Danse sous la lune

La nuit était tombée depuis longtemps, et dans la ville, un certain silence commençait peu à peu à gagner les ruelles. Du moins les ruelles les moins proches du centres, celles qui délimitaient encore la ville elle-même de la banlieue. Il n'y avait qu'un petit vent frais, et le ciel sans nuage offrait une demi-lune au milieu des étoiles sintillantes. Les toits offraient probablement le meilleur point de vue pour oberver aussi bien le ciel, que les allées tortueuse de la grande Paris, se noyant entre les reflets jaunâtres des lampadaires et les tâches noirs ténèbres des ombres bien plus nombreuses.

Mais ce décor étrange n'était pas la source d'intérêt première de cette silhouette féline qui bondissait en sillence de toit en toit, ne faisant frémir sous ses pas que les rares tuiles que l'on trouvait encore en ville. Se jouant de la gravité autant que des regards indiscrets, Nyarai se laissait aller à cette petite envie d'effleurer ce qu'était la liberté. une bien étrange sensation que celle d'avancer de son plein gré, de poser ses pas selon son bon vouloir et non pas celui d'un maître. Elle n'aurait elle-même su dire si c'étaut agréable ou dérangeant. C'était juste étrange, sans plus.

Les pas grâcieux de la féline cessèrent sur la pointe d'un toit en pyramide, longeant le maigre rebord sur la pointe des pieds, bras écartés dans un délicat équilibre, ses mains même ondulant pour conserver cette parfaite stabilité. Ses paupières s'abaissèrent tandis qu'une bourrasque de vent fit danser quelques mèches d'un blond presque lumineux devant son visage. Si l'on faisait abstraction des survêtements qui la recouvrait, on eut pu croire à un ange égaré là.

Les yeux clos, elle fit un pas, puis deux, sur ce rebord incertain, dans une étrange danse dont les mouvements étaient guidés par les caprices d'un vent déstabilisant. Mais elle tenait en un parfait équilibre, exécutant une petite pirouette sous le coup d'une simple envie, piquant de la point de son pied tout juste vêtu d'un chausson pour mêler la grâce d'une danseuse à celle de l'équililbriste qu'elle savait être, valsant à mi parcourt entre un simple entraînement et un rêve éloigné. Du moins jusqu'à-ce qu'un bruit ne lui fasse rouvrir brusquement les yeux...


[Ouvert à qui veut!^^]

Les toits, les toits... Toujours les toits. Un cimetière des âmes égarées, un lieu au dessus de tout, là où guère humains ne se risquaient. Un endroit fort accueillant pour le petit penseur qu'était Thim.
La pluie s'était abattue sur la ville et ne restait à présent que la terre cuite délavée des tuiles sur la charpente de l'édifice.
L'hybride avait pris la rincée mais rassurez-vous, cela avait été volontaire. Là, sous les trombes d'eau, il se sentait bien. Lui, chat de gouttière, vagabond solitaire.
Comme à chaque fois, il s'émerveillait du ruissellement de l'eau contre son épiderme, du tumulte incertain des gouttes sur le bitume, sur la couverture du toit.
Appuyé comme à son habitude au conduit de cheminée, Thimothé croisait les bras, assis en tailleur. Le spectacle et la rêverie passés, il tentait tant bien que mal de réchauffer son corps frêle, frictionnant ses bras, serrant les cuisses.
Il commençait à fermer les yeux, le menton callé entre ses genoux quand...
Il releva immédiatement la tête, sourcils légèrement froncés de surprise et d'inquiétude.
Rares étaient les jours où par hasard il se voyait déranger par une présence étrangère. Il y avait des milliers et des milliers de toits dans la capitale. Pourquoi fallait-il que quelqu'un choisisse le même que lui ? Une créature qui de plus est. Il sentait son odeur féline. Et en observant sa silhouette gracieuse et agile, plus aucun doute n'était possible.
Il dégluttit difficilement. Il avait toujours du mal avec ses semblables. Ils lui faisaient peur.
Il toisa la demoiselle, d'abord craintif, puis à demi émerveillé. Quelle douce apparition que celle d'une équilibriste aux allures séraphiques, doucement ébranlée par le flux du vent.
Thim se releva lentement, tentant de ne pas faire de bruit. Habile et chanceux qu'il était, il posa le pied sur une tuile chancelante qui glissa sous son poids et faillit le faire tomber avant qu'elle ne dévale avec fracas la pente puis ne s'écrase au sol à la suite de quelques secondes silencieuses de chute.

C'était sûr, à présent il était repéré. Une moue désolée prit vite place sur les traits de son visage. Se sentant fautif pour on ne sait quelle raison, il commença à bégayer.

"Je... Euh... Suis désolé... Hum..."

Il passa du coq à l'âne en se redressant. Il fallait paraître un minimum digne voyons.

"Vous êtes très belle !"

Ses joues virèrent au rouge.

*Pourquoi j'ai dit ça moi ? -,-*

Sûrement parce qu'au fond il le pensait et... Un compliment valait bien le pardon pour l'avoir déranger dans son joli numéro de danseuse nocturne.

Ses yeux rouverts, la lionne tourna simplement son attention vers l'origine de ce son qui l'avait tirée de ses rêveries. Quelque chose était tombé dans la ruelle. Ce fut la direction première que ses orbes bleutées avaient prises, jusqu'à-ce qu'elle remarque une autre présence, celle-là même qui avait dû causer ce bruit. Décidément, elle n'était pas très méfiante, en rien elle n'avait senti jusque-là la présence d'un congénère.

Mais Lorsqu'elle le remarqua, son premier geste fut l'esquisse d'un pas de recul, jusqu'à-ce qu'elle prenne conscience de la taille de la créature présente. Un petit? Ou une petite, difficile à dire comme ça. Mais la rapide expression de crainte qui était venue déformer ses traits s'était maintenent mué en une sorte de petite moue attendrissante. Oh non, il ne fallait pas s'excuser! Après tout, ce devait être forcément elle l'intrus, elle qui ne se promenait que rarement ou même jamais en dehors de son cirque.

"Non, il ne faut pas être désolé, c'est ma faute"

Mais avant qu'elle ne puisse enchaîner, la petite créature avait lancé son compliment qui plus que par son sens surpris Nyarai par son décalage avaec la situation. Ce qui d'ailleurs était clairement remarquable à son air étonné, vite remplacé par un sourire chaleureux

"C'est très gentil! Comment tu t'appelle?"

Elle se baissa tranquillement, jusqu'à être accroupie sur ce bout de toit, ses mains venant simplement se poser devant elle sur le sol de tuiles. Il ou elle était mignon(ne)! Si jeune, ou en tout cas elle le croyait. Et elle avait du le (la) déranger par ses pas nocturnes.

Thim, le dos vouté par la timidité, finit par se redresser. Elle n'avait pas l'air agressive.
Ses joues étaient encore rouges de honte. Quelle idée de lui avoir dit qu'elle était belle... Il releva son regard d'un bleu d'obsidienne vers la lionne pour constater qu'il n'avait fait qu'être sincère.
Il essaya de replacer ses pieds sur des tuiles stables sans faire dégringoller les incertaines.
La créature face à lui s'était accroupie. Comme tous ses semblables, elle possèdait une grace et une agilité hors norme.

"Je m'appelle Thimothé."

Lassé de patiner à côté du conduit de cheminée, il bondit jusqu'à la crête du toit, non loin de Nyarai dont il imita la position.

"Et toi ?"

Il ne sut résister à l'envie de la questionner d'avantage, sans attendre qu'elle ne réponde à sa première question.

"Je t'ai vu exécuter une jolie pirouette tout à l'heure... C'était... joli... Comment t'as appris à faire ça ?"

Thimothé, un garçon donc. Voilà qui simplifiait nettement les perceptions incertaines de la lionne. Toute intriguée par la petite créature, elle n'osait pas bouger tout de suite, inclinant même la tête pour le regarder un peu plus en détail. Ce n'était pas vraiment dans ses manières, en tout cas pas face à un adulte, mais face à un plus jeune, elle se retrouvait elle-même les tendacne d'un châton.

"Je m'appelle Nyarai!"

Et chose étrange, elle gagnait même en enthousiasme. Tellement qu'elle ne pu s'empêcher d'avancer un peu, sans se redresser, ne faisant que deux ou trois mètres grand maximum accroupie, se servant de ses mains sur la crête du toit comme appui pour ne pas prendre le risque de glisser.

"On m'a appris, tout simplement."

Certes il y avait une part de cet équilibre et cette finesse naturelle si commune aux créatures, mais pour ce qui était des actes se rapportant à plus de techniques humaines comme la danse, ce n'était qu'entraînements et leçons données par les humains. Mais discuter de ses apprentissages n'était pas vraiment la première chose qui passait à l'esprit de la jeune femme qui s'avança à nouveau, pour s'arrêter entièrement, jetant aux alentour un regard attentif, comme si elle cherchait quelque chose.

"Tu te promène tout seul la nuit?"

Trouver un adorable félin sur les toits sans la moindre autre présence paraissait tout juste imaginable à la lionne, qui elle-même n'osaot que rarement quitter le cirque seule en plein jour, et encore moins la nuit.