Le fleuve de la mélancolie... [Neela]

Quelle merveille que Paris quand le soleil couchant jetait ses langues écarlates dans le ciel rougeoyant et teintait de sang la Seine polluée qui coulait paresseusement à ses pieds. Il aimait ce moment entre ciens et loups où le jour mourait lentement pour laisser place à la nuit bienfaitrice qui dissimulait tellement mieux leur différence. Ses pupilles se faisaient déjà plus rondes alors que la lumière du jour déclinait. Marchant d'un pas tranquille, mais la tête dans les nuages, la silhouette qui se découpait dans le couchant avait ce petit quelque chose de gracieux dan sa démarche qui trahissait sa non appartenance à la "race supérieure". Aucun humain ne pouvait marcher en donnant cette impression de contrôler le moindre de ses mouvements. Mais surtout, aucun humain n'avait un appendice caudal tâcheté qui se balançait mollement derrière lui.

Et pour cause, celui qui déambulait ainsi d'un air absent, les mains dans les poches de son jean était une créature que sa queue indiquait comme guépard. D'apparence nonchalante, il portait des baskets, un jean usé et un t shirt noir tout simple, sans fioritures. Ses boucles auburns volaient mollement, malmenées par une légère brise, mais son esprit lui, était déjà bien loin. Il vagabondait à travers le temps alors qu'il faisait le point sur sa vie passée et ses possibilités de futur.

En fait, tout aurait été différent, dés le départ, si sa mère n'avait pas trouvé la mort en lui donnant la vie. Une mère aurait-elle eu la force ou l'envie de se séparer de son fils contre de l'argent? même s'il était une créature? Non, il ne pouvait pas croire cela. Sa grand-mère lui avait dit tellement de choses bien sur sa mère. Mais sa grand-mère qui l'avait élevé, n'avait pas vraiment hésité à le sacrifier après tout, alors comment lui faire confiance sur ce sujet là? Quand il y repensait, un pli amer venait se dessiner au coin de ses lèvres. Elle l'avait cédé sans vergogne à un pédophile, ni plus, ni moins et contre de l'argent. Mais cela n'était pas mal, puisqu'il n'était rien n'est-ce pas?

Puis s'en étaient suivis des années d'horreur qu'il ne voulait pas se rappeler, où sa dignité s'était trouvée foulée au pied par le plus terrible monstre qu'un enfant puisse rencontrer : celui qui lui volait son innocence sous des dehors d'amour. Mais cela ne l'avait pas détruit non et le regard d'une jolie file avait suffit à l'aider à se relever. Et il avait cru au bonheur, tellement fort... Et l'avait perdu brutalement. De même qu'il avait perdu la derière chose qui faisait de lui quelqu'un de différent des autres en tuant son propriétaire, en souillant ses mains de son sang. Mais nul regret dans ce geste. Juste dans sa signification profonde.

Puis, la liberté, la rencontre avec Nyarai qui lui avait rendu le sourire et la confiance en lui, l'acceptation par les humains du cirque qui lui donnaient une vision moins négative des choses. Il était tranquille, même si un collier était venu en remplacer un autre. Mais il s'était livré de lui-même après tout. Et Jaris... il repena à la jeune panthère avec nostalgie. Qu'était-il devenu? Mort? Et Katarina? L'image de la créature abattue sous ses yeux le hantait... Son regard vers lui... Il ferma les yeux et inspira profondément, avant de se figer et de réouvrir brutlement les yeux. Il n'était plus seul. Si c'était un humain, il ne risquait rien, il avait son collier en cuir noir qui lui évitait d'être tué à vu. Mais quand même... Il se tourna vers la source de sa gène momentanée et son regard dorée en croisa un autre, si semblable au sien...

Le soleil déclinait lentement, annonçant l'arrivée des ténèbres salvatrices qui bientôt plongeraient Paris dans une douce torpeur. Alors, les créatures encore libres s'éveilleraient et ils sortiraient de leurs refuges pour s'en aller profiter des quelques instants de liberté presque totale que la nuit leur procurait. Levant légèrement la tête vers l'astre solaire, Neela laissa ses derniers rayons venir à elle et lui prodiguer une douce et chaude caresse.

La jeune femme inspira longuement, profitant de l'air presque frais que lui offraient les quais. Une éternité semblait s'être écoulée depuis la dernière fois où elle avait réussi à trouver du temps pour s'extirper de ces égouts suintants d'humidité où elle vivait presque confinée dans ce lieu qui leur servait de refuge. Mais ce soir une envie trop forte de s'échapper, de s'enfuir loin de tout cela l'avait assaillie et la jeune femme s'était faite une joie d'y succomber.

Au refuge elle semblait avoir trouvé une nouvelle maison, une famille même. Elle partageait les idées et les convictions de Noah et d'Algol et se battait de son mieux pour les aider dans ce qui ressemblait de plus en plus à une quête du Grâal. Bien que sa fureur et sa haine profonde des humains lui auraient sans nuls doutes permis de rejoindre les forces disons actives du groupuscule, Neela se savait bien plus utile au poste de médecin qu'elle tenait depuis quelques temps déjà.

Enfin... Etait elle vraiment utile ? Malgré tous ses efforts, malgré tous les soins qu'elle prodiguait avec acharnement, tant de blessés mourraient entre ses mains ! Elle avait déjà vu tant de sang couler sans pour autant parvenir à l'endiguer ! Elle avait clos tant d'yeux avant de mettre en terre les corps sans vie de ses patients... Neela se sentait perdue et découragée... Peut être n'était elle pas à la hauteur de la tâche ? Peut être était il temps pour elle de ravaler son orgueil et d'admettre qu'elle n'était pas la femme qu'il fallait. Elle se détestait de se sentir i impuissante, si lâche presque...

L'humeur ténébreuse au possible, la rage au coeur et les yeux au bord des larmes, la jeune femme errait sur ces quais où elle n'était pas revenue depuis longtemps. si longtemps en fait... Elle erre, le nez au vent, les cheveux au vent et dans la douceur de cette nuit naissante, les talons de ses bottes résonne doucement sur les pavés. Neela tremble. Pourtant le temps est des plus cléments ce soir là mais peut être est ce la lassitude qu'elle sent si bien envahir tout son être ? A moins qu'il ne s'agisse de cette peur insidieuse qui envahit si lentement mais si surement son âme...

Songeuse, elle laisse un instant son regard or se poser sur les nuages qui parsèment le ciel rougoyant de Paris. Le vent, par son souffle, les entraine dans une folle sarabande... Ses pas se laissent eux aussi guider par cette étrange procession, bien décidés à les suivre aussi loin que possible. Qui sait ? Peut être le salut sera t'il au bout du chemin ?

A peine cette idée avait elle effleuré son esprit que Neela s'arrête. Là, à quelques pas seulement d'elle se trouve un être. A l'appendice qui trainait derrière lui, la jeune femme n'eut pas le moindre mal à reconnaitre en ce jeune homme l'un de ses frères créatures. Sans aucuns doutes possibles un guépard et certainement l'un des plus beaux qu'elle ait jamais croisé ! Même si ce sombre collier qui ornait son cou venait singulièrement ternir sa beauté. Neela se put s'empêcher de penser qu'une aussi belle créature se devait d'être libre... Comment pouvait il en être autrement ! Elle ne comprenait pas et de nouveau son coeur s'emplit de rage envers ses humains minables qui semblaient prendre un tel plaisir à asservir et avilir les siens !

L'homme ferma les yeux un instant et Neela en profita pour se rapprocher. Lorsqu'enfin leurs regards se croisèrent, celui de la jeune femme était empreint d'autant d'amablité que de tristesse. Laissant ses cheveux rebelles venir lui dévorer le visage et voiler à moitié son doux visage, elle esquissa un léger sourire.

-" Il semblerait que la soirée soit propice aux errances et autres flâneries solitaires... Néanmoins il est étonnant de voir une créature telle que toi dit elle en désignant le collier d'un geste du menton et sans la moindre raillerie se promener seule et sans son Maitre ? Aurais tu décidé de répondre à l'appel de la Liberté ? " questionna t'elle sur un ton léger.

Puis la jeune femme rejoignit le bord des quais et s'aseyant à même le sol, laissa pendre ses jambes dans le vide. Le vent vint à nouveau ébouriffer ses cheveux et déposer sur sa joue une aérienne et fraîche caresse. Remettant en place quelques mèches, elle regarda par dessus son épaule et ajouta, bien amicalement cette fois :

-" Je m'appelle Neela ... " dit elle simplement avant, d'un signe de la main, de l'inviter à la rejoindre.

Reyn s'était figé sous le regard d'or comme un animal captif des phares d'une voiture. Il ne bougeait plus et même sa queue semblait en alerte. Une créature donc, était en face de lui, et la première chose qu'il nota chez elle était son absence de collier. Pas de collier, pas de maître... Une créature libre comme l'air et donc traquée avec acharnement. Créature libre à son compte ou déjà membre du groupuscule qui essayait de faire reconnaître l'existence des félins et leurs droits égaux aux humains? mais était-ce bien le but de la Thianra l'égalité? Ne tendaient-ils pas vers la domination, se rapprochant ainsi des idéaux détestables des humains? Leur chef, longtemps disparu et aujourd'hui ressuscité ne semblait pas un modèle de pondération après tout. Etait-ce lui qui avait commandité l'attentat contre les enfants humains? Pouvait-on à ce point être ivre de vengeance et sacrifier des innocents? Reyn était sans doute utopiste : les enfants finissaient par devenir des adultes et l'innocence laissait place au sadisme inculqué par leurs pairs. Mais tout de même...

Et maintenant que se tenait cette femme devant lui, il mourrait d'envie de l'assaillir de questions, à commencer par savoir si elle était de la Thianra. Mais avant d'ouvrir la bouche, il la détailla et se détendit, sa queue se remettant à battre l'air paresseusement derrière lui. Elle n'avait pas l'air agressif. Elle semblait plus jeune que lui, mais tout aussi mélancolique, avec une douceur sincère sur son beau visage. Ses yeux étaient la seule chose qui la trahissaient. Ses longs cheveux d'ébène encadraient son délicat minois. Il remarqua aussi la souplesse de son corps mince et musclé et se demanda de quel croisement elle était issue. Ses cheveux dansaient librement une joyeuse sarabande alors que son regard se faisait un troublant reflet du sien : tenaillé par la mélancolie et la tristesse.

Elle lui sourit alors et Reyn sut que la belle féline allait parler. Il ne pouvait en être autrement, il avait su dés le départ qu'ils ne feraient pas que se croiser. Tout était calme autour d'eux, pas de chasseurs aux alentours, pas d'air traqué sur le beau visage qui lui faisait face : ils avaient un peu de temps. Et aussi sûrement que l'absence de collier chez elle l'intriguait, celui qu'il portait lui-même devait interpeller la créature. Et il ne se trompa pas. Elle commenta d'abord la raison de leur présence ici, avant de laissé libre court à son étonnement. Machinalement, il porta sa main aux doigts effilés vers le collier en cuir noir qui enserrait son cou et lui rappelait son statut inférieur. Cependant, celui-ci était bien moins infâmant que le précédent.

- "J'ai gagné la confiance de mes Maîtres et dans leur générosité, ils m'accordent une grande liberté de mouvement. Ma situation est un peu particulière."

Il se tut, observant la jeune femme qui prenait place sur le bord de la berge et lui livrait son nom simplement, l'invitant à partager ce moment avec elle. Il hésita un instant à peine, avant d'accepter cette invitation et de prendre place à côté d'elle, en tailleur.

- "Reyn. Je m'appelle Reyn."

Il sourit légèrement, avant que son regard d'or n'aille se perdre dans les méandres du fleuve. Le soleil continuait sa course vers l'horizon et l'obscurité finit par étendre son noir mnteau sur la ville. Il eut un petit sourire en songeant que la scène avait quelque chose d'indéniablement romantique. Mise à part que de la demoiselle à ses côtés, il ne connaissait que le nom, aussi doux que son visage.

- "Tu parlais de l'appel de la Liberté toute à l'heure... Je vois que tu y as déjà cédé."

Il tourna alors la tête vers elle et la regarda bien en face, demandant vec curiosité :

- "Fais-tu partie de la Thianra?"

Voilà, la question qui lui brûlait les lèvres venait de les franchir. Si elle répondait non, tant pis, il lui demanderait tout de même comment elle survivait et si c'était oui... Alors les questions risquaient de pleuvoir. Elle pouvait mentir, ou dire la vérité. Le choix lui appartenait. Elle était la première créature libre qu'il rencontrait, qui ne semblait pas traquée et aux abois.

Dans la pénombre de cette nuit naissante, la course effrénée des nuages avait fait place au ballet des étoiles. Scintillant de tous leurs feux celles ci venaient, l'une après l'autre, sertir l'immensité de la voûte céleste. Bientôt Paris allait plonger dans une douce torpeur et pour un moment, un moment seulement, ses habitants trouveraient une bien fragile quiétude. Au loin les lampadaires comme autant de petites lucioles venaient éclairer de leur lumière diffuse les pas des promeneurs égarés. Les immeubles eux même semblaient s'être mis au diapason et derrière les fenêtres on voyait içi et là de petites lumières s'allumer.

Que Paris était belle ainsi !
A la voir aussi lumineuse, aussi calme et enchanteresse, la jeune femme en venait presque à oublier tout ce mal qui rongeait si surement le coeur de la capitale. Toutes ces luttes, toute cette violence qui soulevaient deux peuples et dévastaient leurs membres... Des fois il arrivait à la jeune femme de se dire que tout ceci n'était qu'un cauchemard et qu'elle se réveillerait un beau jour aux côtés de son cher maitre disparu. Sa liberté envolée mais son coeur pas encore souillée par toutes les atrocités qu'elle avait vues ces derniers mois. Et si c'était à refaire, prendrait elle à nouveau la décision de fuir ? Sa liberté, ou ce qu'on prétendait être la liberté méritait elle vraiment que l'on fasse tant de sacrifices ? Et était ce seulement être libre que de devoir vivre caché et la peut au ventre d'être un jour repérée, abbatue et traquée ? N'y avait il donc pas d'autres solutions que la servitude ou une mort annoncée ?

Son doux regard se posa alors sur cet étranger, cette créature dont elle ne connaissait pour ainsi dire rien et qui lui inspirait pourtant confiance. Pour la première fois depuis si longtemps, Neela se sentait en sécurité auprès de cet homme. Lui qui, pourtant, n'était qu'une créature captive. Lui qui préservait sa vie en servant un humain ... Lui qui, malgré cela, semblait presque serein... La servilité pouvait elle donc se révéler douce au point de vouloir renoncer à la liberté ? Des maîtres pouvaient ils se montrer bons au point de laisser leur créature se promener seul comme il le prétendait ?

Reyn... Alors que la voix mélancolique et tellement douce du jeune homme s'élevait dans les airs telle une mélodie, Neela inclina légèrement la tête vers lui. Elle aimait cette douceur empreinte d'une certaine tristesse et qui lui rappellaient tellement ce qu'elle éprouvait. Les yeux de cet homme, leur couleur or si semblable à la sienne ! Et cette peine immense qui s'en dégageait ... Bien qu'elle n'oserait jamais le questionner à ce sujet elle se demandait quelles horeurs avaient du émaillé sa jeune existence pour être aujourd'hui aussi mélancolique !

La liberté... La Thianra...
Lorsque ces mots surgir, tels des grenades de sa bouche, Neela ne put retenir un léger mouvement de recul. Les cheveux lui balayant le visage, son sourire se figa et son regard se voila se faisant soudainement plus perçant. La jeune femme sembla hésiter un moment, oscillant entre la méfiance et l'envie, presque le besoin, de ne voir là que de bien innocentes questions. Mais il lui suffit de regarder Reyn pour comprendre qu'elle avait tort de se méfier. Un être si semblable à un ange ne pouvait être mauvais ou perverti... Cela ne se pouvait...

Sans pouvoir affronter ce regard qu'elle sentait posé sur elle, Neela inspira longuement et ramenant lentement ses jambes sur sa poitrine, elle prit la parole.

-" Je n'ai pas choisi la liberté, elle m'a été imposée... Comme toi j'ai longtemps eu un Maître... Et auprès de cet homme bon je fus heureuse... Je n'étais pas libre mais guère plus prisonnière... Et en ce temps là je savais ce que le mot aimer signifiait... J'en ai oublié le sens le soir même où j'acquérais cette "Liberté" si chère à certains d'entre nous... " dit elle d'une voix presque tremblante.

Puis, comme l'eut fait une enfant, elle passa ses bras autour de ses jambes et laissa sa tête reposer nonchalemment sur ses genoux. Neela se balancça un instant comme si elle eut cherché à se calmer. Puis, portant au loin son regard, le laissant se perdre au milieu de ces nuées de petites lumières dont Paris s'était parée, elle poursuivit :

-" La Thianra... Je suppose qu'il me serait aisé de te memntir et prétendre que j'ignore même ce dont tu parles. A tout autre que toi sans doutes est ce même ce que j'aurais fait... Mais... dit elle en plongeant dans le regard de la créature servile et en réprimant un autre frisson ; Je n'ai aucune raison ni même la moindre envie de te mentir. Quelles que soient les raisons qui nous ont fait nous rencontrer, je n'insulterait pas cette bonne fortune en tentant de me jouer de toi. Oui, je suis libre Reyn... Aussi libre qu'une créature puma telle que moi et qui a rejoint les rangs de la Thianra peut l'être... "

Alors qu'elle prononçait ces derniot mots ses yeux s'embuèrent légèrement et son corps entier se mit à frissonner. Oubliant toutes les régles élémentaires de la prudence Neela venait de livrer à un parfait inconnu un secret que beaucoup des siens lui en voudrianet d'avoir révélé. Mais elle s'en moquait. Se fiant à son instinct Neela savait qu'elle pouvait se confier à Reyn. Cette créature surgie dans sa vie et dont elle savait déjà qu'il ne resterait pas un simple compagnon d'une ballade d'un soir.

A son tour, elle lui posa la question qui lui brûlait les lèvres

- " N'as tu jamais envie d'être libre toi aussi ? De fuir tes maîtres et de vivre ta propre vie ? Si tu le souhaitais tu le pourrais...Plus de colliers, plus personne à qui obéir ou servir... Juste toi et tes propres choix... N'es tu pas tenté ? " dit elle sans la moindre malice mais avec un réel intérêt.

Neela voulait apprendre à connaître ce jeune homme qui semblait à la fois tant lui ressembler tout en lui étant si bien opposé... Reyn... Un nom qui se parait à ses yeux de tous les mystères et qui n'en avait que plus de charme encore. Reyn... Un nom qu'il lui plairait de prononcer sans pour autant oser le faire. Reyn...

La nuit ne faisait que commencer et la lune bieinveillante éclairait maintenant de sa pâle lueur ces deux êtres mélancoliques et un peu perdus qui venaient, par le plus grand des hasards de se rencontrer. Mais était il vraiment de hasard ou le Desti était il en train de se manifester ?

La nuit avait un effet lénifiant sur le guépard. Ce soir, c'était relâche, pas de spectacle à assurer donc, et une quasi liberté pour vaquer à ses occupations qui tendaitn plus à ne rien faire justement. Mais qu'il était bon d'être seul avec ses pensées. Toujours s'affairer, obéir, faire son boulot, voilà un excellent moyen pour empêcher ses pensées de vagabonder. Certaines personnes, peu enclines à l'introspection, devaient priser ce mode de vie. Et Reyn aurait du faire de même, mais il aimait trop savoir où il en était pour cela.

Il rejeta la tête en arrière, levant son regard d'or liquide vers les étoiles qui s'allumaient doucement comme autant de petites loupiottes. La lune se faisait enfin voir des pauvres mortels, apportant sa pâle lumière dans les ténèbres de la ville. Plus d'un an auparavant, la vie n'avait plus aucune saveur pour lui. Il aurait pu mourir, il s'en fichait bien, ne parvenant plus à voir de beauté dans ce monde vicié où sa vie n'était qu'une erreur. Il n'avait pas le droit au bonheur, n'y avait jamais eu le droit. Petit, il en avait eu l'illusion, mais avec le recul, il n'avait jamais vraiment été heureux, ne bénéficiant jamais de l'amour que l'on doit procurer à un bambin en pleine croissance. Et la suite de sa vie n'avait été faite que de déceptions et de tristesse. Jusqu'à l'année précédente où une lionne aux yeux bleus lui avait redonné goût à cette vie insipide.

Et maintenant, il savourait la beauté du ciel nocturne, la brise sur sa peau et la présence de Neela à ses côtés. Son regard se porta sur Paris illuminée. Comme cette ville aurait pu être belle si elle n'était à ce point gangrenée par la méchanceté. Il avait entendu dire qu'à une lointaine époque, elle avait été la ville lumière, aussi belle extérieurement qu'intérieurement. Mais ce temps était révolu et ressemblait plus désormais à une légende. Mais pourquoi des regrets? Il n'avait jamais rien connu d'autres, mais rêvait à tellement mieux. Un utopiste, voilà ce qu'il était et même pas fichu de se battre pour l'obtenir. Il n'avait pas la fibre agressive et la seule fois où il avait sorti ses griffes, il avait tué. La seule et unique fois. Et il n'y avait même pas prit de plaisir, comme beaucoup de créatures vengeresses... Pathétique. A partir de là, comment espérer voir les choses changer? Les humains ne semblait pas enclins à la diplomatie. Et un félin en était-il seulement capable? Ils n'étaient pas idiots ou inférieurs, ce n'était pas la question, mais...

Il sortit de ses pensées en regardant Neela. Neela, qui était assise à ses côtés calmement et qui semblait se plaire en sa mélancolique compagnie. Si elle espérait avoir trouvé quelqu'un pour se divertir, elle s'était trompée. Mais pour écouter et comprendre, peut-être avait-elle fait le bon choix. Il crut un instant s'être montré trop franc quand sa question eut franchit la barrière de ses lèvres et qu'il sentit Neela se reculer, un moyen de protection instinctif. Mais que pouvait-elle bien craindre de lui? Espion pour le compte des humains? Des Arnaiths? Cette pensée le fit sourire malgré lui. Cependant, il la regarda bien en face, sans se détourner, la clouant de ses yeux à la sincérité et à la franchise évidentes. Pourtant, elle ne put soutenir ces yeux-là et se pelotonna comme une petite fille, cherchant là une bien maigre protection. Mais elle lui répondit.

Et elle lui dévoila une partie de son passé. Oh rien de bien compromettant, mais elle avait été esclave avant d'être libre. Et pas par choix apparemment. Un instant, le regard de Reyn se voilà alors qu'elle parlait de la bonté de son maître, mais il ne dit rien. Elle parla d'oublier le mot aimer pour celui de liberté. Il lui jeta un regard surpris. Les deux étaient-ils incompatibles? Elle se pelotonna plus fort, avant de lâcher des paroles, qui malgré tout, lui firent presque plaisir. Peut-être n'étaient-ce là que des mots, mais si elle était sincère... Elle semblait lui faire confiance. Qu'avait-il fait pour la mériter? Elle lui avoua faire partie de la Thianra et malgré lui, un sourire recourba ses lèvres.

- "Ah puma... Justement, je me posais la question."

Il sentit son frisson et ses craintes. Il savait la valeur de ce qu'elle venait de lui livrer. Et les risques qu'elle avait prit, il les devinait. Il pouvait la trahir, il pouvait la dénoncer, il pouvait s'en faire une amie, découvrir ce qu'était la Thianra, où elle était, pour mieux trahir ensuite. Mais quel intêret? Il ne voulait pas réduire en miettes l'espoir des Créatures comme lui. Solidarité, tout simplement.

- "Merci de ne pas avoir menti. Cela aurait été facile pourtant."

Une façon de lui faire comprendre qu'il ne dirait rien et qu'il appréciait cette confession à sa juste valeur. C'est alors que Neela lui posa elle aussi une question, une question à laquelle il s'attendait, mais à laquelle il n'avait pas de réponses. Cependant, il se devait de répondre, juste retour des choses. Il se mit à dessiner des formes du bout de l'index, alors qu'il réflechissait, comme un gamin. Puis, sa voix grave et douce, s'éleva :

- "Durant quelques jours, je l'ai été et j'aurais pu le rester. Je suis né libre, je sais ce que c'est. Mais est-ce la liberté que de craindre sans cesse pour sa vie, de voir les siens mourir, même pour une noble cause?"

Il la regardait à nouveau.

- "Vivre dans la peur, encore et encore, sans refuge, sans nourriture... La servilité a son lot de peur quotidienne, tout dépend du maître, j'en sais quelque chose. Mais je me suis de moi-même jeté à nouveau dans cet univers que je connaissais si bien. Je suis nourri, logé, bien traité. Plus comme un employé, que comme un esclave... La plupart du temps."

A nouveau, son regard la lâcha, fuyant cette fois, alors qu'il murmurait :

- "Je ne suis pas un héros, je n'ai pas l'âme d'un rebelle. Le liberté est séduisante, mais trompeuse. Même sans collier, sans maître, je serais encore esclave de ce monde pourri qui nous rejette."

Il passa une main dans ses boucles souples, avant de lui lançer un regard en coin :

- "Que t'apportent la liberté et la Thianra Neela?"

Il conçut un plaisir étrange à prononcer son nom à voix haute. Il sonnait tellement bien, si doux...

Une fraîche bise se leva et enfla pour devenir soudainement plus puissante. Elle errait sur ce quai où deux créatures venaient si fortuitement de se trouver, échappant pour un moment à leur solitude et à la si dure réalité de leurs existence. Mutine, elle venait caresser les feuilles qui jonchaient le sol et les entrainaient à sa suite, les faisant virevolter en de délicates arabesques. Puis, délaissant un instant ce végétal ballet elle s'approchait sans bruit de ces deux êtres. Tantôt elle se faisait plus légère et effleurait leurs visages mélancoliques d'une aérienne caresse. Tantôt, elle reprenait vigueur et emportait avec elle les mots qui s'écoulaient de leurs bouches comme autant de douces confessions. Comme si elle eut souhaité se faire protectrice, elle étouffait dans ses bras venteux ces secrets qui ne devaient jamais être découverts. Ce qui se passait içi et ce soir n'appartenait à personne d'autre que ces deux âmes solitaires...

Sentant sur sa nuque la douce mais fraîche caresse de cette immatérielle amie, Neela fémit. Suspendue aux lèvres de Reyn, buvant ses paroles comme s'il eut s'agit du plus délicieux des nectars, Neela se sentait étrangement bien. Sans qu'elle comprenne bien pourquoi, elle était profondément touchée par le discours de ce guépard. Bien plus que les mots qu'il choisissait avec soin c'était ce qui se cachait derrière qui la touchait et trouvait un écho étrange en son coeur. Ce qu'il ne disait pas, par pudeur ou par prudence en disait tellement plus sur lui que ses mots eux même ! Et qu'il s'agisse de ses silences ou de ses attitudes, tous étaient d'une si parfaite éloquence ! Sans même y prêter attention, agissant comme plongée dans une demi inconscience, Neela releva légèrement le col de son cuir et sourit.

- " Mentir ? Pourquoi donc l'aurais je fait ? Faut il vraiment que la situation actuelle dont ni toi ni moi ne sommes responsables, me pousse à me méfier de toutes les créatures que je rencontrre ? Peut être payerais je un jour cette semi confession... Mais j'en doute fort. dit elle en lui jetant un rapide regard. Puis, repoussant du bout du doigt une mèche qui venait flirter avec ses lèvres, elle reporta au loin son regard. Je veux croire que la conffiance est possible, même entre deux être qui ne se connaissent pas. Je suis sans doutes une grande rêveuse mais je veux croire que la main providentielle qui aura guidé nos pas jusqu'içi ne l'a fait que dans un but honorable... Je ne te connais pas Reyn, mais je veux croire... Non, je sais et je sens que tu es un être de confiance..."

Derrière eux, à quelques mètres seulement, des bruits de pas se firent entendre. Presque instinctivement, Neela se redressa. Ses yeux se firent plus froids et plus perçants que jamais alors qu'elle remontait prestement la fermeture de son blouson jusqu'en haut. Si jamais il s'agissait d'un ennemi alors elle pourrait toujours prétendre accompagner Reyn. En dissimulant bien ses yeux et en gardant son blouson fermé personne ne pourrait deviner qu'elle était l'une de ces créatures de la Thianra que tant de monde semblait craindre ou même hair.

Prudemment, elle jeta un regard dur par dessus son épaule et scruta les pénombres de la nuit. Lentement, avec milles précautions, sa main était allée se loger dans la poche de son cuir et avait agrippé un objet dont la lame se mit à scintiller alors qu'elle l'extirpait doucement. Si danger il y avait alors elle se défendrait. Non pas par plaisir mais par instinct de survie. Jamais elle ne se laisserait captuer ou même abattre sans avoir tout tenté pour se sauver. Et si elle devait donner la mort, elle le ferait sans même sourciller. Froidement, sans le moindre plaisir, mais elle le ferait. Elle qui, chaque jour, faisait de son mieux pour soigner et sauver les siens était prête à tuer. Elle l'avait déjà fait. Elle le referait sans doutes un jour, le chemin qu'elle avait choisi étant empreint de tant de violence. Et la Mort semblait lui coller à la peau comme une odeur pestilentielle dont elle ne parvenait jamais vraiment à se défaire.

Pourtant, à ce moment précis, alors qu'elle était prête à entrer en guerre et que son regard croisa celui de l'ange aux boucles auburn, Neela sentit son coeur se briser. Comment un être aussi doux qu'elle avait pu devenir aussi froide et insensible par moments ? Qu'était il donc advenue de celle qui ne nourrissait que de bien pacifistes rêves et qui avait juré sur son lit de mort à son maitre bien aimé qu'elle ne laisserait jamais la colère l'envahir au point de devenir une meutrière ? Lui qui lui avait patiemment enseigné à soigner et à guérir... Que penserait il donc de cette femme qu'elle était en train de devenir et qui pouvait tuer un humain sans même en éprouver du remords ? Pourrait il jamais lui pardonner d'avoir ainsi trahi tous les principes qu'il lui avait inculqués avec amour... Non, il ne le pourrait pas. Neela non plus ne se le pardonnerait jamais !

Les rires d'enfants se firent entendre, claquant au vent et la jeune femme s'en sentit brusquement soulagée. Relâchant chacun de ses muscles elle laissa sa tête mollement tomber et rengaina cette dague qu'elle s'apprêtait pourtant à sortir. Puis, sentant une larme monter, elle se détourna de Reyn et d'un geste rageur l'essuya. Alors, d'une voix tremblante d'émotions confuses elle ajouta :

- " Tu désirais savoir ce que m'apportent la Liberté et la Thianra n'est ce pas ? Je ne sais quoi te répondre... Lorsque mon maîre a été assassiné par l'un de ses frères humains pour avoir refusé de me livrer ou de me réduire en esclavage, je suis devenue libre. Ou plutôt devrais je dire que ma vie à prit un tout autre tournant que celui que je lui réservais... Pendant longtemps j'ai erré, ivre de tristesse et de rage... Je n'avais qu'une idée en tête : la vengeance ! La solitude ne me pesait guère car en mon coeur il n'y avait plus qu'un trou béant... Je pensais qu'une fois ma vengeance accomplie les choses reprendraient un cours à peu près normal mais il n'en fut rien... Bien au contraire... " dit elle d'une voix morne et absente.

Se laissant grâcilement tomber sur le quai, elle s'allongea sur le dos et laissa son regard fixer le ciel où tant d'étoiles brillaient. Pendant un instant, elle suspendit son récit, comme submergée par un flot de souvenirs pénibles. Quand les traits de son visage se détendirent quelque peu, retrouvant leur douceur habituelle, Neela put à nouveau sourire.

-" Mon maître était un vétérinaire et il m'avait transmis quelques notions de médecine animalière ... Ce sont ces dernières qui me permirent de rejoindre les rangs de la Thianra et des partisans de Noah. Auprès d'eux c'est une seconde famille que j'ai trouvé. Un refuge aussi... Certes je suis certaine que l'endroit où nous vivons est loin de posséder le confort ni même l'attrait de celui où tu dois vivre...Je ne nierai pas non plus que la nourriture est parfois un problème et qu'il nous faut parfois recourir au larcin pour pouvoir manger... Et que dire de cette peur qui envahit chacun d'entre nous lorsqu'il ose s'aventurer au dehors ? Traqués nous le sommes et le serons je le crains fort toujours. ... La mort nous attend certainement au détour d'une rue... Mais qu'importe tout cela. Auprès de la Thianra je suis chez moi et libre même si cela signifie aussi être en danger. " dit elle en se redressant sur ses coudes.

Le regard de Neela étincelait de nouveau et toute tristesse semblait avoir disparue. Mais cela faisait bien longtemps que la jeune femme avait appris à masquer ses émotions derrière un masque souriant. Posant à nouveau son regard sur le jeune homme elle inclina légèrement la tête et lui dit :

- " Etre libre ne fait certes pas de nous des héros... Loin de là... Je ne suis qu'une créature qui tente de faire de son mieux pour protéger les siens et qui espère, sans doutes vainement, que le jour viendra où les humains et les miens seront enfin traités comme des égaux..."

La jeune femme se leva d'un saut et parcourant les quelques pas qui la séparaient de l'ange, elle vint s'asseoir en tailleur face à lui. Se perdant dans l'or de son regard si doux elle poursuivit :

-" Et puis ... Ne te méprends pas : je respecta ta décision mais j'aimerais comprendre beau guépard... Toi qui es né libre, toi qui as gouté au goût grisant même s'il est aussi amer de la liberté... Pourquoi avoir décidé de toi même de subir le joug des humains ? Quelle est donc cette douleur qui semble t'éteindre ? Est ce elle qui te fait préférer la servitude, même enrobée d'un soupçon de libeté, à la jouissance d'être ton propre maitre ? "

Puis, abaissant légèrement son regard, jouant nerveusement avec ses cheveux :

-" Pourquoi ai je le sentiment que sous des dehors bien différents et en dépit des routes divergeantes que nous avons choisies... Pourquoi ai je donc le sentiment que nous ne sommes pas si différents l'un de l'autre ? Pourquoi ai je l'impression que tu me comprends ? "

Puis, laissant son regard se perdre à l'horizon, elle lâcha dans un murmure...Un étrange sourire aux lèvres :

- " Reyn... Qui se cache donc derrière ce si doux et si beau nom ? Qui es tu donc ? Si j'y croyais je pourrais te prendre pour un ange... Oui, un ange... " dit elle en lui adressant un doux regard.

Reyn ferma un instant les yeux alors que la bise du soir venait lui caresser le visage. Le vent semblait se lever et les accompagner dans leur conversation, alors qu'il animait les feuilles en un balet tourbillonant du plus bel effet. Les danseuses s'élevaient dans les airs et certaines allaient reposer ensuite délicatement sur le fleuve tranquille. Les eaux noires de la Seine ne semblaient pas si polluées qu'on le disait dans l'obscurité. Mais la nuit n'était elle pas favorable aux déguisements et faux semblants? Presqu'aussi parfaite qu'un costume et un masque.

Et pourtant, ce soir et avec Neela, il n'était pas question de tromperie... Et c'était justement grâce à cette semi obscurité, à cette illusion de complicité que l'échange entre ces deux êtres d'apparence si différente pouvait avoir lieu. Il était esclave, elle était libre, mais leur passé devait avoir été semblable... Il la sentait semblable à lui, ils avaient la mêm expression dans le regard. Elle avait vécu elle aussi des choses pénibles, peut-être pas de la même nature que lui, mais aucune peine n'était moins lourde qu'une autre. Mais elle, elle faisait partie d'un goupr equi se battait pour changer les choses. Il pensait les membres de la Thianra violents, mais Neela était l'exception qui confirmait la règle.

Et d'un sourire désarmant, la créature puma rétorqua qu'elle n'avait pas à lui mentir, qu'elle ne pouvait se méfier de tout et de tout le monde. La suite de ses paroles le laissé rêveur justement. Parce qu'elle avait envie de lui faire confiance, envie de croire qu'il méritait cette confiance. Malgré tout ce qui lui était arrivé, Reyn n'avait jamais eu à se méfier des créatures et finalement, il était un être qui se liait et s'apprivoisait assez facilement, avec de la douceur et de la patience. De même, cela marchait bien mieux avec les femmes... De par les sévices passées, il avait des difficultés avec les hommes, c'était viscéral et c'était à cause de son ancien maître. Il en avait conscience, essayait de lutter contre sa répulsion, mais sans réel succès. Il ne cherchait pas à se lier avec les hommes.

- "Ne perds pas tes rêves Neela, trop peu de gens osent encore s'y laisser aller et c'est dommage. Sans rêves, comment encore espérer?"

C'est alors qu'un léger bruit se fit entendre, un bruissement tout au plus. Et là, une subtile mais étonnante transformation s'opéra chez sa compagne. En alerte, elle se redressa brusquement, remontant son blouson. Ainsi, elle pouvait passer pour une humaine, il en prenait à nouveau conscience. Avec stupéfaction, il la vit glisser la main dans son blouson et en sortir une lame effilée. Il regarda la couteau avec des yeux ronds, étonné qu'une féline comme elle ait besoin de ce genre d'artifices quand elle était pourvue de griffes, mais ne dit rien, retenant sa respiration et l'observant attentivement.

Plus de douceur sur son beau visage, juste une froide détermination. Elle était un prédateur, prête à défendre chèrement sa peau si le besoin s'en faisait sentir. Deux personnalités bien contrastées... Il avait connu la vraie Neela, il en était persuadé, et celle-ci n'était qu'une pâle copie, forgée pour les temps difficiles qu'ils traversaient tous. Pourtant, il était presque choqué de ce changement de caractère. Et elle dut le lire dans ses yeux d'or. Il ne la jugeait pas, mais s'interrogeait. Et désormais, il ne la voyait plus que comme une charmante féline, mais aussi comme une tueuse potentielle. Cela ne l'avait pas effleuré auparavant, mais elle était bien de la Thianra, non? Contrairement à Neela, Reyn n'avait pas bougé et semblait détendu, même s'il était en alerte.

C'est alors que des rires d'enfants résonnèrent, arrachant un petit sourire triste au guépard qui repensa à l'attentat sur l'école. En regardant Neela se détendre, puis se détourner pour dissimuler une larme, il se demanda si c'était vraiment la Thianra qui en était à la source. Etait-ce possible? Neela était-elle au courant ou seuls les dirigeants avaient élaboré ce massacre macabre? Mais en entendant la voix tremblante de la jeune femme, ses interrogations s'envolèrent. Elle lui en révéla plus sur son passé, parlant de la mort de son maître, du pourquoi de cette mort... Un homme qui meurt pour avoir protégé sa Créature... Elle plus que quiconque, pouvait savoir que certains humains étaient moins mauvais que d'autres. La vengeance avait été la soeur de la liberté pour Neela. mais pour s'être vengé, il savait que cela ne soulageait pas comme on l'espérait.

Neela se laissa choir au sol, s'allongeant pour mieux observer les étoiles et se soustraire au regard du félin. Il avait étendu ses jambes devant lui, avant de se tourner à moitié pour l'observer. Elle avait apprit à soigner les créatures auprès de son maître et elle était dans la Thianra pour tenter de sauver la vie et non pas la détruire. Il en concçut un soulagement disproportionné, mais cela collait tellement mieux à l'image qu'il avait d'elle! Elle défendait cette roganisation avec son âme, en un plaidoyer vibrant de justesse. Elle se redressa pour le regarder, en disant qu'elle n'était pas un héros, mais faisait ce qu'elle pouvait pour assurer l'géalité un jour. Il eut un pauvre sourire, mais s'abstint de répondre. Même cela il n'était pas capable de le faire. Elle le rejoignit alors en un bond, disant qu'elle ne le jugeait pas pour ses choix, mais cherchant à le comprendre. Mais ses questions l'amenaient à des réponses qu'il n'aimait guère donner. Son regard se fit fuynt, même si ses paroles vibraient dans son âme. Mais quand elle parla de le prendre pour un ange, il braqua son regard miel sur elle, avant d'éclater d'un rire amer et triste.

- "Oh non, je ne suis pas un ange. Les anges sont censés être purs et innocents, et cela fait longtemps que j'ai perdu ces deux vertues. A vrai dire, elles se sont envolées avec ma liberté."

Son regard mélancolique quitta celui de Neela, alors qu'il mettait de l'ordre dans ses idées. En vérité, ce qui l'étouffait le plus, c'était sa honte, cette honte d'avoir été abusé sans jamais se rebeller vraiment, d'avoir accepté pour être tranquille, pour que cela se passe plus vite... Il secoua doucement la tête et ferma les yeux, une expression douloureuse sur le visage. Finalement, il reprit la parole à mi-voix :

- "Je ne sais pas moi-même pourquoi je préfère la servitude à la liberté. La liberté que j'ai connu était la même que celle de n'importe quel enfant, l'amour en moins. Mais d'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu quelqu'un pour me dicter ma conduite, même libre. Je n'ai jamais pris mes propres décisions. Je n'ai jamais réussi à le faire."

Sa voix s'étouffa à ce moment là.

- "J'ai été vendu par ma propre grand mère Neela. Et au pire croquemitaine qu'un enfant puisse craindre."

Un rictus amer déforma son visage.

- "J'ai l'air d'un ange dis-tu? Eh bien cette beauté angélique a attiré le diable et j'aurais pu l'éviter si je n'avais eu cette "qualité". Mais non... Il a fait de moi son nouveau jouet et... et je n'ai rien fais."

Il soupira, mais refusa obstinément de croiser le regard de la jeune femme alors qu'il lui faisait part à mots voilés de sa honte. Cette honte qui l'étouffait jour après jour, depuis 10 ans. C'était si facile de se confier à elle... Même s'il refusait de voir l'expression de son regard changer.

- "Ma liberté, je l'ai acquise par vengeance. La seule et unique fois que j'ai agressé quelqu'un, c'était pour le tuer. Par envie de le tuer. La vengeance était accomplie et pourtant, cela n'a rien changé. Ma peine était toujours aussi insupportable."

Il n'évoqua pas le pourquoi de sa vengeance. C'était encore trop intime et douloureux.

- "J'ai rencontré une créature au cirque, qui m'a acceuillie alors que j'étais dans un sale état et ma convaincu d'accepter de nouvelles chaines, bien moins lourdes."

Il porta la main à son collier.

- "Je suis un guépard, programmé pour être plus docile... Conditionné pour l'être."

Il dit cela d'un ton songeur, avant de reprendre :

- "Il ne se cache rien derrière l'ange Neela, rien qui n'en vaille la peine..."

Là haut, si haut dans le ciel la pâle lune veillait sur l'étincellant ballet des nuages et baignait de sa douce et diffuse lueur ces joyaux cristallins. Sur la Seine, ce scintillant spectacle venait se refléter sur l'onde sombre du fleuve en illuminant pour un moment la pénombre si profonde. Le vent, lui, semblait s'être tu comme pour mieux entendre les si lourdes révélations de l'ange guépard. Ses mots qui s'égrénaient dans l'air de la nuit, pareils à autant de notes qui mises à bout à bout composaient une sombre et bien macabre symphonie. Ses paroles, tout ce qu'elle laissaient deviner d'horreurs et de souffrances... Son rire amer et incroyablement triste... Neela sentit son âme se mettre à saigner et son coeur se serrer au point de la faire souffrir.

Elle qui savait si bien ce que la mélancolie et la trsitesse d'un regard peuvent cacher...Elle qui connaissait si bien la souffrance pour s'en être faite une amie bien trop exigeante... Neela comprenait mieux à préent ce qui lui permettait de se sentir aussi proche et aussi confiante envers cette créature inconnue ou presque et servile. La Vie ne les avaient pas ménagés ni l'un ni l'autre et bien que leurs parcours fut quelques peu différents la jeune femme comprenait très bien, trop bien même, ce que Reyn lui avouait si simplement et à mots couverts.

L'enfer qu'avait du être sa vie depuis sa naissance... Trahi, abandonné et vendu par la chair de sa chair à un humain pervers et dément... Privé des seules choses dont un enfant ait réellement besoin : l'amour et la protection. La tête de la jeune femme se mit à lui tourner et à l'immense peine qui l'étreignait vint se mêler de la rage. Colère pure et dévastatrice qui montait en elle ne demandant qu'à éclater. L'eut elle pu qu'elle aurait tout fait pour laver son Ange de ses souillures dont il avait été la victime bine innocente. Neela se surprit à éprouver de la sympathie et même de l'affection pour ce jeune homme aux allures douces et contemplatives. Elle aurait souhaité pouvoir effacer de sa mémoire cette si tumultueuse et douloureuse histoire dont il avait été bien malgré lui l'acteur principal.Peut être ainsi aurait elle pu faire disparaitre de ses yeux dorés cette mélancolie qui lui plaisait pourtant tellement.

Mais elle ne pouvait revenir sur le passé et elle ne le savait que trop bien. Les trois dernières années de sa vie n'avaient pas été très heureuses... Et elle était certainement plus à même que beaucoup d'autres de comprendre ce que ressentait le beau guépard. Après la mort de son maitre elle avait longtemps erré, seule et ne sachant que faire de son existance ruinée. Elle avait traine ses guêtres dans les milieux les plus mal famés de Paris, recherchant plus ou moins inconsciemment les ennuis et peut être même la mort. Et, tout comme Reyn, elle avait du faire face à bon nombres de pervers... Son esprit s'envola un instant vers ces douloureux si douloureux épisodes de sa vie. Cette ruelle sombre, ses pleurs lorsque ses humains l'avait agressée et laissée pour morte sur le carreau. Son sentiment de saleté qui lui collait depuis à la peau, l'envie de mourri qui l'avait pendant longtemps tenaillée... Puis sa rencontre avec la thianra et le début d'une nouvelle vie. Depuis l'instant où elle avait prêté serment d'allégeance à Noah et algol sa vie avait changée. Elle était devenue plus forte, plus déterminée que jamais à lutter contre toutes les injustices dont les humains étaient responsables, plus dure et insensible...Mais elle se mentait et se voilait la face. Et il avait fallut qu'elle rencontre cet ange pour s'en apercevoir...

-" Mes rêves... J'ai rêvé il y a longtemps... Mais la réalité m'a bien vite ratrappé et clouée au sol avec toute sa violence ! Pourrais tu me dire en me regardant en face que tu rêves encore ?" se décida t'elle enfin à dire d'une voix douce et suave.

Chez elle il n'y avait nulle moquerie ni même aucune malice. Juste une immense mélancolie qui trouvait si bien écho dans les yeux de son compagnon. Venant se poster un peu plus près de lui, elle le regarda avec ses yeux pétillants et un bien doux sourrie aux lèvres :

-" Des êtres comme nous, des créatures souillées par les humains peuvent elles seulement rêver ? Regarde moi Reyn... murmura t'elle doucement alors que celui ci gardait son regard rivé sur l'onde noire. Puis, très doucement, elle avanca sa main vers son beau visage et en une habile caresse tourna son visage vers le sien.

-" Vois dans mes yeux... Sont ils différents après ce que tu viens de me confier ? Suis je différente avec toi après que tu te sois confié à moi ? Non... Bien sur que non... dit elle en otant sa main et en regardant l'horizon par dessus l'épaule de l'ange Tu ne dois jamais avoir honte de ce qui t'es arrivé Reyn... Jamais ! Cette ordure est le seul qui aurait du rougir de sa perversité... Et j'espère que même dans la Mort il ne trouvera nul refuge... Qu'il souffre milles morts et endure milles fois ce que tu as et endures encore. "

Puis, elle se recula légèrement presque gênée par cette trop grande proximité avec le guépard. Elle qui quelques instants auparavant grelottait avait à présent terriblement chaud. Sans se soucier du vent qui se levait à nouveau, elle ôta son blouson et le posant à ses côtés elle reprit :

- " Ta douleur, tes blessures, ta mélancolie... Je les connais si bien. Je t'épargnerais le détails mais je comprends ce qui t'es arrivé. Et bien que je ne te connaisse pour ainsi dire pas je suis sincèrement désolée que toi aussi tu ais du enduré de telles épreuves. Si la Vie s'était montré plus clémente avec nous peut être serions nous aujourd'hui en paix avec nous même au lieu de venir trouver refuge sur ces quais déserts. Peut être le monde me paraitrait il moins cruel ... Peut être pourrais je alors espérer et même aimer... " souffla t'elle visiblement en train de lutter péniblement pour refouler ses larmes qui embuaient déjà son beau regard.

Levant le nez au ciel, laissant ses yeux se perdre au milieu de ces centaines d'étoiles , Neela reprit d'une voix hésitante :

-" J'aimerais tant pouvoir changer les choses... Changer tellement de choses... Mais je ne le puis pas. Je suis déjà allée trop loin et je crains fort qu'en ce qui me concerne, le chemin retour soit impossible... Mais pas pour toi Reyn... Ce type qui a abusé de toi ne t'a rien volé... Et malgré le sang que tu as fait coulé tu es toujours un être innocent et pur. Un ange qui s'ignore... Sinon comment pourrais tu encore rêver ? Reyn... " voulut elle ajouter mais sa voix se brisa soudainement, étranglée par l'émotion.

Reyn n'était pas comme elle. Il avait été souillé et pourtant il avait su conserver intacte en son âme et en son coeur cette petite étincelle de fraîcheur et de candeur que seuls les anges possédent. Reyn était pur...Peut être, un jour prochain, lorsque les luttes auront cessées et que les êtres comme Neela auraient disparus, alors peut être le Monde acceuillirait il avec amour et bienveillance des créatures telles que Reyn. Secrétement voilà bien tout el mal que la jeune puma lui souhaitait.

Pourquoi une nuit si paisible n'était-elle pas le reflet de leur âme? Comment tout pouvait rester aussi calme quand la tempête faisait rage dans le coeur de guépard? Comment la terre pouvait-elle continuer de tourner devant tant d'horreurs et d'atrocités commises en toute impunité? Les huminas punissaient ceux qui osaient s'en prendre aux enfants. Ces violeurs là étaient traités plus bas que terre, punis en prison par leur congénères écoeurés. Mais Reyn n'avait pas été un enfant humain, il n'était qu'une moitié de bête, un esclave, une propriété, un jouet sexuel. Rien n'aurait pu le sauver mise à part le temps. Lui, comme les autres, avait été victime de cet homme et quand bien même les autres humains auraient été au courant qu'il auraient trouvé cela normal. Combien de fois avait-il été attaché au siège de son maître, comme un animal servile et docile, recevant une caresse de temps à autres? Rien que d'y penser, de voir les gens rire devnt cette sinistre farce, il en était malade.

Et la lune les contemplait tranquillement et le vent continuait sa danse insouciante et le monde tournait... De rage, il se saisit d'un cailloux et le jeta violemment dans l'eau paisible. Pas d'orage, pas d'ouragan, pas de fleuve en crue, rien que le silence de cette nuit paisible qui ne l'apaisait plus maintenant que ses souvenirs refaisaient surface avec tant de force. S'il n'en parlait jamais, c'était pour ne pas se laisser submerger par ses émotions trop violentes. Il ferma les yeux alors que ses griffes acérées sortaient de ses poings serrés. Des griffes redoutables, longues d'une cinquantaine de centimètres. Etranges armes pour un être d'apparence si douce et inoffensive. Curieux contraste entre l'ange et le prédateur...

Mais déjà la voix douce de Neela venait ceuillir cette pénible confession. Elle semblait avoir abandonné ses rêves, rattrapée par une réalité à vomir. Il la sentit se rapprocher, mais ne la regardait toujours pas. Jusqu'à ce qu'elle le lui demande et vienne saisir son visage pour qu'ils se regardent. Il lui renvoya un regard empli de souffrances et de ténèbres, réminescences de son passé, mais cela eut pour effet de l'en arracher et ses griffes se rétractèrent lentement, alors qu'il reprenait lentement pied dans la réalité. Malgré les souillure, malgré l'humiliation, malgré la honte, oui... Oui, il pouvait encore rêver, il avait encore cette faculté d'enfant, malgré les horreurs de ce monde. Et la présence de Nyarai dans sa vie n'y était pas étrangère. Il répondit en un murmure sincère

- "Oui, je peux te regarder en face et te le dire : le royaume des rêves ne m'est pas encore inaccessible."

Elle lui assura alors qu'elle n'éprouvait pas de dégout pour lui, alors qu'il se détestait tant... Pourtant, une phrase résonna dans sa tête : des créatures souillées par les humains... Devait-il comprendre qu'elle avait vécu le même genre de calvaire? Elle se recula avant qu'il n'ai pu dire quoi que ce soit et se délesta de son blouson.

Alors, elle confirma ses doutes et il se sentit soudain stupide de s'appitoyer ainsi sur lui, en apprenant que cette douce créature avait subi le même calvaire. Ou en tout cas de mâma nature. Violée... Qui avait osé lui faire du mal et lui couper ainsi les aile spour en faire une créature vengeresse? Son coeur se lacéra à ses paroles concernant son éventuel rédemption. il y avait tant de désespoir dans sa voix... De consolatrice, elle passait consolée, leurs rôles s'inversaient, alors que les larmes embuaient le regard de Neela. Reyn n'en avait plus à verser depuis longtemps, il n'avait pas pleuré depuis la mort de Roxane...

- "Ne parle pas comme ça Neela, pas avec ce fatalisme insupportable."

Il s'approcha d'elle cette fois, trouvant insupportable cette émotion qui étranglait la jeune femme. Il voulait tant apaiser ses tourments, il souhaitait cela à toutes les âmes en peine qu'il rencontrait, cela lui permettait de se "racheter" en quelques sortes. Et sa peine était tellement difficile à voir pour une créature douée d'empathie comme lui.

- "Si la vie avait été plus clémente pour nous, si elle ne nous avait pas poussé à chercher du réconfort dans ces balades nocturnes au bord de la Seine, nous ne nous serions pas rencontrés."

Il sourit doucement.

- "Je ne crois pas au hasard, ni aux coïncidences, chaque épreuve doit avoir une justification chaque rencontre, bonne ou mauvaise son importance. Tu peux espérer et aimer Neela, je sais qu'une femme comme toi ne peut être privée d'amour, ne peut pas ne pas en éprouver. Je le sens, voilà tout. Et l'espoir est niché en toi, bien caché peut-être, mais il est là, ou tu ne serais pas à la Thianra."

Sa voix qui s'était étranglée, cette façon de se penser perdue... Non, il ne pouvait pas laisser passer cela.

- "Neela..."

Il avait soufflé ce prénom, requiérant ainsi toute son attention. Son visage était si prêt de celui de la jeune femme désormais.

- "Tu me dis encore innocent et pur malgré tout, un ange qui s'ignore... Soit, alors si je suis vraiment cet ange, je ne te laisserais pas te perdre et te montrerai le chemin du retour. Tu l'as dis toute à l'heure, cette rencontre n'est pas le fruit du hasard... Laisse-moi t'entraîner dans mes rêves, laisse-moi rallumer la flamme de l'espoir."

Il s'était rapproché d'elle, jusqu'à lui murmurer les dernières paroles dans le creux de l'oreille. Elle semblait si perdue finalement, qu'il acceptait d'endosser le rôle mensonger de l'ange qu'elle tenait tant à lui attribuer. S'il pouvait l'aider alors, qu'y avait-il de mal?

Soudainement, comme par magie, le temps sembla suspendre son vol stoppaint ainsi dans sa course folle cette Terre qui ne tournait guère plus rond depuis quelques années. Les étoiles elle même semblaient comme figée sur ce drap de soie bleu qu'était le ciel et la lune, bel astre iridescent courut se caher derrière les nuages. Le vent avait cessé de murmurer doucement aux oreilles de ces deux créatures solitaires et mélancoliques. Les quais semblaient être coupés du monde et abritaient jalousement les confessions de ces deux êtres, les dissimulant aux yeux de tous dans d'épaisses pénombres.

Une larme de cristal perla des yeux de la jeune femme pour venir lentement et si doucement finir sa course sur la main de l'Ange. Celui ci continuait de lui parler de sa voix si douce et si troublante... Reyn... autant de douceur chez un seul être, autant d'espoir, tant de bonté et d'altruisme... Et pourtant... Pourtant lui aussi avait manqué de céder à la colère et à la violence quelques instants plus tôt. Lorsque ses griffes impressionnantes s'étaient dressées comme autant de lames acérées et que son beau regard s'était subitement voilé, Neela avait du faire un effort pour ne pas laisser transparaître son étonnement. Reyn, ce bel ange, était bien le dernier chez qui elle imaginait pouvoir trouver une telle réaction instinctive et si bestiale... A l'écouter, à se laisser bercer par ses mots mélodieux, à plonger si profondément dans l'océan de ses yeux , Neela en était presque venue à oublier qu'il était une créature tout comme elle. Un être qui souffrait encore de tous ces sévices qu'il avait enduré...

Elle aussi avait réagi ainsi... jusqu'à ce qu'elle laisse sa rage vraiment éclater et qu'elle ne mette fin à ses souffrances en apportant la Mort à tous ceux qui l'avaient si bien souillée ou blessée... Du moins était ce qu'elle croyait. Mais la douleur, même si elle s'était dans un premier temps apaisée, avait resurgit de plus belle. Sns crier gare, sans le moindre signe nnonciateur elle avait envahie son âme et ne cessait depuis de la torturer. Cruelle, tellement plus intense elle assaillait sans relâche la jeune femme, remuant sans vergogne les dernières braises de culpabilité qui rongeait Neela. Elle avait tué mais elle ne se le pardonnait toujours pas. Elle était médecin, certainement pas prédatrice...

Son nom si doucement murmuré... Son nom susurré ou presque par cett voix qui la tire doucement de sa trop grande mélancolie pour la ramener à la réalité. Son visage baigné de larmes qui se tourne pour découvrir le regard de l'Angle posé sur elle. Leurs deux visages sont si proches maintenant qu'elle put sentir le souffle du jeune homme sur sa nuque alors qu'il se penchait pour lui murmurer les plus délicates et attentionnées phrases qu'on lui ai jamais dites. Autant de douceur... autant de gentillesse... Cela faisait si longtemps qu'elle pensait avoir oublié ce que cela représentait, le bien être que cela pouvait apporter.

Alors Neela se laissa glisser avec délectation dans ce torrent de douceur qui l'envelloppait peu à peu... S'en rendit elle seulement compte sur le moment ? Sa main s'éleva doucement dans les airs et lentement vint se poser sur la joue du jeune homme. Lentement, presque avec tendresse, elle laissa un moment sa main effleurer cette peau délicate puis remontant toujours aussi lentement, elle passa délicatement sa main dans les boucles soyeuses. Ses larmes continuaient de s'écouler sur ses joues pour venir mourri sur ses lèvres tremblantes. Elle était triste, elel était en colère, elle était bien... elle ne savait plus où elle en était vraiment. Otant sa main de la chevelure auburn elle pencha un peu plus son visage et de ses lèvres déposa un tendre baiser sur la joue du jeune homme.

-" Regardez cet Ange qui se refuse à l'être qui préfère mentir pour ne pas me blesser... Reyn... Si tout ceci n'est qu'un rêve alors qu'il ne finisse jamais ! Et si tout cela n'est qu'une illusion alors je veux la vivre jusqu'au bout... Emmenes moi doux Ange et mène moi vers l'eden de tes rêves... Prends moi sous tes ailes et fait que mes yeux brillent à nouveau d'un fol espoir. " dit elle dans un souffle.

Puis s'éloignant lentement, elle se détourna de lui et s'adossant tout contre lui, laissa sa tête reposer sur son torse musclé. Là, elle sentit toute sa tristesse s'envoler et même ses larmes commençèrent à se tarir. Qu'il était doux de pouvoir ainsi se livrer et se confier... Quel bonheur que de pouvoir se contenter de savourer la magie d'un instant volé à la vie et au temps et pour un instant, un instant seulement trouver refuge au creux de ses bras.

- " Emmene moi dans ton monde où l'Amour ne serait plus qu'une simple notion, un concept abstrait... Prêtes moi un peu de cette force qui est tienne et qui te permet encore d'espérer... Aides moi... aides moi je t'en prie ... " murmura t'elle presque autant pour elle même que pour lui.

Restant encore un instant silencieuse, elle laissa son regard errer sur l'onde de la Seine comme si elle eut voulu s'y perdre et s'y noyer pour ne plus jamais en revenir.

- " La Thianra... les miens... Ceux qui au fil des mois ont su devenir une famille mais dont je me sens parfois si différente. Si je partage leurs buts et leurs utopies je suis très loin de partager leur hargne et leur grain de folie combative. J'ai juré de sauver des vies Reyn... pas d'en prendre plus que celles que j'ai déjà prises. Je ne veux plus que la Mort vienne une fois de plus me prendre dans ses bras et tente de faire de moi l'un de ses déjà trop nombreux messagers. Je veux oeuvrer pour la Vie... Juste la Vie... " poursuivit elle, une bien mince once d'espoir et d'optimisme dans la voix.

Se lovant innocemment contre ce torse d'homme, Neela ferma les yeux et se laissa aller. Les tensions qui s'étaient accumulées en elle ces derniers jours disparaissaient peu et à peu et pour la première fois depuis près de trois ans, la jeune femme se sentait presque sereine.

-" Je ne crois peut être plus à l'Amour mais si c'est le Destin qui t' a mis sur ma route beau guépard alors fais moi penser à l'en remercier... "

Puis, elle ouvrit les yeux de nouveau et les laissa plonger à nouveau dans ces autres si semblables aux siens. Neela sourit.

Reyn releva un regard surpris vers Neela quand il sentit sur la peau fine de sa main, une larme solitaire, échappée des yeux d'or de la créature qui se tenait face à lui. Elle réflechissait, elle écoutait, elle revenait à la réalité, mais une réalité que la présence du guépard rendait presque onirique. Ils étaient dans leur bulle de souffrance, de mélancolie et d'espérance, personne pour les en déloger. Ils étaient là, ils étaient deux, ils étaient seuls au monde. Ils étaient des inconnus, mais ils se connaissaient tellement bien qu'il auraient pu être amis de longue date, frère et soeur, complices dans la souffrance, lié par les tourments du passé.

Le visage de Neela se leva vers lui et il put voir les larmes dévaler ses joues à la peau veloutée. La voir si triste et perdue apesantissait son coeur et minait son moral sans que ni lui, ni elle, ne put y faire quoique ce soit. La douleur de Neela était sa douleur. Il sentit la main hésitante se poser sur sa joue, l'effleurer en une subtile caresse pour venir se perdre dans ses boucles indisciplinées. Il ferma un instant les yeux, plus ému qu'il n'aurait du devant cette caresse qui se voulait innocente. Le torrent d'émotions en Neela était le reflet de l'ouragan qui avait sévit en son être. Mais il était à nouveau apaisé, calme et mélancolique, comme toujours. Mais déterminé à tirer Neela vers la lumière de l'espoir. Les lèvres soyeuses de la jeune femme se posèrent aors sur sa joue en un chaqste et tendre baiser, mais son coeur loupa un battement à ce geste bien innocent.

Il l'observa sans rien dire, chaque parole s'enfonçant dans son coeur comme une dague glacée. Elle semblait lui faire tellement confiance que c'en était douloureux. Oh si seulement, il pouvait accomplir tout cela, mais comment le faire quand lui même était encore aussi à vif et à fleur de peau? Il ne vivait pas dans un eden, loin de là, mais il essayait de se tenir loin de l'enfer, c'était un moindre mal. Pourtant, il ne savait quoi répondre à cette requête qui sonnait comme un appel au secours. Il n'avait pas le pouvoir de lui faire oublier ces blessures, de l'emmener loin de la méchanceté des hommes. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était lui offrir quelques minutes de sérénité dans un monde ravagé. Il pouvait lui offrir ce qu'il était, sa vision du monde.

Elle le désarma totalement quand elle vint se nicher contre sa poitrine, de façon tout à fait spontanée. Surpris, il rougit furieusement et fut tenté d'esquisser un mouvement de recul, mais se retint, pour finalement refermer ses bras autour du corps mince de la féline, lui communiquer sa chaleur... et oserait-il dire, sa protection? Il eut un petit sourire amer en pensant cela : allons, elle était de la Thianra, bien plus expérimentée que lui, elle n'avait pas besoin de sa protection. Pourtant, alors qu'elle était lovée ainsi dans ses bras, il se surprit à imginer une paire d'ailes blanches qui l'envelopperaient pour la protéger du monde. Pour annihiler toute souffrance, tout souvenir dérangeant. Un rêveur... Sa supplication de l'aider, de lui apprendre ce qu'était qu'aimer le poignarda en plein coeur. Cet appel si déchirant qui faisait vibrer son âme trop sensible...

Réconfortant, il posa une main sur la tête de Neela, sa paume caressant la soie de sa chevelure de jais, en un geste apaisant. Laisse-moi prendre tes peurs petite fille, laisse moi alléger tes angoisses de futur, laisse-moi t'attirer vers la lumière, te guider vers le chemin de la rédemption. Quelle arrogance de se croire capable de cela! Attention, l'ange usurpateur, que la colère divine ne te foudroie pas dans ton inconscience!

- "Ne m'implore pas Neela... La fierté est tout ce qu'il nous reste, ne la bafoue pas pour moi, tu n'as pas besoin de cela, mon aide t'est toute acquise."

Elle lui avoua alors qu'elle se sentait différente des créatures haineuses et violentes de la thianra, que son but à elle était de sauver des vies, pas d'en faucher. Elle ne voulait plus tuer, juste sauver... Mais comment faire?

- "A partir du moment où tu fais partie d'un groupe oeuvrant pour la liberté, tu ne peux pas rester passive et ne pas tuer. Tu es traquée, tu dois te défendre, ou alors reste enfermée, mais dés lors, tu dépériras comme une fleur privée trop longtes de soleil. Tu es libre et tu dois te battre pour le rester. Et tuer.... Je suis asservit, je n'ai pas besoin de faire couler le sang, mais mon âme est entachée par ma lâcheté... Il n'y a pas de solution idéale. Si j'étais libre, si j'étais à la thianra, mes griffes seraient bien plus souillées qu'elles ne le sont maintenant. La liberté a un prix et je ne suis pas certain de pouvoir le payer. Mais tes actes, accomplis pour te défendre ne sauraient souiller ton âme..."

Elle parla alors de ne plus crorie à l'amour et aussitôt, le guépard s'offusqua :

- "Ne plus crorie en l'amour? Neela, tu es sérieuse? Après le discours que tu viens de tenir? Tu veux oeuvrer pour la vie, ce sont tes mots... Tu veux soigner et aider les autres? Pourquoi?"

Il se recula légèrement et la regarda dans les yeux, attendant sa réponse. Si elle désirait cela, n'était-ce pas par amour des autres?

- "Il y a tant de formes d'amour Neela... Regarde-moi et dis-moi que tu ne ressens rien pour moi? Que je ne suis qu'un inconnu et que demain tu m'auras oublié? Que ce qui peut m'arriver t'importe peu?"

La nuit...Moment magique s'il en est où la dure réalité s'efface peu pour laisser la place à un univers doux et serein. Ce moment subtil où la lune pâle accompagnée par ses si scintillantes filles les étoiles vient baigner de sa tranquilité vos vie vous invitant à la rêverie. Moment précieux parmi tous où les masques tombent et où les coeurs et les âmes se mettent à nus se révélant dans toutes leur fragilité et leur beauté. Instant par trop fugace qui vous échappe souvent bien trop vite. Tellement vite que vous vous retrouvez le petit matin venu, seul et un peu perdu. Mais ce soir là sur les quais la nuit semblait devoir durer éternellement. La nuit enveloppait et protégeait ces deux êtres qu'un heureux Destin avait fait se rencontrer et qui se découvraient peu à peu. Pour eux la nuit se faisait plus sombre encore, veillant jalousement sur eux et les isolant de la réalité. Pour eux ses ténèbres bien souvent efffrayantes se faisaient douces et bienveillantes. Pour eux, elle durerait longtemps, si longtemps...

Ces bras puissants qui soudainement se posent sur elle et se font doux et protecteurs. Cette peau qui flirte avec la sienne lui transmettant son énergie et sa chaleur. Alors Neela cesse de lutter. Contre le monde...Contre ces luttes assassines où elle prendra pourtant part plus tard... Contre le chagrin qui tente si bien de la submerger... Elle, la créature parfois violente de la Thianra n'est plus, derrière ce tendre rempart, que douceur et sérénité. La jeune femme ferme les yeux et se laisse bercer par cette douce chaleur qu'elle sent l'innonder et qui sait si bien panser son coeur meurtri. Là, silencieuse, elle écoute les battements de ce coeur qu'elle sent si bien battre dans la poitrine du jeune homme.

- " Ne comprends tu pas bel Ange ? T'implorer n'atteint en rien ma fierté... Je suis peut être fière mais certainement pas orgueilleuse au point de nier avoir parfois besoin d'aide... Mais il m'aura fallu te rencontrer pour l'admettre... "murmura t'elle tendrement.

Si seulement elle avait pu et su trouver les mots qu'il fallait... Si seulement quelqu'un lui avait pu lui apprendre à dire ces mots qu'elle auraient tant voulu prononcer ce soir sans pour autant en être capable... Si seulement... Alors elle aurait dit à Reyn à quel point il se trompait lorsqu'il se refusait, presque obstinément, à vouloir être un ange. Elle lui aurait dit toute cette pureté qu'elle lisait si bien en lui. Elle lui aurait dit à quel point il se trompait lorsqu'il pensait être lâche ! Reyn... Il fallait bien du courage pour surmonter toutes ces épreuves qu'il avait enduré. Tout comme il fallait être bien brave pour continuer de croire et d'espérer un jour meilleur dans ce monde qui était pourtant en train de s'écrouler... Si seulement elle avait su le faire, elle lui aurait dit tout cela... Cela et tant d'autres choses... Oui, tant d'autres choses...

Mais les mots se firent capricieux, se dérobant à elle et s'évanouissant à chaque fois que son esprit pensait pouvoir les saisir. Et Neela demeurait muette alors que le beau guépard poursuivait son émouvant playdoyer, tentant si délicatement de la mener sur le chemin de la rédemption. Les yeux fermés, la tête posée contre son coeur, Neela s'abreuvait de ses mots qui résonnaient en elle avec un bien étrange et intense écho. Se pelotonnant tout contre lui, elle posa une main légère et innocente sur son torse et, du bout des lèvres, ajouta :

-" La liberté... Si tu savais à quel point celle ci peut parfois me peser ! J'ai toujours cru que la captivité était la pire des choses mais je me trompais. Regardes toi ! Malgré ton collier, malgré tes maîtres et ta servitude tu es bien plus libre que je ne le serais jamais ! Libre de rêver... Libre d'aimer... Libre d'espérer... " dit elle songeuse.

Elle entrouvrit légèrement les yeux laissant ses prunelles dorées errer sur le torse puissant du guépard. Voyait elle seulement l'homme qui la tenait serrée contre lui ou ses yeux fixaient ils quelque chose d'imperceptible et d'intangible ? Allez savoir...

-" Je connais la voie sur laquelle je me suis engagée et je sais quel funeste Destin sera un jour le mien. Tu as raison... En rejoignant la Thianra j'ai accepté de renoncer à toute passivité et même si cela me fend le coeur je n'hésiterai ni à me battre ni à tuer si un jour j'y suis contrainte. Je le ferai pour défendre un idéal auquel je veux continuer de croire malgré tous les derniers évènements... Et je sais aussi qu'un jour prochain, il se peut que je tombe sur un adversaire plus fort que moi et que la Mort ne vienne me donner son funeste baiser. dit elle sans pouvoir réprimer un léger frisson. Pourtant mourir ne me fait pas peur... Nul n'échappe à son Destin quel qu'il soit. Et sans parler d'héroisme car cela ne me concerne en rien je trouve noble l'idée de donner sa vie pour offrir une vie meilleure a des êtres aussi lumineux et beaux que toi... " dit elle d'une voix presque joyeuse.

Elle pensait chacun des mots qu'elle venait de prononcer. Et, non, la Mort ne lui faisait plus peur depuis ce soir. Reyn ne s'en rendrait peut être jamais compte mais à lui seul il avait permis à la jeune femme de comprendre. Comprendre ce pourquoi elle se battait depuis si longtemps maintenant. Comprendre que ses actions avaient peut être un sens finalement. Comprendre ce que c'était d'agir dans un but précis, d'agir pour quelqu'un à qui l'on tient...

Mais déjà la voix de Reyn se fit plus dure, tellement plus dure que Neela en fut presque blessée. Ses mots la heurtèrent de plein fouet, ébranlant quelque peu sa sérénité si nouvellement acquise. Alors qu'il la repoussait légèrement et plongeait son regard doré dans le sien, Neela se mit à frémir. Il n'y avait aucune agressivité chez son compagnon, juste un sentiment de rebellion et peut être même d'incompréhension. Les yeux rivés aux siens, elle rapprocha doucement son visage de celui du guépard et portant sa main sur sa joue :

- " Tu n'es plus un étranger à mes yeux... peut être même ne l'as tu jamais vraiment été d'ailleurs. Nos deux âmes se comprennent et se mêlent comme si elles s'étaient toujours connues. Tu n'es pas un étranger... dit elle en laissant sa main caresser lentement la joue de l'Ange. Je ne sais pas de quoi sera faite cette journée qui se profile déjà bien trop vite à l'horizon... Peut être sonnera t'lle le glas des combats ou au contraire ravivera t'elle les conflits ? Qui sait et que m'importe en fait ? Ma seule certitude est que demain je ne t'oublierai pas. Jamais je ne t'oublierai mon ange..."

Son visage était maintenant tout près du sien et son souffle venait doucement effleurer la nuque du guépard alors qu'elle murmurait ces quelques mots. Ses deux mains sur le visage angélique, elle laissa sa tête se poser dans le creux de la nuque de Reyn et murmura ceci :

- " Je ne permettrais jamais qu'il t'arrive quelque chose... Je vendrai les dernières bribes de mon âme pour te protéger... Si on me le demandait je pourrais donner ma vie contre la tienne... La vie d'une prédatrice contre celle d'un ange... " dit elle en enfouissant son visage au creux de son épaule.

Puis, se relevant légèrement, elle approcha son visage de celui de son ami et ses lèvres effleurant presque les siennes sans même qu'elle s'en rende vraiment compte, dans un stupide élan de franchise, elle se laissa bien innocement aller à avouer :

- " Je ne sais peut être pas ce qu'est l'Amour mais je sais que je tiens à toi... Je tiens à toi Reyn... "

Alors qu'elle prononcait ces ultimes mots, ses mains quittèrent le visage de l'ange pour venir se poser sur son coeur. Puis, en toute innocence elle déposa un deuxième mais plus prolongé baiser sur le front du jeune homme, effleurant au passage ses lèvres. Puis, elle s'en retourna enfouir son minois dans le creux de son épaule et se laissa bercer.

Le coeur du guépard fit une légère embardée alors que serrée contre lui, la créature libre admettait avoir besoin d'aide, mais seulement grâce à lui. Emouvante prédatrice, si forte et si fragile, qui le touchait plus que de raison. Il leva la tête vers le ciel et en particulier la lune, témoin bienveillant de ce tendre échange. Il n'était qu'un usurpateur et cette confiance aveugle en lui l'émouvait et l'attristait. Son bel ange... Qu'il était doux de se faire appeler ainsi, mais que c'était mensonger pourtant... Hésitant, il ne parla pas tout de suite, cherchant des réponses dans les étoiles qui veillaient sur eux depuis des millions d'années. Mais elles restaient muettes.

- "Tu me donnes tellement de pouvoirs alors que je n'en ai aucun Neela..."

Il y avait du regret, mais aussi une profonde tristesse dans sa voix grave et mélancolique. Elle lui confia alors combien la liberté lui pesait, qu'il était au final, bien plus libre qu'elle ne le serait jamais. C'éatit un état d'esprit, pas un statut.

- "Neela, tu peux être aussi libre que moi pour peu que tu le penses vraiment. Tu es libre d'aimer et d'espérer. Tu es libre de faire ce que tu veux, d'aller où tu veux, de fuir cette ville... J'ai été plus esclave que bien des gens dans ma précédente "vie". Je n'étais plus libre de disposer de mon corps ou de mon âme, ou bien encore de mon coeur. La preuve, celle qui a osé prendre mon coeur a été tué par mon maître pour cette hérésie."

Sa voix s'était fâlée, alors que la confession était venue d'elle-même. Il ne parlait jamais de Roxane, c'était trop douloureux... Mais cette fois, cela faisait du bien, comme un abcès qu'on crève enfin.

- "J'étais en enfer et un ange, un vrai, m'a sourit et m'a redonné espoir. J'ai connu un amour fou et véritable et je l'ai perdu, mais je suis plus riche que bien des gens au final. C'était cela ma vengence : tuer l'assassin de ma lumière. Mais cela ne l'a pas ramené. La vengeance ne soulage pas, n'apaise pas."

Malgré lui, il resserra son étreinte autour de Neela alors qu'elle parlait avec simplicité de sa mort prochaine et hautement probable. Il ne voulait pas y penser. Il était déjà attaché à elle, comme à Nyarai, comme à Roxane, mais il ne supporterait pas des les perdre comme la dernière. Il sentait son souffle chaud dans son cou, elle était près, si près... Son rythme cardiaque s'accéléra bien malgré lui.

- "Et voilà que c'est à toi de défendre des gens comme moi? Neela, je ne mérite pas ton sang ou ta vie sacrifiée... Mais tu as raison, nous nous connaissons depuis longtemps, nos âmes se connaissent. Il me semble que les humains parlent d'âmes soeurs dans ces cas là..."

Donner sa vie pour lui... Non, il ne le supporterait pas, il ne valait pas ce sacrifice. Mais il cessa de penser de façon cohérente quand les lèvres de Neela effleurèrent les siennes, quand elle embrassa son front et revint à ses lèvres innocemment. Il chuchota de façon inaudible :

- "Tu as tort, tu sais ce qu'est l'amour..."

Et sans le savoir, elle réanimait une étincelle éteinte depuis plus d'un an et demie dans l'âme du jeune homme. Il reprit un peu plus haut, d'in ton caressant :

- "Viens me voir au Cirque que tu voudras Neela, que je te fasse découvrir mon monde."

Il caressa les cheveux de la féline, déposant finalement un baiser au sommet de son crane. Elle pouvait sentir le coeur du jeune homme battre anormalement vite.

- "Je ne veux pas que ce soir soit notre seule et unique rendz-vous... Tu es maintenant entrée dans ma vie, que tu le veuilles ou non Neela. Et si tu protèges ma vie, je protégerai ton âme..."

Quelle curieuse sensation qu'elle éprouvait ce soir pour la toute première fois ...
Quelle bien étrange sentiment qu'elle sentait l'envahir si surement alors qu'elle se laissait bercer par cette voix aussi douce que le miel, alors qu'elle sentait cette chaleur si rassurante passer de ces bras puissants qui l'étreignaient à son corps, alors que ces lèvres déposaient, pareil au battement des ailes d'un papillon, ce si doux baiser...
Qu'était ce donc que celà ?
La jeune puma sentait son coeur se mettre à battre si fort dans sa poitrine comme si il eut désirer sortir de cet écrin de chair qui le retenait, l'empêchant de voler. Son corps se réchauffait doucement et elle sentait une vague de bien être l'envahir, l'innonder. Son esprit lui même semblait si apaisé à présent...
Neela ne comprenait pas ce subtil changement qui s'opérait si soudainement en elle. Neela ne comprenait pas ce qui était en train de lui arriver...
Et pourtant... cela était si évident !

Se redressant légèrement, elle laissa ses deux mains reposer doucement, aussi légères que des plumes, sur le coeur du beau guépard et se plongeant dans ce regard si semblable au sien :

- " Comment peux tu encore nier ce qui à mon coeur est pourtant une telle évidence ? Reyn... ; si doux nom qu'elle prononçait si tendrement ; Cet ange qui fut le tien et que tu as aimé au point de laisser éclater ta rage et ta colère meurtrières... Cet être qui faisait si surement battre ton coeur... Cet amour qui t'a si injustement été arraché... En s'envolant vers d'autres cieux, que je lui souhaite de toute mon âme plus cléments, c'est un peu de sa pureté qu'elle t'aura laissée. Ne comprends tu donc pas ? Ton Ange s'en est allé... mais tu en es devenu un ... Quelque part c'est à travers toi qu'elle survit aujourd'hui encore... Grâce à toi, elle défie la mort et les réalités de la vie ! Au travers de toi, la pureté, la bonté et l'espoir survivront toujours... " dit elle avec une touchante sincérité et une certaine tendresse.

Neela n'osa pas lui dire à quel point elle souffrait d'apprendre quelle souffrance son ami avait du traverser. Elle n'osa pas lui dire combien elle regrettait que la Vie se soit montrée si dure et injuste envers un tel être de lumière. Elle aurait aimé vouloir lui dire tant de choses pour tenter de le réconforter, tenter d'apaiser en lui cette douleur si aigüe encore aujourd'hui... Mais elle n'était guère douée pour ce genre de choses et le regrettait amèrement ...

Passant tendrement ses bras autour du cou de l'ange, elle laissa sa tête venir reposer tout contre la sienne et lui murmura à l'oreille :

- " Tu prétends que je suis libre de choisir ? Très bien bel Ange... Alors je choisis de dédier ma vie à protéger des êtres tels que toi... Je choisis de verser le sang si cela peut empêcher le tien de couler... Et quoique tu en dises, je choisirais le moment venu, la façon d'en finir avec mon existence... "

Comme si elle avait pu sentir tous ces mots qui s'apprêtaient à fuser de cette bouche délicate, comme si elle avait d'avance su les arguments que Reyn ne manquerait certes pas de lui opposer, Neela bougea rapidement sa main et vint poser son index sur ces lèvres amies, lui imposant le silence.

- " Ne dis rien... Ecoutes moi... Si je suis libre de choisir ma vie alors tu dois me permettre d'être tout aussi libre de choisir ma mort... Même si j'espère bien ne pas avoir à faire ce choix avant bien longtemps ! dit elle doucement en laissant son regard se fermer un instant. Ses lèvres remuaient doucement, effleurant en autant de doux et aériens baisers la peau du jeune guépard. Et puis...Est il plus belle mort que de donner sa vie pour son âme soeur ? " dit elle simplement, sans héroisme outrancier ni fatalisme aucun.

Neela livrait simplement les émotions telles qu'elle les ressentait, dans toute leur complexité, leur intensité, leur confusion aussi peut être... Neela avait elle donc si peur de comprendre ce sentiment qui secouait si bien son coeur ? Peut être...

- " Parles moi de ton monde Reyn... Parles moi de ce monde dont j'ignore tout et qui semble si bien te convenir... Parles moi de ce monde où l'un de ces jours prochains je te promets de te rejoindre... " dit elle timidement, si timidement et d'une voix à peine audible.

Façon bien personnelle d'avouer à ce guépard angélique qu'elle non plus ne voulait pas que cette rencontre magique et si furtive reste un simple souvenir sans aucune chances de lendemain.
Façon détournée de confesser que, jamais plus, elle ne pourrait oublier cet ange qui ferait à jamais, elle l'espérait, partie intégrante de sa vie.
Façon si innocente et inconsciente de répondre à ces quelques mots prononcés par Reyn et que ses oreilles n'avaient pu percevoir pourtant...

Oui, Neela se trompait.
Oui, elle savait aimer.
Neela aimait un guépard angélique répondant au doux nom de Reyn...

Neela ressentait cela pour la première fois peut-être, mais Reyn ne savait que trop bien quel était ce petit pincement au coeur si doux et si terrifiant. Il avait déjà vécu cela aupravant, il avait été transporté par cela, il avait été heureux, il avait tremblé, il avait été anéantit. Il avait aimé Roxane, passionément, comme un condamné qui se raccroche à son salut. Dans l'horreur de son enfer, Roxane avait été la lumière, celle grâce à qui il était là aujourd'hui. Elle l'avait arraché à sa condition d'esclave sexuel, ce statut avilissant, humiliant, qui lui donnait envie de mourir. Il s'était réfugié dans ses bras, elle avait été celle capable de le purifier, de lui faire découvrir que faire l'amour n'était pas horrible, mais l'accomplissement du plus beau sentiment qui soit. Elle l'avait empêché de sombrer.
Et il l'avait perdu à cause de cela. S'il ne l'avait pas aimé, jamais leur maître n'aurait été jaloux et ne les aurait puni ainsi. Jamais il n'aurait prit la vie de Roxane de si horrible façon. Ses cris de douleur et d'agonie le hantaient encore parfois. Lâche, si lâche, il n'avait su se rebeller que trop tard. Pathétique petit guépard couard.

Neela lui échappa légèrement, posant ses mains fine sur son coeur qui cognait trop fort, un en martellement assourdissant. Il ne pouvait pas commettre à nouveau cette erreur, il ne pouvait pas aimer Neela aussi vite, aussi absolument. Elle n'était plus une étrangère, l'avait-elle seulement été un jour? Il avait l'impression de la connaître. Depuis toujours. Mais cela allait trop vite, trop de choses les séparait et surtout, surtout... Il trahissait Roxane. Il ne pouvait pas l'oublier ainsi, c'était impossible, c'était horrible, c'était...

Il ferma les yeux alors que la voix douce de Neela énoncait l'évidence qu'il ne comprenait que maintenant. Elle le comprenait, mieux que personne. Et ces mots si doucement murmurés alourdissaient son coeur écorché. Oui, Roxane avait été son ange, mais il ne pouvait se comparer à elle, si pure, si lumineuse. Il prit une inspiration tremblante, alors que des images l'assaillaient avec violence. Une unique larme de cristal dévala sa joue pâle, unique témoignage de cet amour perdu dont il n'avait pas tout à fait achevé le deuil. Il imaginait Roxane dans un monde plus paisible, auréolée de lumière. Et il réussit à sourire à cette image de bonheur, alors que ses yeux semblaient le regarder avec amour.

- "Un leg difficile à assumer..."

Juste un murmure rauque. Mais les bras de Neela l'enserraient déjà et il la sentit tout contre lui, son souffle chaud venant caresser son oreille. Il rouvrit les yeux, presque surpris alors qu'elle décidait de dédier sa vie à sauver des êtres comme lui. Non, elle ne pouvait pas faire ça! Il ouvrti la bouche pour protester, mais le plus doux des baillons vint l'en empêcher. Alors il resta muet, respectant sa volonté alors qu'elle continuait. Elle le rassura, alors que ses lèvres faisaient naître des frissons incoercibles sur le corps du guépard.

- "Je ne supporterais pas que tu meures toi aussi par ma faute Neela. Je ne me relèverai pas cette fois."

Confession touchante de sincérité et de simplicité. Déroutante par ce qu'elle laissait sous entendre : qu'il était déjà tellement attaché à elle que sa mort l'anéantirait. Il était soncère : il ne remonterait pas la pente cette fois-ci. C'était trop dur. Elle lui demanda alors de décrire son monde et il sourit.

- "Ferme les yeux et imagine. C'est l'aube et déjà le cirque s'agite. Les artistes se dirigent vers la piste alors que les membres, techniciens, dresseurs, entament leur balet dans les coulisses. Les enfants jouent dehors, qu'ils soient humains ou créatures, ils jouent ensemble, ils se tolèrent, ils sont en harmonie. Une petite chatte fait la maligne sur une barrière, un petit garçon est vexé, les enfants crient, les enfants rient. Le cirque s'anime alors, la piste s'éclaire, la lionne fait son numéro, le jongleur fait danser ses mains. Monsieur Loyal les félicite tous deux. Au loin, une panthère rit avec les hommes, ils plaisantent. La journée se déroule ainsi et le soir..."

Il se tait un instant, il rapproche ses lèvres de l'oreille de Neela en un murmure qui laisse la place au rêve.

- "Ils sont tous là, les spectateurs. Les enfants trépignent d'impatience après avoir été caresser et regarder les animaux. A nouveau, la piste s'éclaire et se pare de tous ses feux. Et le spectacle commence, alors que le trac monte, puissant dopant qui pousse à la performance. Alors, vient la plus belle récompense de l'artiste : des cris d'effroi, des rires, des applaudissements. On se félicite, on se congratule, on remballe. Le soleil est couché, les étoiles luisent et le cirque se rendort."

Il s'enivra alors du subtil parfum de Neela, lui aussi pris dans le rêve. Il ne touchait plus terre... Ses lèvres glissèrent le long de la mâchoire de la jeune femme et doucement, tendrement, il s'empara de ses lèvres invitantes, cédant à une envie impérieuse. Il est homme, il est animal, ses instincts le guident, il ne réflechit plus. Et déjà, le baiser se fait plus profond, empli d'un désir latent. Ils sont au coeur de la nuit et elle les couvre de son manteau...

Il aura suffit d'une nuit. Une nuit sombre et tellement propice à la mélancolie pour que deux âmes égarées et mélancoliques se croisent pour mieux se trouver. Il aura suffit de quelques mots à peine, de deux regards qui se croisent... Il aura suffit de si peu de choses pour que, ce soir là, l'espoir et l'Amour renaissent dans ces deux coeurs purs. Une femme puma et un homme guépard. Une prédatrice et un ange. Deux créatures qui se découvrent à peine et qui, pourtant, déjà s'aiment.

La lune ronde et pâle semble sourire avec bienveillance alors qu'elle laisse ses doux rayons nimber ces deux jeunes amants. Le regard d'or de la jeune femme se fit velours lorsqu'il caressa le si beau visage de son Ange. Elle qui n'avait jamais connu les flammes de la passion, elle qui n'avait jamais aimé auparavant, aujourd'hui comprenait toute la peine qui étreignait son ami. Telle la fleur qui s'épanouit doucement au soleil, Neela s'éveillait peu à peu à l'Amour. Et ce déchirement, cette peine qui brillaient si fort au fond de ces yeux jumeaux des siens lui déchiraient l'âme. Elle crut mourir lorsqu'une larme unique roula délicatement sur la peau de Reyn. Du bout de son doigt, elle essuya cette perle cristalline et la porta à ses lèvres.

- " Ne pleures pas bel Ange... Ne pleures pas..." dit elle dans un murmure en posant délicatement sa main sur le visage du guépard.

Du revers de la main, elle caressa lentement la pâleur de sa joue et, avec une infinie douceur, l'amena à lever les yeux au ciel. Les étoiles étincelaient de tous leurs feux dans l'immensité de l'obscure voûte céleste.
Délaissant le visage de son ami, sa main alla se loger au creux de celle du jeune homme et l'étreignit doucement.

- " Regardes ces étoiles qui, ce soir, ont su guider nos pas l'un vers l'autre. Regardes cette lune qui veille sur notre rencontre... Le ciel est un royaume immense où se reposent chacun des êtres si chers à nos coeurs et qui nous ont quittés. Regardes bien Reyn... Quelque part dans cette magnifique mer étoilée et scintillante ton grand amour, ta Roxanne te regarde elle aussi. Tant que le ciel existera... Tant que les étoiles brilleront au firmament... Alors jamais vous ne serez séparés. Et une partie de votre amour vivra à jamais... " murmura t'elle les yeux rivés sur le manteau céleste.

Neela sourit timidement. Elle aurait tant souhaité pouvoir un tant soit peu apaiser les peines de l'archange pour qui son coeur se mettait à palpiter si fort dans sa poitrine. Reyn... Ce nom faisait chavirer son esprit, enivrait ses sens, embrasait son coeur.

Elle était blottie au creux de ses bras, ses lèvres papillonant sur sa nuque, lorsque la voix du guépard se fit de nouveau entendre. La jeune puma se sentit glisser vers un monde inconnu alors que son esprit n'osait croire à ce que les mots du jenue homme dévoilait de façon si pudique. Son coeur s'emballa, ses yeux se fermèrent un instant, ses lèvres se relevèrent en un bien timide sourire. Neela se laissa aller un instant à imaginer qu'elle pourrait être aimée par un ange. Elle rêvait de pouvoir découvrir cet étrange sentiment dont elle ignorait tout dans les bras de cet homme, de ce guépard pour qui elle se sentait déjà brûler.

L'Amour pouvait il ainsi surgir entre deux être venant à peine de se croiser ? Neela sourit. Reyn n'était pas un étranger. Deux inconus pouvaient ils si bien se comprendre sans se connaître ? Deux âmes pouvaient elles à ce point s'accorder sans être destinées l'une à l'autre ? Non, bien sur que non. L'Ange était son âme soeur et, silencieusement, Neela remercia le ciel d'avoir permis qu'ils se retrouvent.

- " Je ne veux pas mourir bel Ange... Je veux vivre... Je veux aimer aussi ; murmura t'elle de façon presque inaudible ; Mais si cela devait arriver alors je rejoindrais moi aussi les étoiles et je veillerais sur toi. " dit elle en fuyant le regard de son ami et en déposant au creux de sa nuque un bien tendre baiser.

Les yeux mi clos, le sourire radieux aux lèvres, la jeune femme se laissa doucement entrainer dans un magnifique songe alors que Reyn lui contait les merveilles du cirque. Elle imaginait cet univers lumineux et scintillant où son rêve semblait pouvoir devenir réalité. Un monde hors des réalités où créatures et humains pourraient vivre en harmonie. Un monde où les armes et la violence ne seraient plus, remplacées par les rires et la joie. Un monde idéal... Un monde où, à cet instant précis, Neela aurait aimé pouvoir se perdre pour ne plus jamais en revenir. Un monde où elle aurait pu aimer son Ange.

Puis, dans le silence de la nuit, l'enchantement de ces lèvres qui eflleurent en une si enivrante caresse sa peau veloutée. Son esprit s'enflamme et se perd lorsque le guépard dépose sur ses lèvres un premier baiser. Neela ne comprend pas mais se laisse guider par son instinct, par ce désir qu'elle sent monter en elle. Alors ses lèvres s'animent sous celle de l'Ange, répondant à ce baiser par un autre, doux et voluptueux.

Est ce la femme ou la créature qui agit ? Peut être les deux.
La femme se fait douce et tendre alors que ses lèvres s'unissent à celles de l'homme. Elle est tendre aussi lorsque ses mains quittent sa nuque pour aller se poser sur ce torse dont elle redessine, par de légers eflleurements, les muscles. Mais Neela est féline et elle accepte sans comprendre vraiment ce feu qui commence à irradier son être, l'incitant à plus d'audace. Son corps frissone et tremble devant la chaleur de cet autre corps si près du sien.

Pour la première fois Neela aime et elle désire.

Là haut, dans le ciel, la lune laisse volontairement les ténèbres l'engloutir, soucieuse de préserver l'intimité de ces deux jeunes amants. L'astre sait que, ce soir, ces deux là s'aimeront et s'uniront. Elle le sait car elle sent l'Amour êt la passion qui brûlent en eux.

Cruel ange de l'amour qui balance ses flèches au gré de ses envies. Maudit cupidon qui trouve encore le moyen de le faire souffrir. Pourquoi a-t-il sortit son arc et décoché ses flèches de malheur cette nuit? Eros ce soir, est de sortie et a fait deux victimes innocentes. Reyn n'avait pas renonçé à l'amour, mais il ne pensait pas qu'il succomberait à nouveau et si rapidement. Et la culpabilité le ronge tandis qu'il se sent trahir Roxane. Son amour est-il si éphémère qu'il l'oublie si vite? N'est-il qu'un animal de passion, incapable d'un amour plus long? Il est idéaliste l'ange, il croit en l'amour éternel, il pensait l'avoir trouvé en Roxane. Il s'était trompé. Roxane avait été la première, celle qui lui avait ouvert les yeux, qui l'avait enveloppé de ses ailes immaculées et qui avait sauvé son âme.

Alors qu'une larme de trisesse dévale ses joues, il sent le doigt de Neela la suivre et la receuillir, l'effaçant ainsi de sa peau pâle. Et elle chuchote pour le réconforter, elle l'exhorte de ne pas pleurer. Il ne pleure pas, ce n'était qu'un égarement, une larme unique, cela ne se reproduira plus. Il est sensible, il l'a toujours été. Il est un écorché vif, il ressent, pleinement. Mais il n'est pas un faible, il surmonte ses peines et sa douleur. Il se laisse faire, il regarde le ciel, il a un pâle sourire. Il l'aime entendre parler, il adore l'écouter, il se laisse bercer par les visions nées de ses douces paroles. Il est d'accord avec elle, il sait que ceux qui les ont quitté sont là haut et les observe, qu'ils sont toujours là. Est-ce rassurant? Est-ce que son ange le regarde et pleure de le voir la délaisser, délaisser son souvenir? Ou est-elle heureuse pour lui et le regarde-t-elle avec son air doux? Au fond de lui, il sait que c'est la deuxième proposition la bonne. Que de là haut, Roxane sourit et lui souhaite tout le bonheur du monde. Mais a culpabilité le taraude pourtant.

- "Les étoiles ne me parlent pas, les étoiles ne me réconfortent pas, ou si peu. Je ne peux pas les toucher... Ce n'est pas en tant qu'étoile que j'ai besoin de toi Neela."

Il cède le beau guépard. Il est seul depuis si longtemps et il a tant besoin d'amour. Il le recherche, inconsciemment. Il maudit Eros et il le bénit en même temps. La vie est dure, l'avenir incertain, mais l'amour, comme la mort, sont immuables. Pour la première fois depuis longtemps, il se sent vivant, il sent son coeur plus léger. Elle risque de mourir, elle est de la Thianra, il pourrait la perdre. Mais il ne refuse pas l'amour par peur de le perdre, non. Il pense qu'il vaut mieux profiter et ne rien regretter que de geler son coeur et ne plus laisser personne y entrer. Il l'embrasse, tendrement tout d'abord, puis comme un homme désirant une femme. Il est raisonnable, il est patient, mais il se sent pousser des ailes en constatant qu'elle ne le repousse pas. Mieux, elle participe, lui rend son étreinte. Il ne cherche pas à comprendre comment il peut aimer si vite, si fort. Il se contente de murmurer, la voix voilée par l'émotion :

- "Cupidon a fait des siennes ce soir et nos vies ne seront plus jamais les mêmes. Je devrai avoir peur, il est si incertain d'aimer en ce monde chaotique."

Il embrasse son cou, il dépose un baiser dans le creux de la clavicule, alors qu'il chuchote :

- "Mais je n'ai pas peur. Je suis vivant, je découvre que je le suis encore et c'est grâce à toi."

Le vent se lève à nouveau, mais si léger souffle qu'il en est presque imperceptible. Aerienne et caressante étoffe qui vient doucement se drapper autour de ces deux corps si tendrement enlacés. La Dâme blanche suspendue si haut dans la voûte céleste se fait plus discrète, ses rayons plus diffus alors qu'elle semble adresser un tendre sourire à ce jeune couple d'amants. Sous ses yeux, elle les aura vu errer, le coeur lourd. Sous sa pâle lumière elle aura vu le Destin les pousser si malicieusement l'un vers l'autre. Par cette nuit constellée d'une myriade d'étoiles, Reyn et Neela se sont trouvés et contre toutes attentes s'aiment déjà...

Blottie au creux des bras de son Ange, la jeune puma se laisse glisser avec délectation dans cette mer de sérénité et d'amour que lui offre le beau guépard. La magie de cette nuit hors du temps lui fait tout oublier. La guerre aussi pitoyable qu'effroyable qui agite ce monde... La violence qui régit son existence depuis si longtemps, bien trop longtemps déjà... Humains, Créatures, Thianra, Arnaiths... Tout cela pour l'instant n'est plus...

Alors que l'un de ses mains vient se poser sur le coeur du jeune homme, la belle femelle sent ce dernier battre si vite, si fort. Un radieux mais bien timide sourire vient fleurir sur ses lèvres tandis que ses orbes dorées viennent se plonger dans leurs jumelles et que son autre main vient tendrement caresser la joue de l'Ange.

- " Les étoiles ne parlent peut être pas et si, parfois, leur scintillement ne suffit malheureusement pas déchirer le voile de ténèbres qui nous envelloppe pour nous apporter réconfort et apaisement n'oublies cependant jamais une chose Reyn... Regardes ! ; dit elle en levant son regard vers la voûte céleste et en désignant d'un large geste de la main toutes ces lucioles scintillantes qui planaîent silencieusement au dessus de leurs têtes ; Regardes Reyn ! Les étoiles veillent sur toi, sur moi, sur nous... Pourras tu jamais les voir comme avant , même après ce soir ? Moi je sais que je ne le pourrais pas. Même si je suis loin de toi, il me suffira chaque nuit de poser sur elles mon regard pour savoir que, quelque part, vit un Bel Ange... mon Ange... A chaque fois que je les regarderai ce sera avec les yeux éperdus d'Amour... Parce qu'à travers elles c'est ton visage aimé que je verrai... " confessa t'elle d'une bien troublante et si sincère façon.

Pendant tant de jours, de mois, d'années même, Neela avait fait taire cette parcelle d'humanité qui demeurait en elle, enfouie sous des gigantesques amas de souffrance et de dureté qu'elle s'était imposés à elle même. Parce qu'une créature libre et membre de la Thianra ne pouvait se permettre de faire preuve de trop de sentimentalité, d'humanité sous peine de courir vers une mort certaine. Pendant si longtemps Neela n'avait été que fureur , haine et rancoeur. Elle avait cultivés ces émotions négatives et violentes avec soin et patience, s'en forgeant un rempart qu'en quelques heures à peine, l'artiste de cirque venait de faire voler en éclats !

Neela sentit son coeur se mettre à battre la chamade alors qu'elle cédait à son envie et laissait ses lèvres soyeuses épouser langoureusement celles de son amant. Enivrante et si agréable sensation que cette impression de ne faire plus qu'un avec cet être qui l'éveillait si délicatement, si joliment à l'Amour. Pour lui, la prédatrice se faisait uniquement femme. Pour son Ange, Neela avait laissé choir le masque de rebelle et laissé s'effondrer toutes ses barrières. Alors qu'elle s'éloignait lentement de lui, alors que leurs regards se croisaient pour mieux se fondre l'un dans l'autre, la jeune puma se sentit enfin réellement vivre.
Pour la première fois de toute son existence, Neela se sentit libérée des chaînes de son passé, de son présent et se laissait même aller à rêver à un avenir. Un avenir où l'Amour, la douceur et peut être même la paix pourraient enfin cesser de n'être qu'utopies pour finalement devenir réaltés. Un avenir meilleur où elle pourrait juste, comme ce soir, ne vivre que par les sourires de ce guépard qui l'enlaçait. Vivre par son regard d'or qui la caressait aussi surement que ses mains le feraient. Vivre par et pour lui tout simplement...

-" Que le monde continue sa folle course ! Qu'il ne soit que conflits et chaos ! Que la Terre entière s'entredéchire même... peu m'importe ! " dit elle d'une voix si douce.

Se détachant de l'étreinte pourtant si rassurante des bras de son bel Ange, elle se releva doucement et venant se poster au bord du quai, les bras entourant ses minces épaules, elle jeta un regard empli de douceur et de tendresse envers son ami et le sourire aux bords des lèvres, lui murmura :

- " Peu m'importe ce que sera demain... Même si cela me terrifie bien plus que l'idée de mourir elle même... Même si je tremble de savoir à quel point éprouver cela me rend à la fois si vivante enfin mais aussi si vulnérable ... Même si je frémis à l'idée de devoir jamais me séparer de toi..."

Les yeux dorés de la belle femelle revinrent se perdre dans les eaux sombres de la nuit alors que ses lèvres murmuraient en un troublant et délicieux aveu :

-" Je t'aime Reyn... "

[Pardon, pardon Embarassed

Je te propose de clore le topic, on se retrouve au Cirque et peut-être dans le nouveau scénar quand il aura démarré Wink

]

La guépard suivit des yeux la main de Neela qui lui intimait de regarder le ciel. Ses yeux dorés parcoururent la voute étoilée, attendant de savoir quel mystère la jeune femme allait lui faire découvrir. Ce qu'elle lui révéla le fit sourire. Derrière ses allures de prédateur se cachait une grande romantique. Soit, il regarderait les étoiles d'une autre façon, il songerait à elle à chaque fois qu'il regarderait le ciel nocturne et parsemé de lumières. Il ne pourrait jamais plus regarder le ciel comme avant, elle avait raison. Et comme pour faire écho à ses pensées, il souffla :

- "J'ai l'impression que je viens de réveiller quelque chose en toi Neela. Une partie de toi que tu refusais de laisser s'exprimer. L'impitoyable guerrière, la féline libre et fière n'est que la partie voyante de l'iceberg. Mais moi, je sais que la partie immergée est bien plus précieuse."

Leurs bouches se trouvèrent, comme leurs âmes. Il songea avec une pointe de tristesse qu'il l'avait mise à nu et qu'il risquait fort d'être la cause de sa perte. Il pouvait si facilement lui faire du mal maintenant... Bien sûr, il ne le voulait pas, jamais il ne lui ferait sciemment du mal. Mais le monde était ainsi fait qu'il séparait ceux qui s'aimaient de bien cruelle façon. Ils étaient en pleine guerre, et si, sur les berges du fleuve, le monde semblait paisible, ils savaient tous deux que ce n'était qu'une illusion et que bientôt, la réalité les rattraperait et les broierait dans son implacable cruauté. Mais il était si bon de rêver. Alors soyons fous mon amour et rêvons que nous avons la vie devant nous et un avenir radieux qui nous attend.

De façon troublante, Neela évoqua ce sujet, en termes bien moins sombres, pleine de vie et d'espoir. Il sourit, n'ayant pas à coeur de lui faire partager ses sombres pensées. Elle s'arracha à lui, très doucement, et se leva, entourant son corps de ses bras mince et lui avouant combien elle se sentait vivante mais vulnérable, lui avouant qu'elle l'aimait. Il se leva à son tour à cette déclaration sincère et se positionna derrière elle, l'entourant de ses bras et murmurant dans son dos :

- "Ma force et ma faiblesse... Nous sommes dans le même bateau, je t'aime d'un amour fou, d'un espoir insensé, mais je m'en moque. Poursuivons ce rêve ensemble, jusqu'à ce que le destin le brise."

Ses lèvres effleurèrent la gorge de la jeune femme, presque avides. Mais déjà, la nuit s'effaçait, l'aurore commençant à illuminer la nuit. Le guépard poussa un petit soupir de regret.

- "Avec le jour meure notre bulle de rêve. Rejoins-moi au Cirque quand tu voudras Neela. Rejoins-moi dés que tu peux, que cette nuit ne soit pas simplement un rêve éphémère."

Il se retrouva devant elle, il s'empara de ses lèvres, se saisit de ses mains et les baisa, le regard brillant. Il ferait mieux d'être rentré avant que tout le cirque ne s'éveille. Il allait être frais aujourd'hui... Mais pour le moment, il se sentait en pleine forme et fringuant, comme s'il n'avait pas passé une nuit blanche. Il lui adressa un dernier regard et se força à la lâcher, à faire volte-face et à filer aussi vite qu'il le pouvait, pour ne pas être tenté de se retourner et de céder. Il la reverrait si telle était sa volonté. Que le rêve ne se brise jamais...

[Vala! La suite au Cirque fleurs

]

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