Enfin un chez-soi

[Pardonne-moaaa. *grands yeux mouillés* ]


"Oh ne t'inquiète pas, ce n'est pas si difficile de passer pour un habitant de Paris intra-muros. Crois-moi, dans deux semaines tu seras sous Valium pour t'éviter une névrose aigüe et tu te sentiras parfaitement intégrée."

Il sourit en enfilant sa veste, un sourire qui se teinta cependant de regrets lorsque Jeena mentionna le manque de liberté des créatures.

"Que veux-tu, c'est ainsi. Nous n'avons pas le droit de lire, nous n'avons rien à faire dans les librairies. Oh, peut-être en mettant son collier bien en évidence et en prétextant venir chercher un livre pour son maître... mais pour ma part, même en étant bon comédien, il y a des humiliations que je refuse de subir."

Il soupira avant d'ajouter:

"Tiens, un autre exemple: j'étais à l'hôpital récemment, après une petite bagarre au cirque. Eh bien c'est un vétérinaire qui a soigné mes blessures, un vétérinaire assermenté spécialiste des créatures. Véto, pas médecin. Pas très flatteur, n'est-ce pas?"

Algol ne savait pas encore qu'il allait croiser Catelyn le lendemain même, et que cette fois il irait à l'hôpital pour bien plus que de simples égratignures...

[Bon... pour cette fois, je peux faire un effort et oublier que tu m'as oubliée ! ^^]

"Sous Valium ? Seulement au bout de deux semaines ?"

Ce qu'elle entendait ne lui plaisait pas. Et pourtant, Jeena savait que même si les paroles d'Algol étaient quelque peu exagérées, elles étaient fondées. Elle se souvenait d'un de ses voisins dont le fils avait déménagé à Paris pour poursuivre ses études. Au bout d'un mois, il était revenu au village à cause d'une vilaine dépression.
La jeune femme soupira, espérant qu'il en serait autrement pour sa personne.

"Si jamais tu as besoin d'un livre ou envie de discuter, n'hésite pas à venir me voir. Avec moi, pas besoin de collier et pas besoin de mentir ou de subir une quelconque humiliation."

Elle lui sourit pour montrer à quel point elle était sincère. Cependant, son sourire s'effaça lorsque Algol lui raconta son histoire à l'hôpital.

"Les Créatures sont-elles si différentes des humains ? Je veux dire, leur organisme doit être comme celui des humains, non ?"

Sûrement... étant donné qu'ils étaient 'fabriqués' à partir de gènes humains. Dans ce cas, Jeena trouvait répugnant le fait que les hommes méprisent à ce point la vie des Créatures. En même temps, à quoi s'attendait-elle ? Tous les hommes étaient les mêmes...

[tant de bonté te perdra ]


Algol s'appuya contre le chambranle de la porte du salon, les bras croisés et l'air songeur. Il prit un peu de temps pour réfléchir à la question de Jeena avant de répondre:

"Bien que n'étant pas expert en biologie, je pense que ça dépend. Certains félins, comme moi, sont volontairement conçus pour ressembler le plus possible à un humain. Les généticiens des élevages de luxe essaient de trouver un génome qui procure une apparence presque humaine, plus racée et agréable que la moyenne de l'espèce. Je ne te cacherais pas que la plupart des créatures féminines (et aussi quelques masculines) qui sont conçues de la sorte sont destinées aux bordels de luxe du centre-ville..."

Le sous-chef resta un instant silencieux: comme il l'avait dit, lui-même était issu d'une longue série de manipulations génétiques, et si l'aspect physique dont il avait hérité était plus que réussi, Algol traînait également quelques târes typiquement artificielles. Comme ses schizophréniques poussées de violence, par exemple...

"Ces créatures-là sont donc plutôt proches des humains du point de vue morphologique, même si elles sont naturellement plus résistantes et que les dosages médicamenteux ne doivent donc pas être les mêmes. Sinon, la majorité des créatures sont moins triturées du point de vue ADN, elles sont donc moins semblables aux humains: elles ont des oreilles de félin, une queue, des lèvres noires... C'est variable d'un individu à l'autre. Et puis il y a les échecs de manipulation, quand les scientifiques produisent des créatures d'apparence bien plus proches de félins bipèdes que d'humains. Je te laisse imaginer à quellles sombres tâches ils relèguent ces malheureux..."

Sauf quand l'un d'eux s'échappait pour devenir le plus impitoyable tueur de la Thianra, par exemple... Mais cela, Jeena n'avait pas besoin de le savoir.

"En tout cas, les créatures ont des organismes tout aussi complexes que ceux des humains, et c'est une infamie de nous bazarder chez le vétérinaire. Quand je pense que c'est tout juste s'ils donnent du sang aux créatures anémiques dans les hôpitaux..."