pour la remercier.

Quand la jeune créature lui sauta au cou, Opale tomba à la renverse sur le carrelage. La jeune femme eut un sourire bienveillant, presque maternelle en reponse à ce geste affectif. Les bras de l'Arnaith entourerent la taille de Laïna et les mains de celle ci lui frotterent le dos pour la reconforter.

"Ca va aller Laïna...Ne t'inquiete pas...Maintenant, il faut soigner ça..."

Opale se detacha de l'etreinte de la jeune panthere et continua a nettoyer les plaies. Elle ne sait pas combien de temps elle y passa, surement une bonne partie du matin tant celles ci saignaient. Certaines étaient meme très infectées, si bien que la jeune femme vida son flacon d'antiseptique. Quand elle eut fini, elle entoura le cou de Laïna d'un bandage blanc. Bandage qu'elle croyait avoir perdu mais qui était tout simplement caché par une boite de pansement. Elle se redressa, un craquement sinistre se fit entendre. Les genoux de l'Arnaith n'avaient pas apprecier qu'elle reste trop longtemps en position accroupie et lui faisait douloureusement comprendre. Elle se lava les mains tachées du sang de la jeune panthere et la regarda. Un sourire se grava sur les levres d'Opale.

"Tu n'auras plus mal maintenant...Plus personne ne te fera de mal, je te le promet..."

Oui, elle lui promettait et pensait bien s'y tenir. Elle tiendrait les Arnaiths aussi eloignés que possible de cette petite créature. Elle se dirigea vers la porte et indiqua à Laïna de la suivre d'un signe de tete. Toutes deux descendirent les escaliers en silence et Opale s'arreta devant la porte du salon. Barrant ses levres de son index, elle posa ses deux mains sur les épaules de Laïna et la dirigea vers une autre porte qui debouchait, elle aussi, sur la cuisine. La jeune femme se mit assise sur une chaise.

"On va rester ici un petit peu....Juste le temps de laisser Algol se reposer. Mais si tu veut aller livre un lire dans la bibliotheque, tu peux. Tu es ici chez toi, Laïna."

Opale avait parler a demi voix, si bien que celle ci avait été en partie couverte par le tic tac incessant d'un pendule accrochée au dessus de la poubelle. Elle jeta un coup d'oeil vers la porte et, a travers la vitre opaque, elle distinguait la silhouette du sous chef. Opale appuya sa tete sur une de ses mains et un petit sourire se dessina sur ses levres alors qu'elle ne pouvait detacher ses prunelles sombres de la silhouette qu'elle distinguait derriere la vitre.

Algol avait aquiescé d'un signe de tête lorsque Opale lui avait conseillé de se reposer pendant qu'elle allait soigner Laïna. Il avait laissé les deux jeunes femmes s'éclipser avant de fermer les yeux et de laisser tomber sa tête dans ses mains, ses coudes prenant appui sur ses genoux. Sa migraine repartait de plus belle à présent qu'il s'était énervé, et il commençait à en avoir assez de rester cloué à ce canapé comme un infirme. Il aurait tellement aimé aider Opale, aider Laïna... Il n'avait pas l'habitude que l'on s'occupât de lui sans rien lui demander en échange, et il était désespéré de n'être qu'un poids pour l'Arnaith qui l'avait si gentiment accueilli.

Le félin se renversa en arrière pour reposer sa tête sur l'oreiller. A tâtons, il saisit la serviette glacée qu'Opale lui avait préparée plus tôt dans la nuit. Il n'y restait plus la moindre trace de glaçon, mais au moins elle était toujours fraîche. Algol essuya la sueur de son visage avec un soupir de soulagement, sans rouvrir les paupières. Il n'avait pas à se rendormir, il en avait assez d'être un boulet. Dès qu'il sentirait la plus légère des améliorations, il essayerait au moins d'aller jusqu'à la salle de bain se décrasser un peu. Il haïssait de se sentir gluant de sueur comme il avait l'impression de l'être en cet instant. Oui, il irait prendre une douche, puis il emmènerait Laïna jusqu'à la Thianra.

Quoique, ne devait-il pas remettre cela à plus tard? La jeune créature était encore sous le choc de sa libération, et quelques heures en compagnie amicale ne la desserviraient certainement pas.

*Tu ne serais pas en train de te chercher une excuse pour rester, quand même?...*

Non, bien sûr que non. De toute façon, il fallait qu'il parlât à Opale. Il avait beaucoup de choses à lui dire, et pour commencer il voulait s'excuser de l'avoir blessée au cirque. Si seulement il n'avait pas eu cette maudite tendance à détruire ce qu'il aimait... Il allait devoir avertir Opale au sujet de ses crises de démences, si leur relation continuait à progresser de la sorte il ne pouvait plus se cacher. De même pour Laïna, qui découvrirait de toute façon son instabilité mentale dès qu'elle discuterait avec d'autres créatures libres. Les coups d'éclat d'Algol étaient plutôt réputés au sein de la Thianra...

Le félin lâcha un soupir attristé et se tourna sur son flanc valide pour observer le feu qui dansait dans la cheminée. Pourquoi les choses étaient-elles si compliquées? Pourquoi ne pouvait-il pas analyser sereinement ses sentiments pour Opale, sans craindre de la mettre en danger? Il fallait qu'il trouvât un moyen d'expliquer tout cela aux deux jeunes femmes, et ce n'était pas une mince affaire. D'autant plus que réfléchir lui donnait affreusement mal à la tête. Il ferma les yeux pour chasser sa migraine, et sans vraiment s'en rendre compte, il glissa doucement dans les bras de Morphée, l'image d'Opale au fond des yeux.

La petite panthère tripota les bandes qu'Opale venait de lui mettre pour panser les blessures. Le contact de la matière avec son cou la démangeait tout en la faisant souffrir. Cependant, elle remarqua que la douleur était soudainement devenue plus que supportable. Elle lâcha donc l'emprise des bandes avant qu'Opale ne lui fasse une remontrance et la suivitdocilement dans la cuisine. apparemment, le sous-chef avait finit par s'endormir ce qui était une bonne chose. Opale avait raison, il lui fallait une bonne dose de repos.

Elle alla s'asseoir sur une chaise et se mit à fixer la pendule qui raisonnait pendant qu'Opale lui parlait. Mais elle n'avait pas vraiment l'envie de bouger. Elle aussi était fatiguée et elle se laissa vite emporter par le tic-tac de l'horloge. Toujours éveillée, elle sombra cependant dans un autre monde, comme hypnotysée par la pendule. Son cerveau s'était mis à analyser tout ce qui venait de ce produire dans un rayon d'une semaine. Son arrivée en ville, la recherche de la machine, la recherche d'un asile tranquille, et enfin la rencontre avec Opale et Algol. La libération du collier, les informations sur la Thianra et tout le reste. Elle ne s'était décidément pas ennuiyée. Et surtout, elle se rendit compte qu'elle avait beaucoup grandi dans sa tête.

Lorsqu'elle emmergea, elle vit Opale observer, comme il était facile de le deviner, le félin affalé sur le canapé et qui semblait dormir comme un gros bébé. Laïna sourit. Il y avait bien plus que de la sympatie sous cette étrange relation. Pourtant, Algol lui avait dit que lui et Opale était normalement les pires ennemis. L'image de Roméo et Juliette lui apparut mais en version améliorée.

"Mademoiselle Opale, je sais que je vais vous paraître indiscrête mais il y a quelque chose que je ne comprend pas. Algol m'a dit tout à l'heure qu'il était le sous-chef de la Thianra qui était l'ennemi juré des Arquelque chose dont vous même vous faîtes parti d'après ce que j'ai entendu. En théorie, vous êtes donc des ennemis vivaces. Mais en pratique vous semblez autrement. Très proches. Est ce à cause de votre différence que vous tentez de résister à l'appel des sentiments?"

Elle pouvait certes paraître indiscrête mais elle avait vraiment du mal à cerner le tout.

Opale tourna lentement la tete vers Laïna et ecouta attentivement ce qu'elle lui disait. Ainsi Algol avait tenté de lui expliquer leur situation. Situation bien ambiguë selon la jeune femme: Le sous chef et elle meme sont théoriquement des ennemis, théoriquement....Parce que la verité était toute autre.

"Oui, nous sommes sencés etre des ennemis...Moi je fait partie des Arnaiths: une sorte d'association que tue ou capture les créatures et plus particulierement celles de la Thianra, dont fait partie Algol. Quand à mes sentiments, ils sont un peu confus en ce moment..."

Un long silence s'en suivit. Opale regardait partout dans la cuisine, detaillant le moindre recoin. Il fallait qu'elle trouve quelque chose à faire quand ses yeux se poserent sur un presse papier en forme de pomme. Mais bien sur ! Elle et Laïna allaient faire de la patisserie.

"Je viens d'avoir une idée ! On va faire un gateau aux pommes ! Je ne connais rien de mieux que la patisserie pour guerir les malades !"

Sans laisser le temps à sa jeune amie de repondre, Opale fila chercher oeufs, lait, farine, pommes et sucre. Elle sorti aussi un saladier d'un placard. Et pendant de longues minutes, le temps de preparation de la pâte, ce ne fut qu'éclats de rire et bataille de farine qu'echangerent les deux jeune femmes. Quelques trente cinq minutes plus tard, le gateau était cuit et le fumet qu'il degageait embaumait toute la cuisine. Fiere d'elle, Opale presenta le gateau à Laïna.

"Alors ? Il est beau, non ?"

Avec un sourire qui se voulait complice, l'Arnaith ouvrit doucement la porte du salon. Algol dormait encore. Elle n'arrivait pas à croire qu'avec le bazar qu'elles avaient semé et les cris qu'elles avaient poussés en se lancant de la farine, que le felin ne se soit pas reveillé. A pas feutrés, la jeune femme s'approcha de la table basse et posa le gateau dessus. Elle la contourna et s'approcha du sous chef endormi. Elle remonta legerement sa couverture, laissant sa main s'attarder sur la joue de celui ci, un doux sourire se peignant sur ses levres. Elle se mit assise sur le bord du canapé, sa main n'avait pas quitté la joue du félin. Silencieuse, elle fixait Algol. Elle repensa alors à la question de Laïna: Est ce à cause de votre différence que vous tentez de résister à l'appel des sentiments?
L'appel des sentiments...Oui, il était bien là et chaque minute plus fort encore que la precedente.