Ding dong 2, le retour...

Mardi après-midi. Trop tard pour la pause déjeuner, assez tôt pour que les enfants du quartier soient encore à l'école. Non pas qu'autrement on croisait beaucoup de bambins près de la demeure shiftienne: le proprio avait une désagréable et pas totalement injustifiée réputation d'ogre avide de chair fraîche. C'était d'ailleurs un grand sujet de discussion entre ces dames du Rotary Club: comment un tel individu pouvait-il continuer à vivre si près d'elles et de leurs charmants bambins surdoués? Comment pouvait-il vivre en étant tous les jours en contact avec ces animaux hybrides qui couraient un peu partout? Et surtout, surtout, s'il les détestait tous autant qu'il le proclamait (en langage shiftien, proclamer signifie gronder), qu'est-ce que c'était que cette tête blonde qu'on voyait quotidiennement dans son jardin, avec ses oreilles pointues qui dépassaient de la clôture?

Nous savons, nous, qu'il sagissait tout simplement d'une erreur de la nature. Mais revenons-en à notre mardi après-midi.

Trop tôt, trop tard, blablabla... Bref, la petite banlieue bourgeoise était tout ce qu'il y a de plus sereine, abandonnée aux quelques desperates housewives qui n'étaient pas occupées à ces saines activités que sont le shopping place Vendôme ou une visite à l'esthéticienne. Ici, un jardinier tondait la pelouse d'un air absent. Là, un jeune couple flânait en contemplant les maisons. Un représentant de commerce, luisant de sueur à cause de cette "saloperie d'été qui n'en finissait pas", leur dit bonjour d'un signe de tête avant de s'attaquer à une énième femme au foyer pour lui expliquer combien un assainisseur d'air manquait dans sa vie. Le jeune homme le suivit derrière ses lunettes de soleil, avec un sourire un tantinet moqueur, avant de revenir à ces façades qui semblaient tant l'intéresser.

Son expression de promeneur du dimanche - ou du mardi, en l'occurence - ne s'estompa que lorsqu'il vit le nom W.Shift sur une boîte aux lettres, de l'autre côté de la rue. Il traversa la chaussée, entraînant avec lui la jeune femme qu'il tenait toujours par les épaules. Il s'assura en passant que le chapeau qu'il l'avait forcé à enfiler cachait toujours convenablement ses oreilles félines, et qu'il n'y avait aucun signe de la longue queue rousse qu'elle avait dissimulé par un tour de passe-passe typiquement féminin. Puis, apparemment satisfait de son sommaire examen, il lâcha sa compagne, s'avança vers le perron et sonna aussi tranquillement qu'il le pouvait en étant aussi stressé. Le Zombie n'avait aucune raison d'être là, mais si Shift avait décidé de contrer les pronostics du couple de créatures, cette histoire allait vite tourner à la course à pied.

Car oui, si Algol le fugitif avait traîné Laïna dans un des quartiers résidentiels les plus cossus de Paris, s'il s'était forcé à passer un simple jean et une chemise on ne peut plus neutre, c'était pour voir Casey. Et peut-être pas que pour le voir, mais ça c'était une éventualité encore enfouie dans son inconscient.

Mardi après-midi. Comme tous les jours de semaine, Casey se retrouvait pratiquement toute la journée seul à la maison, à répéter les mêmes gestes qui, à ses yeux de gamin dangereusement imaginatif, devenait chaque jour une aventure différente et toujours plus trépidante que la précédente. Car oui, messieurs dames, même nettoyer les tâches de sang des chemises de Wind Shift pouvait devenir amusant avec Casey aux commandes.

Mais aujourd'hui en particulier, le chaton du plus inquiétant véto de la Création se retrouvait particulièrement désœuvré. Il avait déjà fait une machine, nettoyé de fond en comble cette maison déjà plus propre qu'un hôpital, les fleurs ne demandaient qu'à se gorger de soleil, et il n'y avait aucune course à faire.

Mreow.

Roulade. Roulade dans l'autre sens. Casey considéra le plafond du salon avec un ennui profond marqué sur ses traits ronds, encore accentué par un début de somnolence qui faisait peser ses paupières sur ses yeux dorés.
Ennui. Il découvrait le sens de ce terme avec une intensité jamais atteinte.
C'était vraiment tout ce qu'il avait trouvé à faire; s'allonger sur le sol encore un peu frais, au beau milieu du salon, et attendre. Attendre Monsieur Shift, ou le facteur, ou une récidive de ce monsieur bizarre qui voulait qu'il achète un "nanénisseur d'ère".

Roulade. Ronronnement dépité.

Depuis qu'il avait revu monsieur Algol, Casey avait vraiment souhaité le croiser au détour d'une rue le plus vite possible –cinq minutes après son départ, puis toutes les demi-heures, et enfin tous les matins quand il allait chercher le journal au kiosque. Nada. Pas l'ombre d'un lépoard.
Le blondinet passa une main sous son débardeur blanc pour se gratter paresseusement le ventre, et poussa un soupir. Il avait l'envie quasi irrépressible de quémander une marque d'affection à son maître; jusque là, il s'était retenu. Juste une tape sur la tête, ou un micro-mini sourire, quelque chose d'insignifiant, mais quelque chose tout de même...

Diiiiin dong!

Les oreilles de la créature se dressèrent, et Casey s'extirpa de sa torpeur pour fixer la porte d'entrée, comme pour l'interroger sur l'identité des visiteurs qui se tenaient derrière elle. Mais les portes ne parlaient que dans Alice au Pays des Merveilles.
Le chaton se tortilla sur le sol, d'une façon toute féline et curieusement élastique, avant de se mettre à quatre pattes, puis se dressa sur ses deux jambes maigrelettes.
Encore le monsieur aux nanénisseurs?

En quelques enjambées, il fut au pied de la porte, et éleva sa main jusqu'à la poignée. IL somnolait encore un peu, mais avait déjà sagement préparé son habituel "bonjour désolé missieur/midame mais mon maître est absent je peux peut-être prendre un message non dans ce cas au revoir bonne journééée".

Ses yeux d'ambre tombèrent presque aussitôt sur d'autres prunelles couleur soleil. Niah. Casey battit des cils, encore plus lent à la détente que d'ordinaire, et prit plusieurs longues secondes de silence pour dévisager fixement Algol. Un monsieur Algol dans d'inhabituels vêtements normaux, et accompagné d'une fille aux cheveux auburn et aux grands yeux clairs.

"M…"

…recherche de réseau…

"M-Monsi…"

… connexion en cours…

"MONSIEUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUR ALGOOOOOOOOOOOOOOOOOLLLL!!!!!!!!!!!!"

Connexion établie.

Et la seconde d'après, toute la féline vélocité inscrite quelque part dans les gènes de Casey décidèrent à l'instar de ses neurones de prouver leur existence: il sauta au cou du malheureux léopard en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire.
Le tout dans un grand cri de joie à peine exagéré.

L’été, saison de toutes les folies. Quoi de plus agréable que de se prélasser au bord de l’eau pour cuire côté pile et côté face. Ou bien alors faire la fête jusqu'à des heures infinies et finir ivre mort sur les cuvettes des toilettes à cracher ses entrailles. Que de délicieux souvenirs. La liberté absolue, l’inconscience sans limite. Avant de lentement s’éteindre comme la saison qui suivait pour ne se réveiller qu’au printemps.

Cependant l’été n’était visiblement pas terminé et dormir n’était pas encore revenu dans le calendrier. Quel dommage. C’est du moins ce que se disait une pauvre féline désespérée qui supportait avec patience les jeunes humanoïdes complètement dégénérés qui venaient faire la fête au seuil de la forêt histoire d’attirer des créatures pour se faire peur et tenter de rapporter un trophée chez eux. Elle serait bien aller leur apprendre le respect mais le félin avec qui elle partageait son territoire le lui avait formellement interdit et elle lui devait bien de lui obéir un peu.

Cependant, ces nuits étaient monotones. Elle n’avait plus le droit de chasser pour le plaisir et dormir était impossible. Sans compter que Laïna et l’immobilité ne s’étaient jamais rencontrées et qu’elle finissait par rendre fou son pauvre compagnon. Pourtant, c’est sans rancune qu’il l’avait invité à le suivre en ville pour se faire une petite ballade en « amoureux » en pleine journée. La féline s’était tout d’abord demandée s’il était devenu fou ou s’il avait décidé par un moyen détourné de se débarrasser de sa pauvre carcasse de féline insupportable. L’après midi était le moment le plus voyant pour un félin. Sans compter que si Môssieur avait l’avantage de ne pas avoir de marque de fabrique trop voyante, Laïna avait quand même deux oreilles très rousses ainsi qu’une queue loin de ne faire que 10 malheureux centimètres.

Vous savez quoi ? Les mâles sont vraiment très bornés ! Algol avait baratiné sa petite sœur jusqu’à ce qu’elle accepte rien que pour lui faire plaisir. Elle ignorait totalement l’endroit où il voulait l’emmener car il avait refusé de le lui divulguer avant d’y être rendu. Et lorsqu’elle essaya de le piéger sur l’histoire de ses oreilles et de son prolongement de vertèbres, il lui enfila un grand chapeau de demoiselle. Elle ne put alors que se résigner et elle cacha tant bien que mal sa queue sous ses vêtements de façon à ce qu’elle n’attire pas l’attention. L’expédition pouvait commencer.

Elle n’aimait pas Paris la journée. C’était trop grand, trop vivant, trop moche. La nuit rendait la capitale plus à son avantage. Le jour c’était une rue, une maison, une rue, des maisons, un croisement, encore des maisons, des gens, des maisons. Ah non, elle oubliait, des poubelles ! Bref, rien qui puisse intéresser une féline aussi délicate qu’elle. Pourquoi ce sourire en coi ? Laïna pouvait fort bien se faire passer pour une jeune fille de bonne famille… Si tant est qu’elle n’ouvre pas la bouche et qu’elle ne touche à rien de ce qui pouvait l’entourer.

Algol fut obligé de manier la féline fermement afin qu’elle se tienne tranquille. Elle avait acquit une peur des Humains en groupe qu’il lui était extrêmement difficile à maîtriser et elle aurait faussé compagnie au mâle avec une grande agilité s’il ne l’avait pas aussi bien connu. Mais Algol connaissait trop bien les faiblesses de la féline et elle n’avait trouvé aucun moyen assez convenable pour s’enfuir ventre à terre.

Ils arrivèrent dans un quartier très chic où la peuplade parisienne semblait occupée à tout sauf à occuper les rues. Quelle excellente. Seul un pauvre jardinier tondait une pelouse déjà rabougrie par la sécheresse. Que pouvait-il bien encore tondre cet idiot ! Et cet imbécile de représentant de commerce qui leur disait bonjour uniquement parce qu’il pensait avoir à faire à des humains normaux. Elle lui aurait bien donné un air encore plus crétin à celui là mais c’était malheureusement impossible, il possédait déjà la chanson entière. Pauvre bête !

Soudain, Algol bifurqua pour aller de l’autre côté de la rue et passa sa compagne en revue avant de reprendre son approche d’un perron qui ressemblait aux autres, apparemment satisfait de sa besogne. Laïna soupira lorsqu’il dressera enfin son étreinte anti-fugue et resta sagement derrière le félin, se demandant quelle serait la meilleure occasion pour retourner vite fait dans sa brousse déserte. Finalement elle sourit discrètement en regardant son frère habillé de façon ordinaire sonner chez des Humains. Le tableau n’était pas banal et valait le détour. Restait à savoir ce qui se cachait derrière cette grande porte.

La porte cliqueta avant de se tourner doucement sur ses gons. Laïna chercha l’espace d’un instant ce qui avait provoqué l’ouverture avant de se rendre compte qu’un tout petit chaton apparaissait sur le pas de la porte, visiblement éblouit par la vision du mâle léopard. La jeune féline resta perplexe sur ce qu’elle voyait, surtout lorsque le chaton, visiblement pas très réveillé, sauta littéralement au coup d’Algol sans aucune retenue. Elle attendit simplement d’avoir un indice sur la situation, histoire de ne pas réagir de façon plus déplacée que le petit félin. Elle se permis juste un doux sourire en guise de « bonjour » pour ne pas déranger les retrouvailles.

[Pardon, je ne suis que moyennement inspirée ^^"]

"Allez, arrête de faire la tête. Je suis sûr que tu vas adorer."

Tête de mûle de Laïna... C'était bien une femelle! Un coup je déguerpis à l'autre bout de la ville et je terrorise d'innombrables innocents avant de passer à deux doigts de la fourrière pour avoir cambriolé une libraire trop bien protégée, un coup je boude et je tremble à la simple idée de me retrouver parmi les humains. Bon, d'accord, il faisait jour, mais tout de même... est-ce que Algol avait la trouille, lui? Je veux dire, à part la crainte légitime de ce qui allait ouvrir la por...

"M-Monsi…"

Les cheveux de la nuque du léopard des neiges se hérissèrent, son corps se tendit, ses muscles se contractèrent. Danger imminent, danger imminent... Mais il était déjà trop tard. A peine avait-il pivoté pour faire face à l'ennemi que celui-ci se jetait déjà à sa gorge, enfonçant ses petits doigts maigres dans ses épaules pour se hisser jusqu'à son cou, nouant ses jambes maigrelettes autour de sa taille pour l'étouffer dans son implacable étreinte. Et ne parlons du feulement de la Bête, qui transperça le tympan gauche d'Algol et lui vrilla le cerveau avant de ressortir par l'autre oreille:

"MONSIEUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUR ALGOOOOOOOOOOOOOOOOOLLLL!!!!!!!!!!!!"

*Pourquoi moi? T-T *

En un étonnant réflexe de pur désespoir, l'ancien sous-chef avait réussi à attraper le col de Laïna d'une main pour la tirer vivement à l'intérieur et claquer la porte derrière elle. Mais la Bête avait un complice couché dans l'entrée, un vieux tapis persan à l'air grincheux qui ne se priva pas pour faire un pli sous les tennis du léopard. Déséquilibré par la chose qui ronronnait autour de son cou, Algol poussa un bref cri avant de trahir lamentablement l'adresse légendaire des créatures: il s'étala de tout son long au milieu du hall du sus-mentionné pire véto de la Création. Le souffle coupé (par la chute ou par la boule de poils blonde, là était toute la question), il parvint néanmoins à se dire qu'il avait refermé la porte avant qu'on entende son nom jusqu'à l'autre bout de la rue. Ce n'était pas comme s'il était recherché par toutes les polices de la ville, voyons...

"Casey... gentil... argh..."

Il saisit le chaton sous les aisselles et le décolla difficilement de sa pauvre gorge à l'agonie - Dieu que ce garçon était encombrant... Heureusement l'ancien sous-chef avait fait pas mal de musculation ces derniers temps, et il en était bien content à présent que sa vie en dépendait. Les petits bras le relâchèrent enfin, et l'ancien léopard put plonger à loisir dans les deux soleils débordant d'affection qu'étaient les iris de Casey. En faible créature qu'il était, Algol ne put s'empêcher de sourire.

"Tu vois, je suis revenu cette fois."

Un éclair d'amûr sans bornes passa dans les prunelles de miel, et l'élégante créature se hâta d'ajouter pour détourner l'attention de la Bête:

"Je voulais te présenter quelqu'un. (geste du menton vers Laïna, toujours près de la porte) C'est ma petite soeur - tu sais ce que c'est une soeur, n'est-ce pas? Elle s'appelle Laïna."

Puis il sourit à la féline, dans la visible intention de s'excuser pour le trajet qu'il l'avait obligée à faire à travers la capitale noyée de soleil. Voilà un autre problème, auquel il n'avait que trop pensé: s'il ne trouvait pas très vite le moyen de se faire pardonner, il savait que la jeune femelle avait toute la science nécessaire pour faire de sa vie un enfer.

"Laïna, voici Casey. Tu te rappelles, le chaton plus destructeur que toute une armée de mini-Noah? C'est bien toi qui voulait le rencontrer, non?..."

Sous-entendu: c'est toi qui a lancé l'idée de l'expédition en ville, pas moi.

Difficile est la tâche qui consiste à décortiquer les idées actuelles de Casey, alors que ses bras fins s'agrippaient au cou d'Algol, dans l'intention certaine de le câliner jusqu'à ce que mort s'en suive. Il pensait, entre autre, à la promesse faite de revenir jouer avec lui, à un verre de lait frais, au Lièvre de Mars, à la texture d'un certain gilet –mais juste ciel! Il n'en portait paaaas! [Apocalypse]- et aussi à Monsieur Shift, qui aurait été certainement content de recevoir de la visite, pour une fois. En somme, une masse confuse et fantaisiste de pensées brèves et colorées, qui jaillissaient et bouillonnaient joyeusement sous un couvercle de pur et simple bonheur. Car oui, mesdames et messieurs, on aurait pu difficilement faire plus heureux que la petite créature blonde à cet instant.

Son cri ~~de guerre~~ de joie fut un peu troublé par les mouvements brusques du léopard. Il n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il se passait, qu'il se retrouvait déjà assis sur Algol, ce dernier étalé de toute sa gracieuse longueur sur le tapis du vestibule.

* Nié? '_' *

Des mains le dégagèrent laborieusement de son refuge, et ce fut à contre-cœur que Casey se désolidarisa de sa victime favorite, affichant pour la peine une éphémère moue contrariée. Ephémère car non seulement il était déjà trop content pour figer ses traits efficacement, mais aussi parce qu'Algol déclara explicitement son return ("Tu vois, je suis revenu cette fois"), tel le charismatique-et-mystérieux-desperado-bienfaiteur revenu de son pèlerinage dans le désert en compagnie d'une reine-de-la-gâchette-charismatique-et-mystérieuse-aussi. Casey avait eu le droit de regarder un peu la télé, ce week-end.

"Je voulais te présenter quelqu'un… C'est ma petite soeur - tu sais ce que c'est une soeur, n'est-ce pas? Elle s'appelle Laïna."

Battement de cils. Casey porta cette fois toute son attention sur la belle-madame-du-désert, la dévisageant de ses grands yeux dorés avec un intérêt confinant l'admiration. Petite sœur? Petite sœur de monsieur Algol?
Sa bouche s'ouvrit en un O de ravissement stupéfié.
Il avait vaguement assimilé les notions de liens familiaux –bien qu'il n'en ai jamais connu et qu'il considère le statut de "maître" comme une fusion fort usitée de "maman" et "papa". Monsieur Shift n'évoquait jamais ses propres parents, et encore moins une potentielle fratrie. Mais il savait, tout de même. Alice avait une grande sœur, n'est-ce pas?

La sœur d'Algol s'appelait donc… Laïna.

"Madame Laïïïïïïïïnaaaa?"

Un large –très très large- sourire vint élargir la bouche juvénile de Casey. Sa longue queue préhensible effectua des torsions allègres dans son dos, alors qu'il restait le plus naturellement du monde assis sur les genoux d'Algol en contemplant la féline sans piper un mot de plus. Il ne réagit pas à l'étrange comparaison de Monsieur Algol. D'ailleurs il ne savait pas ce que pouvaient bien être des "mininoas".

La jeune féline n’eut pas le temps de sourire d’avantage qu’elle se sentit emporté avec une certaine violence à l’intérieur de la maison, tiré par le pauvre col de sa chemise dont un bouton s’arracha et les oreilles percées par un cri de retrouvaille impressionnant. Inutile de dire que bien qu’ayant un cœur solide, celui-ci fit trois fois le tour de sa poitrine avant de revenir normalement en place. La porte claqua derrière ses oreilles et sa première hantise fut d’être repérer. Ne s’occupant soudainement plus des deux compères, elle passa la tête derrière le rideau de la fenêtre la plus proche afin de s’assurer que la maison n’était soudainement pas encerclée par une armée de voiture gyrophare et des tanks aux longs canons braqués sur eux. Fort heureusement, il n’y avait pas un chat. Du moins, il n’y en avait plus.

Elle se permit enfin un long soupir avant de s’occuper d’essayer d’arranger le décolleter devenu très décolleté par la faute de son cher et adoré grand frère. Qu’elle n’allait du reste pas tarder à passer dans la machine à faire de la chaire à pâté ! Une envie soudaine de meurtre la posséda surtout lorsqu’il se permit l’audace de dire que c’était elle qui avait voulu venir ici.

Cependant, son expression changea du tout au tout lorsqu’elle se rendit compte, (enfin après plus de 5min passée) qu’Algol se trouvait étalé par terre, le chaton ayant gentiment ouvert la porte et ayant failli les tuer, assit tranquillement sur les genoux du sous-chef. Elle ne pu alors que retenir un affreux fou rire devant le tableau. Non mais imaginez le grand, le beau, le puissant sous-chef de la plus méchante des organisations terroristes, en train de poussiner ! Cela valait vraiment le détour !

Elle resta pourtant sérieuse, malgré la lueur moqueuse qui se lisait fort bien dans ses prunelles de feu, à l’attention de son frère. Elle avait sa vengeance et Algol n’avait pas finit de se l’entendre dire. Son attention se reporta sur le petit Casey. Un petit blondinet au visage angevin et visiblement naïf. Quoique le proverbe disait bien « méfie toi toujours d’une tête d’ange, derrière s’y cache souvent un diablotin ». Visiblement, d’après ce qu’elle avait entendu, c’était effectivement le cas. Mais de là à oser comparer une adorable petite créature comme ça à une armée de mini-Noah ! Pour commencer les bébés Noah auraient été brun pas blond ! Et puis Casey avait un air qui faisait presque fondre la jeune féline. ( Même si Noah en avait également le pouvoir mais là n’était pas le débat.) Elle s’avança et vint s’accroupir auprès des félins.

« Bonjour Casey. Je suis ravie de faire ta connaissance boule de poil. Algol n’arrête pas de me parler de toi, mais je comprends mieux, tu es tellement mignon ! »

Elle détourna son regard, l’espace d’un instant pour aller plonger ses yeux dans ceux d’Algol, lui faisant comprendre que, malgré le fait que Casey soit adorable et qu’elle consente sur le fait que le mâle n’ai pu s’empêcher de le lui présenter, il passerait un mauvais quart d’heure quant au fait de lui avoir donner de la couture à faire en rentrant et d’avoir failli les faire aller en prison alors que d’habitude c’est lui qui râlait sur les bêtises de sa sois-disante sœur. Sans parler des sous-entendus bidon qu’il avait faits. Pourquoi les aînés doivent-ils toujours reporter la faute sur leur cadet !

Son attention se reporta sur le chaton, ne tardant pas à imiter l’agitation frénétique de la queue du petit félin, une douceur sur le visage que personne à ce jour ne lui avait vu. Attendrie autant par la frimousse ahurie de Casey que par cet affreux instinct paternel qui envahissait Algol à chaque fois qu’il s’agissait d’un être sans défense.

« Et dites moi, quel âge à ce charmant jeune homme ? »

Instinct paternel ou pas, le sourire d'Algol sembla perdre de son éclat lorsque les deux créatures plus jeunes entreprirent de communiquer. Pour le pragmatique léopard des neiges, la scène qui se déroula alors dans le hall shiftien revêtit l'éclat dangereux d'une parabole biblique. Lui, allongé sur le tapis, à peine appuyé sur ses coudes, dépourvu de toute défense (même des psychologiques, vu qu'il n'avait pas son gilet sur lui). Elle, accroupie dans un rayon de soleil, le feu de la vengeance se mêlant à une tendre caresse dans ses yeux de félidé, son chapeau de travers dévoilant une oreille en pointe, son chemisier maltraité esquissant un décolleté un tantinet indécent. Et Ca, assis sur les jambes de Lui avec un naturel désarmant, ses grands yeux subjugués par la vision divine de Elle.

Oui, tout ceci ressemblait fort à un ultime moment de stabilité avant l'orage qui dévasterait le monde - et devinez qui a été retenu au casting pour jouer le rôle du paratonnerre?... Parce que rien qu'à voir le regard qu'échangeaient ces deux-là, l'ancien sous-chef avait tendance à penser qu'il venait de commettre une erreur en comparaison de laquelle le fait d'avoir embrassé Opale sous le nez de Catelyn était une simple glissade. Avec circonstances atténuantes.

Algol grimaça fugitivement, avant de pousser le plus délicatement possible la boule de poil qui squattait ses cuisses. Heureusement, la poignée de neurones du chaton était toute obnubilée par la découverte de Madame Laïna, et l'ancien sous-chef put s'extirper de l'infâme piège sans trop de casse. Il contint à grand peine un soupir de soulagement, avant de se relever avec la grâce exagérée de ceux qui ont un besoin urgent de se redonner une contenance. Il lissa sa chemise comme il l'aurait fait de son gilet, avant de promener un regard inquisiteur autour de lui - après tout, il était dans l'Antre De Wind Shift.

Ce fut à cet instant qu'Algol daigna enfin s'interroger sur le but de sa visite: est-ce qu'il venait vraiment de traverser la moitié de Paris en plein jour pour dire "coucou Casey voici Laïna" ?

Ben oui.

N'avait-il vraiment pas d'autre idée, un embryon de mission, une esquisse de complot?

Ben non.

Néanmoins, à présent qu'ils étaient là, pourquoi ne pas fouiner un peu? Ce qui, en plus, aurait l'inappréciable avantage d'occuper le chaton, qui n'aurait ainsi pas le loisir de créer avec Laïna une nouvelle secte vouée au pot-de-collage sur léopard (option cadette-ulcérée-bien-décidée-à-ruiner-votre-vie).

"Ton maître n'est pas là, n'est-ce pas?"

Feignant de contempler l'admirable décoration du hall (mais quelle déco?...), l'ancien sous-chef ajouta d'un ton qui se voulait sincèrement enjoué:

"Et si tu nous faisais faire le tour du propriétaire, Casey?"

La conscience de monsieur Algol nous précise qu'il faut absolument passer sous silence l'invincible vague ~~d'imbécilité~~ de tendresse qui le submergea lorsque Boule de Poil tourna les yeux vers lui. Car en effet, qu'y a-t-il de plus tordant que le second de la pire organisation terroriste française en train de poussiner?

Peut-être le chef de ladite organistation qui pleure de soulagement face à la résurrection de sa dague fétiche, mais là nous entrons dans une autre dimension.

C'était l'image d'un coulis de fraise qui se baladait avec de minuscules ailes blanches dans l'esprit de Casey. Et oui. Surtout, ne cherchez pas pourquoi.

Enfin, il recevait un peu de visite. Et quelle visite d'ailleurs! Monsieur Algol et SA SOEUUUUUR! [placez ici un cri de joie sans fin]. Et la petite créature blonde était tellement subjuguée par cette apparition qu'il ne réalisa que très tard que le sous-chef s'était déjà relevé –trop fort le Monsieur, comment il a fait?!
Et puis, il fallait avouer que s'entendre dire qu'il "était mignon" était le meilleur moyen de le priver de toute conscience du monde dans un périmètre dépassant les cinquante centimètres. On lui faisait rarement des compliments –"on" se résumant à la personne de Monsieur Shift. C'était peut-être la première fois qu'on lui disait une chose pareille. Mignon? Comme…cooomme…comme quoi?! O.o

Le coulis de fraise fut remplacé par un envol des petits chiots qu'il avait aperçu chez la voisine, par une grande sucette rose et blanche, puis par un verre de lait.
Non, non, ne cherchez toujours pas pourquoi.

« Et dites moi, quel âge à ce charmant jeune homme ? »

Aaaaaah! Ah ah!
Casey étira un large sourire à la question de Laïna. C'était le moment rêvé pour prouver qu'il avait des neurones et SAVAIT compter son âge, mesdames et messieurs! La créature si fière d'elle à cet instant brandit presque aussitôt ses menottes, pointant autant de petits doigts blancs qu'il avait d'années de service à son actif.

"J'ai d......!"

Horreur, malheur! Tous ses doigts étaient levés, et pourtant il n'avait plus depuis un petit moment dix ans, mais onze!
Le Chaton considéra fixement ses mains, sidéré par cette découverte pour le moins effroyable. Comment il allait faire pour compter son âge maintenant?!

"J'ai onze ans, madame é_è…"

Finit-il par murmurer d'une voix penaude, les oreilles en berne et ses mains coupables échouées sur ses genoux. Snif. Il lui manquait juste un tout petit doigt, pourtant! Ce monde était définitivement bien trop cruel et injuste pour lui.

"Ton maître n'est pas là, n'est-ce pas?"

A l'évocation de son maître, Casey releva son visage poupin avec une surprise candide vers Algol, qui observait les alentours avec un intérêt discutable.

"Non monsieur '_' Il est encore en train de travailler!"

A la réplique du léopard, les oreilles velues du serviteur se dressèrent au-dessus de sa tête. Le tour du propriétaire? Ca se mange…? Casey pencha la tête de côté, perplexe, et ne sut quoi répondre sur l'instant puisqu'il était trop occupé à spéculer sur le sens de cette mystérieuse demande.
Le petit blondinet se leva à son tour, épousseta sagement son éternel short noir et lissa son débardeur blanc, puis affectant un air grave –enfin…vous voyez ce que je veux dire, de la gravité caseyenne, quoi…-, il déclara de sa petite voix fluette en chevillant ses poings à ses hanches:

"Môsieur Algoool! On jouuuue?!"

Désespérant, c’est le mot qui venait à l’esprit de la jeune féline. Elle se demandait presque si c’était un mauvais rêve. Fallait-il rire ou pleurer ! Gare Humains, la Thianra est de retour, le danger renait ! C’était la une de tous les journaux. Vu de l’intérieur, vous aviez un chef haï des humains et craint du monde entier qui pleurait comme un enfant qui retrouve son jouet préféré parce qu’elle lui avait rendu sa dague adorée. Et vous aviez un sous-chef tout aussi redoutable et craint qui se trouvait totalement désarmé face à un petit chaton naïf et insouciant, ne pouvant s’empêcher de poussiner comme un vrai papa poule. Et ben ! Elle était belle la terrible organisation terroriste française réputée dans le monde entier !!

Et pourtant, devant ce touchant spectacle, Laïna avait une envie irrésistible de serrer son frère dans ses bras, ce qu’elle ne ferra pas ! Il fallait bien quelqu’un pour relever le niveau criminel de cette ville bon sang ! Et pourtant une affection des plus sincères et tendres se lisait dans ses grands yeux de petite sœur qui vénère son ainé.

Son attention se reporta sur la boule de poil qui s’était relevée. Elle restait amusée par le visible dépitement de Casey quant à sa tragique découverte que ses mains ne possédaient que dix malheureux doigts tandis que son âge en comptait onze. Il n’avait pas encore découvert que malgré dix doigts, il lui restait tout de même dix orteils et six griffes, ce qui pouvait donc le faire aller jusqu’à vingt six ans sans aucun soucis. C’était de toute façon la moyenne de vie chez un félin ces derniers temps. Cependant, elle ne prit pas le temps de lui expliquer cette évidence.

Algol venait visiblement d’être touché par une idée, de loin très intéressante. Après tout, outre la visite envers le petit chérubin, il leurs faudrait également rentrer avec de quoi manger tout de même. Et cette maison semblait renfermer pas mal de trésors forts enthousiasmants.
« Voilà une idée de génie cher ainé ! Mais je ne crois pas que ton petit protégé soit en mesure de comprendre ce langage ! »

Elle plongea ses yeux dans ceux du tout jeune félin. Elle comprenait son frère, il était vraiment craquant avec ses petits yeux joueurs et son visage poupin. Laïna lui fit un grand sourire. A son âge, elle n’était pas plus dégourdie. Les Humains étaient des maîtres quant à garder et à traiter les créatures comme de vraies bêtes sans cervelle. Du moment que le félin obéit, c’est tout ce qu’on lui demande. Etre un objet au service de son maître. Et s’il désobéit, un bon coup derrière les oreilles et c’est réglé. Au fond, elle était révulsée à l’idée qu’un pauvre enfant comme Casey, aussi gentil et candide, puisse vivre une vie d’esclave. Savait-il seulement quel goût avait une glace à la vanille ? Chocolat non ? Sans blague !

« Je suis d’accord avec Casey ! Si on jouait un peu ! Dit moi mon grand, où se trouve le frigo ? »

Et non, Laïna n’était pas sortable. Elle fit un grand sourire à son frère.

« Mais non ! Que crois-tu, je ne suis pas une affamée tout de même. C’est simplement pour vérifier que le maître de Casey le nourrit correctement. Ce ne serait pas normal si les aliments étaient avariés ! » (Mon œil oui ! Quelle excuse !)

Elle se releva doucement, enlevant totalement son chapeau. Quelle barbe ces accessoires de malheurs ! Ses longs cheveux couleur de feu se rependirent alors le long de son dos et ses pauvres oreilles purent enfin reprendre un port droit et fier. Ah ! Quel bonheur ! Qui aurait pu croire qu’il était possible d’attraper une crampe aux oreilles ! Elle pouvait enfin dévoiler toute l’ampleur de sa félinité. Zut à la fin, elle aimait se déguiser mais pas pour se cacher. Surtout à couvert et devant d’autres créatures. Elle agita sa queue et afficha un sourire satisfait. Ah ! Cette Laïna. Elle pouvait désormais se mouvoir sans aucune difficulté.

« Bon alors, on se la fait cette partie de cache-cache ? Ah ! Et au fait petit Casey, appelle-moi Laïna tout cours. Je ne suis pas une dame, loin de là. »

[Désolée du retard vraiment]

[Je suis le pire boulet de la création, je n'avais même pas vu que Laïna avait répondu. >.> ]

Très dépité de voir que malgré tous ses efforts, il avait laissé échapper une phrase d'adulte, Algol croisa les bras et lança un regard lourd de sens à sa cadette, le genre "ben vas-y puisque tu t'y connais si bien en gamins-de-onze-ans-qui-en-font-cinq".

Et le pire, c'est qu'effectivement, elle semblait bien mieux communiquer avec ladite créature que lui-même. Elle était bien entendu aidée en cela par le fait d'avoir des centres d'intérêts proches de ceux du chaton, comme cette avidité non dissimulée qui passa sur son délicat visage lorsqu'elle évoqua le frigo. Le sous-chef ne retint pas le soupir de consternation qui lui venait aux lèvres. Et quand sa terreur de petite soeur lui répliqua qu'elle se préoccupait simplement du bien-être de Casey, cette sentence comme appuyée par la Terreur, son regard appuyé et ses deux petits poings plantés sur les hanches, le félin ferma les yeux et se massa l'arrête du nez, adoptant à la perfection l'attitude du supérieur hiérarchique poussé au suicide par l'incompétence de ses troupes. Décidement, il était bien difficile de passer pour un vrai méchant, ces temps-ci.

"D'accord, d'accord... faites-la donc votre partie de cache-cache. Vous n'avez qu'à vous cacher dans la cuisine, je vais aller compter dans le bureau de Shift."

Sans laisser le temps à son "hôte" de formuler une éventuelle opposition au viol de l'espace intime de son bien-aimé maître, Algol pivota sur ses talons et gagna l'escalier en quelques enjambées amples et délicates. Il espérait bien que la logique défisciente de cette version de cache-cache serait néanmoins assez révolutionnaire pour ne pas attirer les protestations de Casey, ou du moins pas avant qu'il ne fût loin. On remarquera également un effort désespéré pour asseoir son sérieux et s'afficher en adulte responsable dans ce hall de halte garderie.

Néanmoins, le léopard des neiges ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil en arrière en arrivant au premier tournant de l'escalier, et il aurait été bien incapable de nier la bouffée d'amour et de tendresse qui hissa un sourire jusque sur ses lèvres. Laïna, belle et sauvage, qui s'étirait et dévoilait ses attributs félins avec une fierté qui déteignait sur son frère. Casey, qui la dévisageait avec ce qui se fait de mieux dans le domaine de l'admiration béate. Celui qui l'avait sorti de sa cage tangible, et celle qui avait détruits les barreaux de son âme. L'image même de ce qu'il cherchait à protéger, de ce qu'il voulait laisser derrière-lui quand toute cette horreur serait terminée et que sa vie s'achèverait. Une famille qu'il n'aurait jamais dû avoir. Une famille que pourtant il espérait conserver.

En une seconde, comme si c'était une décision mûrement réfléchie, il décida qu'ils ne repartiraient pas de cette glaciale demeure sans Casey. Laïna serait d'accord, et Shift en serait quitte pour repasser son linge lui-même.

Ne me regardez pas comme ça, je vous répète depuis le début qu'Algol n'a pas toute sa tête.

Très satisfait de sa décision, bien loin de se douter dans quelle aventure il se lançait avec cette adoption accélérée, le félin continua son ascension dans les étages. La maison du vétérinaire était construite à peu près sur le même modèle que celle de Catelyn, mais la ressemblance s'arrêtait là. Alors que l'intérieur de la jeune femme était riche et chaleureux, le lieu de vie du zombie était à l'image de celui-ci: froid et impersonnel. Impeccable (Casey était une vraie fée du logis), et même pourvu de quelques vases fleuris, mais profondément impersonnel, au point que c'en était dérangeant. Algol longea le couloir du premier étage, entrevit quelques DVD dans une bibliothèque vitrée. Il se demanda fugitivement quel genre de porno pouvait bien regarder Wind Shift, et un frémissement remonta le long de son échine: c'était typiquement le genre de chose qu'il espérait ne jamais savoir.

Le bureau du véto, tout aussi aseptisé, réservait une mauvaise surprise à l'aventureux sous-chef: les tiroirs fermés à clé, rapidement ouverts d'un habile et discret coup de griffe, ne renfermaient pratiquement aucun papier intéressant. Des brouillons, des notes illisibles. Surtout des formulaires pré-imprimés. Algol tenta "l'ordinatueur", mais sans se faire d'illusion: s'il avait plus de compétence en informatique que Noah (traduisez qu'il savait faire fonctionner un téléphone portable, et même surfer sur le net), il était tout à fait incapable de cracker un mot de passe. Le léopard des neiges fit la moue: Lior n'était jamais là quand il en avait besoin.

Déçu, grincheux car certain que Laïna allait se payer sa tête, le sous-chef rebroussa chemin. Tout n'était peut-être pas perdu, cependant: si Shift cachait des documents intéressants quelques part, Casey savait sûrement où. Le tout était de le demander avec tact et simplicité (beaucoup de simplicité) au blondinet en question. Au moins, Algol en savait assez sur la terreur miniature pour savoir qu'il connaissait le sens du mot "mission": peut-être pourrait-il encore une fois confier le destin du monde libre à cet agent vraiment, mais alors vraiment très très spécial...

Et voilà. Tout s'était bien passé. Ils avaient traversé Paris de jour sans se faire prendre. Ils avaient pénétré dans l'antre d'un officier Arnaith simplement en appuyant sur la sonnette. Ils avaient encore de longues heures devant eux pour exploiter au maximum cette magnifique opportunité. Et voilà que le léopard commettait une erreur catastrophique, effroyable, une bêtise qu'il allait regretter le restant de ses jours.

Au lieu de rester dans son rôle de l'espion dépité et donc grognon, il se prit à sourire. Il crut bon de rôder sans bruit jusqu'à la cuisine (reconnaissable à la multitude de bruits guère étouffés que faisaient les deux morfals sous sa garde), et d'en ouvrir brusquement la porte en clamant:

"Trouvés!"

Pauvre fou, ne sais-tu donc pas ce qui arrive quand on joue avec Casey?...

» Retour sur ses pas
» Le Retour
» + De retour en ville + [ Fel ]
» Un retour des plus singuliers.